Le point sur les pivots made in France, since l’Antiquité : ça a mis du temps, mais on a enfin réussi à dominer le monde

Le 28 mai 2020 à 12:02 par Giovanni Marriette

pivots français
Source image : montage via YouTube

Semaine thématique et amour de notre patrie obligent, on s’attaque aujourd’hui à un petit état des lieux du poste 4 en France. Qui ont-ils été, qui sont-ils, qui sont leurs réseaux et qui seront-ils dans quelques années, on tente de balayer tout ça en respectant tout le monde et en n’oubliant le moins de copains possible, de Limoges à Salt Lake City, en passant par Chicago, Los Angeles ou Saint-Rémy dans le 01.

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On n’oublie pas les anciens

Le tout premier pivot bleu-blanc-rouge à véritablement mettre le nez à la fenêtre ? Jean-Claude Lefèbvre. Pas forcément fait pour le basket, Jicé mesure 2m18 donc on l’y enverra presque de force mais malgré un cursus universitaire plutôt réussi et un nom sorti à la Draft 1960, jamais le pionnier n’aura la carrière que l’on attendait. Trop grand, trop fragile, trop tôt. On enchaîne donc avec de vrais basketteurs et en premier lieu un autre Jicé, Bonato de son petit nom, père de et surtout parmi les scoreurs les plus efficaces de l’histoire de France. 172 sélections en Bleu, le statut de Roi d’Antibes durant une bonne décennie et de sacrées gênes refilées au fiston, on dit merci papa. Quelques années plus tard le Martiniquais Georges Vestris pèsera également de tout son poids et de sa grande taille (2m14) dans les raquettes tourangelles et limougeaudes, remportant entre autres cinq titres de champion de France et participant également à 157 match des Bleus, notamment aux “mythiques” JO de 84 à Los Angeles avec toute une bande de badass.

Lefebvre, Bonat’, Vestris… et Apollo Faye. Apollo Faye ? On parle d’un pivot franco-sénégalais dont le surnom fait écho à sa manière de décoller comme une fusée, le genre de mec qui lâche un 41 points – 41 rebonds pour son premier match au plus haut niveau français. Vainqueur de la Coupe Korac à deux reprises avec le CSP Limoges, multiple champion de France et freak absolu, Apollo a su se reconstruire au fil des années en abandonnant son rôle de serial scoreur au profit d’un statut plus défensif, devenant en quelques années l’une des idoles all-time de Beaublanc. Une fusée, le Wilt Chamberlain français au tout début des années 80, le premier pivot véritablement dominant de l’ère “moderne”, une légende.

Un peu plus près de nous quelques poutres nous laissent un paquet de souvenirs aussi émerveillés que hautement centimétrés. On pense évidemment au géant Fred Weis, souvent raillé pour avoir pris le poster du siècle sur la tronche mais dont la carrière se résume aussi à une médaille olympique, une autre européenne en 2005 et un triplé en 2000 avec le CSP, le tout saupoudré de 100 sélections avec les Bleus à balader son immense carcasse. Autre solide gaillard in the paint lors de l’épopée 2000 ? Cyril Julian bien sûr, futur maire nancéien passé par Paris, Pau ou l’Espagne lors de ses voyages hors-Lorraine et unanimement reconnu pendant dix ans comme LE gars à ne pas croiser dans une ruelle sombre, surtout si son but était de vous poser un écran. Autre solide gaillard in the paint lors de… l’épopée 2000, again ? Crawford Palmer, naturalisé et surprise du chef à l’époque puisque l’ancien burgien notamment s’était carrément imposé comme l’un des facteurs X des Bleus à Sydney, tout en fondamentaux et en énormes brins distribués. On citera également les très prometteurs Johan Petro et Jérôme Moïso, dont un paquet de monde aimerait avoir eu la carrière mais dont le talent aurait pu les emmener encore beaucoup plus haut, et comment ne pas finir par le vénérable Ronny Turiaf, poumon de l’Équipe de France pendant dix ans et vrai globe-trotter en NBA durant toute sa carrière après avoir pourtant vu celle-ci prendre du plomb dans l’aile juste après sa Draft en raison d’une opération express… au cœur. Mais Ronny est un guerrier, peut-être le plus vaillant que la France du basket n’ait connu.

