Le billet d’Alex : All-Star Weekend, pluie, beau temps et player empowerment

Le 22 févr. 2022 à 14:40 par Alexandre Martin

player empowerment
Source : montage via YouTube @NBA

Partout dans le sport professionnel devenu sport-spectacle les athlètes sont le produit. Les athlètes font le produit. La NBA n’échappe pas à cette règle. Les trois jours de All-Star Weekend que nous venons de vivre en sont une preuve de plus, avec de vrais airs de sommet du player empowerment. On peut retourner les choses dans tous les sens et ça ne plaît évidemment pas à tout le monde mais les joueurs sont le basketball. Les joueurs font la grande ligue. Et plus on avance, plus ils font ce qu’ils veulent. La pluie, comme le beau temps. 

Digérer. J’ai laissé passer un lundi après ce dimanche de légende qui est venu clôturer un All-Star Weekend 2022 que l’on peut qualifier de moyen. Un peu de temps, c’est un luxe qui ne nous est pas souvent offert tant il est rare que nous ayons, avec le rythme effréné d’une saison NBA, plus de quelques heures pour prendre la mesure d’un moment, d’un match, d’une déclaration, d’une performance ou d’une accolade iconique. 

Mais avant de revenir sur ce samedi de dunks ratés, sur la performance dominicale du Chef Curry, sur les déclarations de LeBron James ou sur la réunion des plus grands de tous les temps, interrogeons-nous sur le sujet central évoqué en introduction de ces quelques lignes. Qu’entend-on par “player empowerment” ? Que signifie vraiment cette formule anglophone dont la traduction littérale serait “responsabilisation des joueurs” ou “autonomisation des joueurs” ? Pas si loin de la réalité d’ailleurs. Cette expression abrite également la notion d’autorisation et surtout de pouvoir. Car c’est bien de cela dont il s’agit, le pouvoir. On le sait. On en a beaucoup parlé, on en a fait couler des litres et des litres d’encre liquide ou digitale : depuis le début des années 2010, les joueurs, enfin les stars, ont pris le pouvoir en NBA. Et ce dans des proportions bien plus impressionnantes que ce dont leurs aînés, même les plus prestigieux et les plus investis dans l’évolution des rapports joueurs-propriétaires-ligue, auraient pu rêver. La pluie et le beau temps, on vous dit.

La pluie c’est celle des dunks ratés par les quatre participants au traditionnel et toujours très attendu Slam Dunk Contest du samedi soir. Messieurs Cole Anthony, Juan Toscano-Anderson, Jalen Green et même toi Obi Toppin qui en est sorti vainqueur, impossible de vous féliciter. Vous aviez tout en main pour nous faire rêver. Vous aviez le pouvoir de rendre ce samedi soir inoubliable. Il sera inoubliable de médiocrité. Un spectacle tellement long et ennuyeux que le grand Kareem Abdul-Jabbar n’a pas pu tenir jusqu’à la fin. Alors, le très gros inconvénient de mesurer 2m18 et d’être l’une des plus grandes légendes de l’histoire NBA, c’est qu’il est très compliqué de s’éclipser discrètement de ce genre de soirée. 

Un spectacle dont le pauvre Jalen Green ne peut être fier. Le très athlétique rookie des Rockets nous avait déjà montré de sacrées prouesses en match mais il est complètement passé à côté de son concours. Pour autant, le constat doit s’arrêter là et ne pas devenir un jugement définitif sur le joueur, hormis le fait qu’il a besoin d’un stage chez les Team Flight Brothers ou la Slam Nation. Il a raté un concours ! Il a 20 ans et son potentiel reste intact donc restons calmes et laissons-le s’épanouir. Fans et observateurs ont eux aussi du pouvoir, notamment celui de cataloguer des joueurs bien trop vite, bien trop tôt et c’est une pluie de commentaires hors-sujet qui se sont abattus sur le numéro deux de la dernière Draft.

Après la pluie, le beau temps. 

