Le légendaire shooting-coach des Spurs, Chip Engelland, va quitter San Antonio : de l’ère Popovich il ne reste donc que… Pop ?

Le 12 juil. 2022 à 19:12 par Arsène Gay

Chip Engelland 12 juillet 2022
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Après plus de 17 ans de bons et loyaux service, Chip Engelland quittera son poste d’assistant-coach auprès de Gregg Popovich à la fin de son contrat, selon Jake Fischer du Bleacher Report. Le dernier lieutenant du boss s’en va, et ce sont presque 30 ans d’histoire qui prennent lentement fin sous nos yeux admiratifs.

Il y a quelques jours, nous vous parlions avec entrain de Fred Vinson, shooting-coach de New Orleans devenu l’un des assistants les plus respectés de la Ligue pour son travail auprès de Lonzo Ball, Brandon Ingram etc… Aujourd’hui, c’est avec une pointe de tristesse que nous allons devoir rendre hommage à Arthur Edward Engelland III, alias “Chip” Engelland, légendaire shooting-coach des Spurs de Gregg Popovich, qui quittera la franchise une fois son contrat arrivé à terme. Tout comme son plus jeune homologue à New Orleans, Chip ne fut jamais un joueur de renom. Pourtant, ce dernier avait bien commencé en ayant l’opportunité d’être ball boy dès 14 ans pour le célèbre John Wooden à UCLA, avant de partir jouer sous les ordres de Coach K à Duke. Mais malgré quatre années passées en NCAA, dont la dernière en tant que capitaine (en shootant à plus de 55% à 3-points), le natif de Los Angeles ne posera jamais un pied sur un parquet NBA. Naturalisé Philippin, ce dernier jouera toutefois neuf ans en équipe nationale où les fans le surnommeront “The Machine Gun” pour sa capacité à enchaîner les filoches. Engelland le sait : ce n’est pas en tant que joueur qu’il laissera sa trace. Alors en 1991 – à l’âge de 30 ans – ce dernier prend sa retraite, réfléchit à son avenir, et ne reviendra que deux années plus tard pour commencer une nouvelle vie : celle d’entraîneur.

Ok là c’est clairement la page complète qui est en train de tourner à San Antonio… manque plus que Pop et ce sera… du souvenir. https://t.co/a01fcfZiKI

— TrashTalk (@TrashTalk_fr) July 11, 2022

Sans contacts particuliers en NBA, sans réputation mondiale sur laquelle s’appuyer, l’ancien Blue Devil va se forger son propre chemin. En 1993, il crée les camps de basketball Chip Shots dans lesquels il s’emploie à améliorer le tir de tous ceux qui participent, sans distinction d’âge ou de sexe. Plus tard, en parallèle, il fonde la In-Net Corporation, dans laquelle il démontre tous ses talents d’analyse. C’est ainsi qu’au bout de six ans de dur labeur, Chip Engelland est repéré par les Detroit Pistons, pour qui il deviendra consultant en matière de shoot. Certes, le rôle reste très théorique, mais ça y est : la machine (gun) est lancée. En 2003, il ne rate pas l’occasion de gravir les échelons et prend alors la direction du pôle “développement des joueurs” de Denver. Toutefois, ce n’est pas encore suffisant pour Chip, qui ne retrouve pas dans ces deux fonctions le rôle d’entraîneur qu’il préfère plus que tout au monde. Mais la chance ne va finalement pas tarder à lui sourire puisqu’en 2005, alors qu’il viennent de remporter le troisième titre de leur histoire, les Spurs proposent à Engelland de les rejoindre en tant qu’assistant-coach, en charge du shoot. C’est le début d’une histoire d’amour qui aura donc duré plus de 17 ans et donné naissance à deux autres titres de champions NBA en 2007 et 2014.

Mais que faut-il alors retenir de ses quasi-deux décennies passées sous les ordres de Gregg Popovich ? Comment-vous dire… disons que la liste est un peu trop longue pour être détaillée ici. Néanmoins, un exemple suffira amplement : Tony Parker. De son arrivée en NBA en 2001 jusqu’à celle de Chip Engelland en 2005, TP enregistrait 14 points de moyenne à 45,8% au tir. À partir de la saison 2005-06 et jusqu’à la saison 2016-17 où il se blessera (34 ans), Tony score 17 points en moyenne à 50,5% au shoot, dont 54,8% dès sa première saison avec le nouveau shooting coach des Spurs. Ce n’est un secret pour personne et Parker est d’ailleurs le premier à le répéter lorsqu’il en a l’occasion : sa carrière n’aurait jamais pu être la même sans le spécialiste du tir avec qui il a passé des soirées entières a perfectionné son shoot, et notamment sa mécanique. Alors évidemment, ça nous donne envie de directement vous mettre on the spot : si Chip Engelland n’avait jamais été aux Spurs, la France aurait-elle été par effet d’écoulement championne d’Europe en 2013 ? Bien sûr, il est impossible de répondre à la question mais n’empêche que rien que le fait qu’elle puisse être posée démontre toute l’influence du bonhomme.

