Andrew Wiggins revient de loin : une place de titulaire controversée, un statut de All-Star bien mérité

Le 28 janv. 2022 à 18:18 par Arthur Baudin

Andrew Wiggins
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Star universitaire, rookie de l’année puis sourire perdu dans les forêts du Minnesota, l’itinéraire d’Andrew Wiggins est celui d’un grand espoir n’ayant jamais donné pleine satisfaction aux observateurs. Sélectionné parmi les titulaires du All-Star Game 2022, l’ailier a enfin trouvé son rythme à San Francisco, entouré des meilleurs. Comme ils diraient en Hongrie, « Az Aranykapu erőt adott ».

Le 26 juin 2014, Andrew Wiggins monte sur l’estrade du Barclays Center pour y serrer la main d’Adam Silver. Aucune chance d’attraper une grippe, il est le premier à empoigner le commissionnaire. La casquette des Cleveland Cavaliers est posée sur son crâne. Le sourire d’Andrew est des plus contagieux. S’ensuit alors l’habituel flot de paroles pour détailler le profil de l’ailier de 26 ans. Wow, une comparaison avec Tracy McGrady ? C’est effectivement ce que nous rapportent ses highlights sous le maillot des Jayhawks du Kansas. Là-bas, Andrew y a passé une saison aux côtés de Joel Embiid avant qu’ils ne fassent tous deux cap vers la Grande Ligue. Ensemble, ils se font sortir en 1/32 de finale de la March Madness édition 2013-14 par les terribles élèves de Stanford. Premier indice quant au courant alternatif sur lequel est branché Wiggins, il passe au travers de cette rencontre avec seulement 4 points à 1/6 au tir. Boarf, Joel Embiid n’a pas pu disputer le match à cause d’une blessure au dos, ce revers est difficilement condamnable. Et puis, il a beau se faire déculotter par Dwight Powell et une troupe d’étudiants en joggo, Andrew a déjà trop montré pour descendre dans les mocks draft. Sa réputation médiatique est celle d’un joueur spectaculaire qui a performé en NCAA, se défaisant alors de sa réputation de « prospect YouTube ». Un peu comme l’on fait Trae Young et Zion Williamson. Eh oui, si vous pensiez avoir affronté un monstre avec la section sportive de votre lycée, filez donc déposer un cierge devant les domiciles de ceux qui ont croisé Andrew Wiggins. Certains ne demandaient qu’à passer leur bac et faire du sport.

Quand Andrew est arrivé dans l’Ohio, cela faisait 4 ans que les Cavaliers ne jouaient plus les Playoffs. Mais depuis le départ de LeBron James vers Miami, le bilan de la franchise redressait chaque saison : de 19 victoires en 2011, à 24 en 2013 et 33 en 2014. Les jeunes Kyrie Irving et Tristan Thompson constituent une base solide à laquelle Wiggins doit venir amener son explosivité sur le poste 3. Oui, la campagne 2014-15 de Cleveland peut être celle de l’insouciance et des vacances repoussées. Sauf qu’en juillet, un mois après que San Antonio ait dégusté Miami en Finales NBA (4-1), LeBron James annonce ramener ses talents dans l’Ohio. Il détaille et explique son choix dans une lettre : « Je pense que je peux aider Kyrie Irving à devenir l’un des meilleurs meneurs de la ligue. Je pense que je peux aider Tristan Thompson et Dion Waiters à progresser ». Rien, pas un mot au sujet du first pick Andrew Wiggins. En août, ce dernier est finalement envoyé dans le Minnesota en échange de Kevin Love. Bon, le trade mentionne aussi des jetons comme Anthony Bennett, Thaddeus Young ou encore le choix de draft qui va servir pour Timothée Luwawu-Cabarrot, mais le sujet est tout autre. Après une victoire de Cleveland sur les Wolves le 23 décembre 2016, LeBron James est interrogé sur cette fameuse lettre grattée deux ans plus tôt. L’absence de mention pour Andrew Wiggins sous-entend pour beaucoup que LeBron a sa part de responsabilité dans ce trade.