Les re-sta

Si la génération 90-2000 a eu son lot de costauds, deux hommes ont su se démarquer de la concurrence au 21ème siècle. Joakim Noah, il est bien Français, merci, et Rudy Gobert, deux postes 5 venus de Gaule et qui ont su s’imposer parmi les meilleurs joueurs de NBA et même du monde entier. Jooks ? Véritable sensation universitaire à Florida et très vite devenu l’un des visages de la Grande Ligue avec les Bulls, le pivot chevelu de Chicago a tenu tête à LeBron ou KG, compte deux sélections au All-Star Game, mais il est surtout devenu en 2014 le meilleur défenseur de NBA et un membre de la All-NBA First Team, exploit jamais réalisé par un autre Frenchie, pas même Tony Parker. Ruiné ensuite par un transfert malvenu à New York, par les blessures et par des décisions n’allant pas toujours en direction du basket, il est pourtant réapparu ces derniers mois pour montrer de nouveau les crocs en Équipe de France à Memphis puis avec les Clippers… juste avant l’interruption de la saison, offrant au COVID le trophée du seul attaquant ne s’étant pas cassé les dents sur Joakim depuis quinze ans.

Rudy Gobert, lui, a une toute autre relation avec le microbe, mais il a pour lui le fait d’être dans son prime ou pas loin, surfant sur deux trophées de DPOY, décidément la France s’est spécialisée dans la défense. Devenu depuis quelques années le titulaire à son poste en EDF, Rudy n’est pas le plus doué du monde balle en main mais jamais la France n’a pu compter sur un joueur aussi imposant pour protéger son cercle et sa patrie. All-Star pour la première fois cette saison, le pivot de Saint-Quentin est assurément le joueur le plus important de sa franchise, une franchise qui gagne pour ne rien gâcher. A bientôt 28 ans seules les grandes victoires collectives manquent à l’appel et l’Équipe de France comme le Jazz peuvent le lui offrir, à moins qu’un GM malin comme un singe ne décèle en Rudy une arme fatale pour emmener son équipe jusqu’à une bague. Quoiqu’il en soit Gobert a toutes les chances de grimper encore dans la hiérarchie des joueurs français, dans un classement où il est pourtant – déjà – bien haut.

La génération actuelle

Mis à part une figure de proue qui domine le monde ou presque, les pivots français des années 2020 tiennent le haut du pavé sans pour autant être de futurs Hall Of Famers. No disgrace aucune hein, on parle de solides gaillards dont le palmarès de certains est déjà bien ouvert. En premier lieu l’ultra-swag Ian Mahinmi, plutôt proche de la fin que du début et dont l’armoire à trophées contient quand même une bague de champion NBA, et le cercle est plutôt restreint. Parmi les joueurs middle en terme d’âge on peut également citer Alexis Ajinca, on espère qu’il ne nous en voudra pas de le classer parmi les pivots après une seconde partie de carrière passée à fuir la raquette, ou encore Kevin Seraphin, dont le talent aura eu le mérite d’être au moins aussi grand que sa trajectoire décevante. Joffrey Lauvergne a quant à lui eu sa chance en NBA avant de devenir l’un des tous meilleurs guerriers d’Europe, alors que si Vincent Poirier prend pour l’instant racine sur le banc des Celtics, ses compatriotes Matthias Lessort et Mustapha Fall sont de plus qu’honnêtes soldats de l’Équipe de France et de leurs clubs respectifs.

Future is bright

Olivier Sarr est clairement LE poste 5 français le plus prometteur actuellement, si l’on estime que l’immense Wembanyama est plutôt un ailier-fort. Pensionnaire de l’université de Wake Forest depuis trois ans, Olivier Sarr vient de s’engager aux cotés de John Calipari à Kentucky et s’il doit encore attendre les éclaircissements de la NCAA quant à l’autorisation d’évoluer l’an prochain sous un autre maillot… son profil fait déjà saliver. 2m13 pour Olive, une verticalité qui n’est pas sans rappeler un certain Rudy Gobert, et une marge de progression énorme compte tenu de son âge et de l’éventualité de le voir évoluer un an au moins aux côtés de l’un des druides du basket universitaire américain. Comme beaucoup de gamins de son âge (21 ans) le conditionnel est de mise, mais le futur du poste 5 en France est peut-être bien entre ses immenses paluches, alors à suivre, et avec beaucoup d’attention.

Quasiment un siècle de postes 5 balayé, on en a évidemment oublié plein parce qu’ici c’est TrashTalk et pas le Dico, mais une chose est sûre : la France a appris avec le temps à former de vrais postes 5… et l’avenir nous réserve peut-être de plus grandes surprises encore.