A l’occasion du départ de Chip Engelland de SA, voici un extrait du documentaire Intérieur Sport consacré à Tony Parker, Chip revient sur les changements apportés au jumpshot de TP, tout droit inspirés de son teardrop avec notamment la position écartée de son pouce. @SASpursFr pic.twitter.com/ZsthPAaP9s

— Franck MTD-BB (@MrTripleDble) July 11, 2022

Tout comme Fred Vinson, Chip Engelland, c’est aussi une méthode singulière qui a bien souvent porté ses fruits. Et ce n’est pas Kawhi Leonard qui va vous dire le contraire. Shootant en 45/25/74 durant ses deux années passées en NCAA, the Klaw s’est transformé sous les ordres d’Engelland pour tirer en 49,5/39/85 en six saisons avec les Spurs et devenir l’un des plus gros shooter à mi-distance de toute la Ligue. Pour être tout à fait honnête avec vous, Chip était donc le premier vrai “Shot Doctor” de la Ligue, n’en déplaise à Fred Vinson, qui n’en reste pas moins un digne héritier de ce surnom. Pensez-vous réellement que nous parlerions de “Spurs Basketball” si les magnifiques possessions de la bande à Timmy se terminaient par des gros parpaings sur la tranche ? Non. La légende de San Antonio est directement liée à celle d’Engelland, qui a permis que ses joueurs tirent à 41% à 3-points sur toute la campagne de Playoffs 2014. Oui, oui, 41% sur 23 matchs à intensité maximale, mdr. C’est bien simple, depuis l’arrivée de Chip aux Spurs, jamais une équipe n’a atteint de tels pourcentages sur autant de matchs (à la rigueur il y a les Cavs de 2017 avec 42% sur 18 rencontres). Honnêtement, on préfère juste se taire et laisser coach Pop vous expliquer pourquoi son assistant est si spécial.

“Il a juste un talent. C’est un super professeur, qui comprend toutes les facettes du shoot. Il a ce don de savoir quoi pointer du doigt lorsque cela concerne l’amélioration, de pouvoir deviner le dénominateur commun de ce qui doit être amélioré. Son approche séquencée de la chose est toujours juste, il ne saute pas d’étapes et ça permet aux joueurs de ne pas être perdus mais plutôt d’avoir confiance. Parfois, les mauvais shooters ont quinze personnes autour d’eux leur répétant ce qu’ils doivent faire, qu’il s’agisse de la famille, des amis, des agents, le monde entier en fait. Lui passe au travers de tout ça et gagne leur confiance.”

– Gregg Popovich

À 61 ans, Chip Engelland va donc quitter la franchise à la fin de ce contrat. Les termes de ce dernier n’étant pas publics, il est impossible de connaître la date exacte du départ de l’assistant. Il y a donc de fortes chances pour qu’il s’agisse de sa dernière année. Prendra-t-il sa retraite professionnelle ? Continuera-t-il ailleurs ? Sous quel rôle ? Pour le moment, nous n’avons pas encore les réponses à toutes ces questions. Ainsi, peut-être devrions-nous simplement nous contenter de profiter des dernières pages d’une histoire fabuleuse : celle du lieutenant du coach le plus victorieux de l’histoire de la NBA. En 2007, Tony Parker devenait MVP des Finales. En 2014, Kawhi Leonard devenait MVP des Finales. Chip quitte donc le navire après avoir transformé des jeunes mousses en véritables corsaires. Aujourd’hui, il ne reste plus que son capitaine à bord.

Avec ce départ, les fans de Spurs vont donc désormais devoir se rendre à l’évidence : l’ère Popovich va bientôt prendre fin. De son côté, le ball boy de John Wooden au lycée puis joueur sous les ordres de Coach K et assistant auprès de Gregg Popovich, Chip Engelland n’aura eu de cesse de côtoyer les plus grands entraîneurs de l’histoire, avant de lui-même partir comme une légende à son poste. 

Source texte : Bleacher Report / Sports Illustrated