« Je ne le connaissais pas vraiment. Je connaissais bien Dion (Waiters), je connaissais Kyrie (Irving),  je connaissais Tristan (Thompson). Je connaissais tous ces gars contre qui j’avais déjà joué avant. Lui je ne le connaissais pas, donc ce n’était pas un problème pour moi.» – LeBron James

Mouai, LeBron ne le connaissait pas. Ce même LeBron aperçu en train de s’exciter à l’été 2012, lorsqu’un certain Andrew Wiggins martyrisait tous les joueurs de son camp. Quand c’est pour taper une macarena au premier rang du match d’un grand prospect, il y a du monde. Beaucoup moins quand il faut cohabiter avec derrière. Au mois d’août 2014, Andrew prend donc la direction de Minnesota, soutenu publiquement par bon nombre de ses proches dont Rob Fulford, son coach au lycée.

« Andrew est quelqu’un de simple, respectueux, classe et humble. Il a très bien traversé cet épisode et il ne veut désormais qu’une seule chose : jouer au basket. Le fait que LeBron James ne lui ait pas parlé ne pouvait pas moins l’affecter, il n’aura plus besoin de se soucier de lui et pourra se concentrer sur lui même et sa nouvelle équipe. » – Rob Fulford, coach de Wiggins au lycée

Sur sa première saison sous le maillot des Wolves, Andrew Wiggins est élu rookie de l’année devant Nikola Mirotic et Nerlens Noel. Ses moyennes de 16,9 points, 4,6 rebonds, 2,1 assists et 1 interception à 44% au tir dont 31% façonnent sa réputation de scoreur facile. Son corps tient, il ne se blesse jamais et joue 327 matchs sur 328 possibles lors de ses quatre premières saisons. Sur l’exercice 2016-17, Andrew Wiggins tope son prime individuel et envoie 23,6 points, 4 rebonds, 2,3 assists et 1 interception à 45% au tir dont 36% à 3-points. La récompense ? Un contrat de 146,5 millions de dollars sur cinq ans, signé à l’automne 2017. Plein de jolis chiffre toutefois inopérants. Est notamment reproché à Wiggins son manque de caractère, les stats n’accompagnant que trop rarement des actions testostéronées. L’ancien des Jayhawks n’a pas la fibre d’un leader et beaucoup se demandent… s’il aime réellement le basket-ball. Coéquipier d’Andrew sur la saison 2015-16 – et accessoirement le plus grand joueur de l’histoire des Timberwolves – Kevin Garnett a confirmé cette tendance dans une récente interview pour ESPN.

« Je pensais qu’il appréciait le basket, mais je ne pense pas qu’il l’adorait. Wiggs a d’autres intérêts dans la vie. Il a d’autres choses qui le stimulent et je dois respecter cela. Je ne peux pas vraiment dire à quelqu’un l’ordre dans lequel il faut aimer les choses. » – Kevin Garnett 

Génial, donc t’as dégagé un Kevin Love au sommet de son art pour un môme qui préfère photographier les oiseaux. Ajoutez à cela une valse des coachs dans le Minnesota – très ambiance Kita Circus – et l’expérience d’Andrew Wiggins sous le maillot des Wolves vire à l’échec. Bien que la franchise retrouve les Playoffs lors de la saison 2017-18, soit quatorze années après sa dernière participation, l’escouade de Tom Thibodeau se fait sortir au premier tour par les Rockets d’El Barbudo (4-1). Goutte d’eau, la saison 2018-19 renverra les Wolves en vacances dès le mois d’avril. Malgré une honnête production statistique, Wiggins n’est pas fait pour porter une franchise. Il lui faut être accompagné de gros caractères. Il lui faut contribuer à un véritable effort collectif, pas l’initier. Le 6 février 2020, Andrew est envoyé avec un premier tour de draft à Golden State contre D’Angelo Russell et un pack de 10 paires de chaussettes PUMA. Tirage de rideau sur 6 saisons dans le Minnesota, les nostalgiques sont des menteurs.

442 games, all as a starter.
6-7, Rock Chalk Jayhawk from KU.
2014-15 Rookie of the Year
Our All-Time Three-Point Leader.
Maple Jordan.

