Bill Russell, le rayon de soleil de la NBA : entre humilité et égalité, merci pour toutes, pour tous… et pour tout

Le 01 août 2022 à 12:29 par Nicolas Vrignaud

bill russell

Bill Russell était une légende sur les parquets, ayant réussi à imprimer son tempérament de vainqueur dans l’ADN même de la NBA. Un joueur qui a façonné l’avenir de sa ligue pendant les années 1960… mais aussi un homme, impliqué dans la lutte pour les droits de la communauté afro-américaine. Durant toute sa vie, Bill n’a jamais accepté qu’on lui manque de respect et aura agi avec cette idée pour améliorer la situation sociale des siens. Retour sur l’un des soleils de l’histoire de la ligue. 

Lorsqu’il arrive en NBA, Bill Russell débarque dans une ligue encore très majoritairement blanche. Au sein d’un pays pratiquant encore la ségrégation raciale. Vous nous l’accorderez, il ne s’agit pas d’un contexte des plus favorables pour jouer sereinement à l’époque. Décidé à casser les codes par le sport, Bill va très vite faire comprendre à tout le monde que lorsqu’il s’agit de balle orange, il n’y a pas pléiade d’adversaires aussi forts que lui. Les titres s’empilent très rapidement, et la célébrité avec. À une époque où la communauté afro-américaine est la cible de mesures discriminatoires dans nombre d’États, le fait de voir un noir autant dominer une ligue majeure est une véritable révolution pour le sport nord-américain. Cette position, Russell ne l’utilisera jamais pour se mettre lui même en avant. Non, il l’utilisera pour promouvoir son combat, à savoir celui de l’égalité pour tous. Dès sa jeunesse, Bilou est marqué par le racisme. Ce racisme qui poussera ses parents à déménager de la Louisiane pour la Californie. Ce racisme des étudiants de sa fac qui le huent lorsqu’il joue au basket universitaire. Ce racisme qui sera souvent l’objet d’injures dans les salles de NBA pendant sa carrière. Bill Russell aurait pu claquer la porte, mais il ne l’a pas fait. Bien au contraire puisqu’il a pris la cause de l’égalité à bras le corps et utilisé toute sa notoriété pour la porter. L’une des apogées de ce combat pour que les siens mènent une vie meilleure ? Le refus de jouer un match de gala en 1961 à Lexington dans le Kentucky, après que lui et certains de ses coéquipiers afro-américains n’aient pas été servis en raison de la couleur de leur peau dans un restaurant du coin. Deux ans après Elgin Baylor, Bill Russell aura également été l’un des pionniers dans l’utilisation du sport pour tenter de faire avancer la société dans son ensemble. On se souvient également du moment durant lequel il a pris le parti d’un Mohammed Ali refusant de partir se battre au Vietnam, une position très forte dans un pays alors très marqué par ce conflit.

Il ne tolèrera rien allant dans le sens de la moindre discrimination, allant même jusqu’à se fâcher avec les fans des Celtics et la ville de Boston pendant plusieurs décennies. Souvent victime d’insultes dans le Boston Garden, il se décrira comme “un joueur des Celtics, et non pas des Boston Celtics“. Face à une presse très souvent opposée à la prise de telles positions par ce qui n’était alors qu’un sportif, aucune once de terrain ne sera lâchée. Même dans les moments parfois traumatisants en matière de haine, comme les fois où des vandales sont venus taguer la maison du joueur avec des injures racistes. Sous l’impulsion d’un homme aussi déterminé, les Celtics – en tant qu’organisation – seront à l’initiative de certaines très grandes avancées dans l’histoire de la ligue. En 1964, les C’s sont la première équipe à aligner un cinq majeur entièrement afro-américain. En 1966, Red Auerbach fait de lui le premier coach noir de l’histoire du sport collectif professionnel aux États-Unis. En tant que joueur-coach, Bill Russell remportera trois nouveaux titres. Deux ans seulement après le Civil Rights Act qui abolira officiellement la ségrégation, le succès d’une telle nomination est éclatant. Pourtant – et comme expliqué plus haut -, sa relation avec Boston n’en sera pas améliorée.

