Le 8 décembre 1961, Wilt Chamberlain claquait 78 points et 43 rebonds sur la tête des Lakers

Le 08 déc. 2022 à 10:52 par Enzo Lecoq

wilt chamberlain
Source Image : Youtube

C’était le 8 décembre 1961. Les Warriors de… Philadelphie accueillaient les Lakers, fraîchement déménagés à Los Angeles. Une confrontation au sommet, jouée en trois prolongations, et une performance all-time d’un certain Wilt Chamberlain.

La vision que nous avons du sport évolue avec le temps. Si à une époque le style et l’aspect visuel du jeu étaient le plus souvent retenus comme critères majeurs dans la sélection ou l’évaluation d’un joueur, aujourd’hui l’aspect statistique est de plus en plus proéminent. Et s’il y a bien une ligue sportive qui valide cette affirmation, c’est la NBA. Le basket-ball est un sport qui se prête magnifiquement à l’utilisation des statistiques, et l’on peut y établir de longues listes nous permettant de comparer les joueurs les uns aux autres. Ce jeu de comparaison amène à la création de tout un tas de records en tous genres, certains significatifs et d’autres plus anecdotiques.

Et au jeu des records, il y a un roi en NBA : Wilt Chamberlain.

Au moment des faits dont nous allons parler, Wilt Chamberlain n’entame que sa troisième saison en NBA, mais les deux premières parlent pour elles-mêmes : deux fois meilleur marqueur ET meilleur rebondeur de la Ligue, deux fois leader en minutes par match également, et même une saison avec les meilleurs pourcentages au tir de la NBA. Wilt culmine déjà à 5740 points, mais il ne compte pas s’arrêter là. Les Warriors, bien qu’attirant le feu des projecteurs grâce à leur nouvelle star, ne parviennent pas à décoller collectivement. Au moment du match, Philadelphie occupe la 2e place de l’Est (qui ne contient alors que… 4 équipes) derrière les invincibles Celtics, tandis que les Lakers écrasent l’Ouest. Le choc des titans s’annonce serré, et le match tient toutes ses promesses…

Trois overtimes. TROIS. 63 minutes de jeu, soit le match de NBA le plus long de la décennie. Et pour Wilt ? Pas une minute sur le banc. 63 minutes de jeu sans répit, pour l’une des productions statistiques les plus folles de l’histoire : 78 points et 43 rebonds. Si vous n’êtes pas étonnés, on ne sait pas ce qu’il vous faut de plus. Le Big Dipper signe tout bonnement la meilleure performance de l’histoire au scoring à l’époque, doublée de la 6e perf all-time au rebond. Aujourd’hui encore, ce record occupe la troisième place en ce qui concerne les points marqués sur un match – devancé uniquement par Kobe Bryant en 2006 et Wilt lui-même – et la 7e ex aequo au rebond.

On this date in 1961, Wilt dropped 78! https://t.co/DHZD7E1k4b pic.twitter.com/oIeWBdiOrp

— Basketball Reference (@bball_ref) December 8, 2016

Et pourtant, ce sont bien les Lakers qui s’imposent ce soir-là, sur le score de 151 à 147. Car si Chamberlain posait alors l’un de ses matchs les plus marquants, il n’était pas le seul à afficher des stats de mutant. Elgin Baylor, meilleur ailier scoreur de son époque, enregistre cette soirée-là… 63 unités, mdr, accompagnés de 31 rebonds, ah bon. À l’exception de George Mikan en 1952 et de son adversaire du soir, Baylor est le seul joueur, encore à ce jour, à enregistrer un match au delà des 60 points et 30 rebonds. Avec l’aide de son lieutenant sophomore, le jeune Jerry West – actuel logo de la NBA – qui inscrivit pour sa part un beau triple-double à 32 points, 11 rebonds et 10 passes décisives, le duo emmène Los Angeles à la victoire en terrassant le grand Wilt. Et si l’on doit encore rajouter de la folie à cette histoire déjà incroyable, on peut aisément arguer que Chamberlain… aurait pu faire encore mieux. Le pivot ne tourne alors “qu’à” 31/62 au tir, soit son pire pourcentage parmi tous ses matchs à 70+ points (6 des 11 enregistrés parmi tous les joueurs de NBA confondus). Si l’on se prête à un exercice de maths et qu’on applique à Dippy son pourcentage habituel lors de ses rencontres, on peut rajouter 12 points à l’ami Wilt, portant le total à 90. Reste à constater les 15 points laissés sur la ligne (16/31) et on imagine facilement la possibilité de Chamberlain d’exploser la marque des 3 chiffres.

Plus grand, plus athlétique, plus rapide que tous ses adversaires, Wilt Chamberlain était un OVNI à son époque, une arme instopable qui faisait trembler toutes les défenses, et peut-être même le meilleur athlète de l’histoire de ce sport. Mais l’on oublie régulièrement de mentionner qu’en plus de la domination purement physique qu’exerçait le Big Musty sur tous ses vis-à-vis, Chamberlain était un joueur extrêmement technique, et très adroit au tir pour un pivot de son époque.

Ce match face aux Lakers est en tout cas incroyable tant dans l’approche brute que par un biais symbolique. Pour Wilt Chamberlain déjà, qui s’il est retenu dans les livres d’histoire basketballistiques comme le plus grand monstre statistique de tous les temps (à juste titre) n’a que peu permis à ses équipes de briller en comparaison à ses perfs individuelles. Wilt détient la grande majorité des records all time au scoring et au rebond, certes, et il aurait sans doute une bonne partie des records de contre si ceux-ci avaient été comptabilisés à son époque, soit, mais le fait est qu’aucun candidat au top 10 des meilleurs joueurs de tous les temps n’a aussi peu de titres que le pivot. Et si son homologue bostonien Bill Russell n’affiche pas les mêmes moyennes en carrière, il pouvait se vanter d’avoir permis à son équipe de dominer collectivement celle de Chamberlain à sept reprises en Playoffs, le tout en huit séries.

Symbolique également de cette saison 1961-62 de manière plus générale, une saison considérée par certains – et sans doute à raison – comme la plus dingue de l’histoire de la Ligue. Dans la liste non exhaustive des records établis cette année là, on trouve ce match en premier lieu, mais aussi les 100 points inscrits par le même Wilt Chamberlain en mars 1962, battant son propre record. Il enregistre par la même occasion la saison la plus prolifique de l’histoire au scoring, avec 50,4 points de moyenne par match pour un total dépassant les 4000 points, installe la marque sans doute imbattable de 48,5 minutes par match sur une saison, ne manquant (quasiment) pas une seconde de jeu au cours de la saison, ou encore établit le record de matchs à 30, 40 et 50 points sur une saison. Mais Chamberlain n’est pas le seul à performer cette saison là, et n’aura d’ailleurs même pas le titre de MVP, qui revient à son meilleur ennemi Bill Russell. C’est durant cet exercice également qu’Oscar Robertson affiche la première saison de l’histoire en triple double de moyenne, et l’on en viendrait presque à oublier Elgin Baylor, qui malgré sa saison à 38 points et 19 rebonds de moyenne ne monte même pas sur le podium du MVP…

Un match fou pour une saison folle, qui fera date dans l’histoire. Wilt Chamberlain est plus que quiconque – et plus que tout – un recordman, et cette date du 8 décembre 1961 illustre parfaitement le personnage qu’il représente dans le paysage NBA.

Sources : Sporting NewsBasketballReferenceBleacher Report, StatMuse