Le beau temps c’est tout ce dimanche, jour de All-Star Game et de réunion mythique. C’est Michael Jordan qui, dans son beau costard gris anthracite, traîne sur le parquet, va de petits groupes en petits groupes, rit à gorge déployée et distribue les punchlines. Soudain, il accélère un peu, plonge en direction de Luka Dončić et prend dans ses bras le Maverick de 36 ans son cadet. Sourires et complicité évidente entre les deux génies. Si Son Altesse des Airs a développé une telle relation avec Luka Doncic, c’est bien sûr parce qu’il est une égérie incroyable pour sa marque et que dans ce cadre, les deux hommes ont dû avoir l’occasion de se rencontrer. C’est aussi parce que le Slovène est tout simplement un prodige. 

C’est Stephen Curry qui, grâce à son talent fou et à sa joie de jouer, a transformé une foule qui le sifflait quelques heures auparavant, en une foule qui l’ovationne pour sa prestation unique en son genre. 16 bombes lointaines qui tombent dedans, certaines sans même regarder le ballon rentrer. L’insolence couplée à la maestria, c’est un pouvoir que le Chef des Warriors utilise à merveille. D’ailleurs, cela nous rappelle que même s’il s’étend désormais bien au-delà, le pouvoir des joueurs leur vient, au départ, du terrain et des performances qui y sont réalisées. 

Le grand soleil, c’est cette accolade entre Michael Jordan et LeBron James. Un moment qui est venu magnifier la réunion de légendes à laquelle nous avons eu droit. Au milieu des photos de Shaq en discussion avec Jabbar ou de David Robinson qui rencontre la fille de Dejounte Murray, les quelques secondes partagées dans les bras l’un de l’autre par Air Jordan et King James furent un moment symbolique car unique, car c’est peut-être du show mais les regards, les sourires et le respect étaient bien réels. 

Sur et en dehors du parquet, en short ou en costume, les joueurs sont au pouvoir et ce sont eux qui font le spectacle. En deux ou trois (si l’on considère celles avec Dennis Rodman) images clé, Michael Jordan a sublimé le moment et rendu encore plus mythique ce dimanche de clôture du All-Star Weekend. Il a donné encore plus de sens à cette cérémonie des 75 ans de la NBA qui a réuni une grande partie des 76 plus grands joueurs de tous les temps. Il est aussi là le pouvoir des joueurs, dans ce qu’ils se transmettent entre eux de génération en génération, dans ce qu’ils dégagent, dans ce qu’ils transmettent aux fans autrement qu’à travers leurs performances. 

Ce pouvoir s’exprime aussi, et surtout, en coulisses, comme l’a rappelé LeBron James. Profitant de la plate-forme médiatique qu’est le All-Star Weekend, le King ne s’est pas gêné pour envoyer deux déclarations qui sont pour certains de bonnes nouvelles et pour d’autres potentiellement de très mauvaises. Tout d’abord, en ne rejetant pas la possibilité d’un retour chez les Cavaliers un jour et ensuite en expliquant qu’il jouerait sa dernière saison avec son fils quoi qu’il arrive, quoi qu’il doive faire, LeBron a fait une nouvelle fois la démonstration de son pouvoir de joueur superstar. La pression sur les épaules des Lakers est bien réelle et les rumeurs ou les hypothèses comme quoi le patron pourrait déjà avoir la tête ailleurs ont déjà fait un bout de chemin.

Un patron qui n’en a pas oublié de rappeler que “sans l’inspiration donnée par Michael Jordan, une partie de lui ne serait pas là”. LeBron a donc (encore) été partout lors de ce All-Star Weekend se déroulant chez lui à Cleveland puisqu’après avoir envoyé de la déclaration pleine de pression et de l’accolade pleine d’émotion, il n’a pas oublié de venir fermer la boutique – parfaitement nettoyé par son pote Curry – d’un tir en fadeaway, façon Jordan. 

Une boucle bien bouclée. 

Toute aussi forte que soit la NBA pour développer son image, son rayonnement et sa gloire passent et passeront toujours par les joueurs. Aujourd’hui, ce sont Michael Jordan, Stephen Curry, LeBron James et quelques autres superstars qui ont le pouvoir. Celui de nous faire rêver, celui de nous régaler, celui de mener des combats sociétaux ou pas, celui de transmettre les bonnes valeurs ou pas, celui de choisir son équipe (voire ses coéquipiers). De grands pouvoirs, qui viennent avec des grandes responsabilités. A eux d’en faire bon usage…