Thank you, @22Wiggins. For everything. 🍁 pic.twitter.com/mdlQykDGDG

— Minnesota Timberwolves (@Timberwolves) February 7, 2020

Dans la Baie de San Francisco, Andrew Wiggins ne fait pas de vagues. Une pierre à l’édifice. Pas de Playoffs sur les saisons 2019-20 et 2020-21 mais un bon apport individuel. Avec les blessures de Stephen Curry et Klay Thompson, le succès collectif pouvait bien attendre. Cette saison, le first pick 2014 a enfin lâché l’exercice le plus abouti de sa carrière avec des moyennes de 18,1 points, 4,2 rebonds et 2,1 assists à 48% au tir dont 41% de loin. De surcroît s’ajoute le facteur collectif dont Wiggins n’avait jusque-là jamais profité : les Warriors sont deuxièmes de la Conférence Ouest et jouent la bagouze. Une nouvelle propreté émane de son jeu, comme s’il était le lieutenant avec lequel partir à la guerre. Autour d’Andrew, Stephen Curry, Draymond Green et maintenant Klay Thompson. Il est le parfait complément des cadres de Golden State. Un point d’appui qui dans le jeu, offre bien des alternatives au Big Three. Beaucoup vont même jusqu’à hypothétiser une sélection au All-Star Game, récompense jugée à la hauteur de son importance dans le succès californien. Ce jeudi, Andrew Wiggins a bel et bien appris sa sélection pour le match des étoiles, en tant que titulaire.

« Mon vote était pour lui. […] Nous avons fait la guerre ensemble à Minnesota. Je veux juste qu’il voit les fruits de son travail. » – Karl-Anthony Towns

Titulaire ? Devant des gars comme Rudy Gobert, Karl-Anthony Towns ou même son coéquipier Draymond Green ? C’est très discutable. Maintenant, la manière avec laquelle il a chopé ce spot est bien marrante. L’année dernière, Golden State a conclu un partenariat avec BamBam, un chanteur thaïlandais basé en Corée du Sud et fan absolu des Warriors. Le 7 janvier dernier, les votes pour le All-Star Game comptaient double. En échange d’un prochain concert au Chase Center, BamBam a posté un message de vote pour Andrew Wiggins sur son compte Twitter. Pour les connaisseurs de l’oiseau bleu, la tendance « Wiggins » est carrément passée n°1 en Thaïlande. Un engouement XXL qui a propulsé Andrew Wiggins juste devant Draymond Green, aux côtés de LeBron James et Nikola Jokic sur le frontcourt. Manière peu orthodoxe mais sacré symbole.

“I thought I was dreaming for a second.”@22wiggins is officially an #NBAAllStar 👏 pic.twitter.com/vK6hc7jFyE

— Golden State Warriors (@warriors) January 28, 2022

À 26 ans, Andrew Wiggins va donc participer à son premier All-Star Game. Il n’a rien volé. Sa place de titulaire est largement discutable, mais cette sélection récompense surtout des années de bonchar à servir Gorgui Dieng au poste et attendre que les vacances viennent. L’ailier des Dubs fait maintenant cap sur sa seconde campagne de postseason, la première qui passera sans doute le premier tour. À lui de faire ce qu’il fait depuis plusieurs mois, exceller dans l’ombre et servir les grandes étoiles de la Baie. Parce qu’un bon seigneur vaut mieux qu’un mauvais roi.

« Les gens oublient qu’il n’a que 26 ans. […] Pour que nous gagnions des matchs, tout le monde doit avoir un impact. Vous n’avez pas à vous soucier des chiffres, des attentes ou de comparaison avec les autres premiers choix de l’histoire. Il s’agit juste de savoir ce que vous faites en ce moment. Et est-ce que tu t’améliores ? Et est-ce que tu gagnes ? Je pense qu’il apprécie ce job. » – Stephen Curry

C’est vrai, Andrew Wiggins n’a “que” 26 ans. Avec cette première sélection au All-Star Game, l’ailier de San Francisco redonne un élan frais à une carrière encore jeune. Ses plus belles années l’attendent sans nul doute, à lui de les provoquer.