What was Bill Russell’s life like while he was racking up 11 rings? His daughter writes: pic.twitter.com/ETKKvEbDfX

— austin walker (@austin_walker) July 31, 2022

Marqué par les assassinats de Martin Luther King Jr puis de Robert Kennedy à la fin des sixties, il mettra un terme brutal à sa carrière après le titre de 1969, et ne participera pas aux festivités qui l’attendaient dans le Massachusetts. Mettant son combat devant sa propre situation, il ne participera pas à la cérémonie honorifique de 1972 durant laquelle son maillot a été retiré. Une cérémonie qui s’est déroulée en très petit comité, sans public et sans caméras. Pour seule réponse, Bill dira “qu’il n’est pas ce type de personne“,bien que ses relations compliquées avec les fans des C’s aient également beaucoup joué En 1975, il refusera de participer à son intronisation au Hall of Fame, l’ultime reconnaissance pour un basketteur. Il refusera de la même manière la bague qui accompagne cet honneur, expliquant qu’il ne devrait pas être le premier noir à recevoir cette distinction. Il ne la récupérera qu’en 2019, après que Chuck Cooper – premier afro-américain drafté en NBA – ait finalement été intégré au au panthéon de la balle orange. Pour une cérémonie en sa présence au TD Garden, il faudra attendre 1999. Ce n’est qu’à l’aube du XXIe siècle que Bill acceptera de faire progressivement son retour du côté de Beantown. Son combat aussi déterminé pour l’égalité aura ouvert le chemin pour les autres joueurs par la suite, comme notamment Kareem Abdul-Jabbar qui sera reconnu pour ses prises de positions sociétales.

Bill Russell, c’est aussi un sourire, une bienveillance qui a rayonné sur la NBA pendant près de soixante ans. On évoquait plus tôt l’humilité du monsieur, et bien sachez que celui-ci n’aura jamais non plus fait preuve d’aigreur face aux nouvelles générations. Adoptant toujours la posture du patriarche bienveillant, son aura planera sur la NBA et il verra toujours d’un bon oeil la multiplication des talents dans la ligue, notamment afro-américains. Toujours avec une touche d’humour, comme ce soir de 2017 lors des NBA Awards. Il avait indiqué à Shaq’, David Robinson, Dikembe Mutombo, KAJ et Alonzo Mourning qu’il leur aurait “botté les fesses” sur un terrain. Pour un homme ayant plus de bagues que de doigts – 11 titres -, c’est plus la discrétion que la vanité qui le caractérisera. Sa réconciliation avec la ville de Boston et son retour dans celle-ci à l’occasion de quelques promenades et apparitions dans la salle des Celtics ces dernières années sont aussi la preuve que l’homme a su faire la paix avec soi-même. Il participera assez régulièrement aux actions de promotions de la NBA, étant le symbole des premières générations à avoir foulé les parquets. En fait, ce sont un peu les fondations de la ligue qui tremblent aujourd’hui. Russell était un incontournable, l’incarnation même des valeurs de la ligue. Respect, égalité, compétitivité. En voici par exemple quelques unes qu’il a magnifiquement incarné tout au long de sa vie. La NBA, c’était un peu vous en fait, Monsieur Bill Russell. Vous avez permis beaucoup de choses. Qu’on ne s’y trompe pas : sans Russell, la ligue n’aurait sans doute pas le même visage aujourd’hui.

Bill Russell, merci pour tout et pour tous. Vous avez façonné la NBA et ouvert le chemin à énormément de choses. Le militantisme sportif ? Vous y étiez, en tant que précurseur. Une légende s’est éteinte, mais resteront les souvenirs d’un immense champion ayant toujours mis le collectif en avant sur l’individuel. Partout, tout le temps. 

Sources : ESPN,The Washington Post