Les Suns en plein renouveau : défense, collectif et talent, ça commence comme une blague mais c’est très sérieux

Le 18 nov. 2019 à 15:37 par Alexandre Martin

Kelly Oubre Suns
Source : NBA League Pass

C’est l’histoire d’une franchise qui était devenue une sorte de running-gag ces dernières saisons, à cause de ses choix catastrophiques à tous niveaux. C’est l’histoire d’une franchise qui était en Finales de Conférence en 2010 mais qui n’a pas mis un pied en Playoffs depuis et qui peine (peinait ?) à installer de nouvelles bases. Oui, on a déjà envie de conjuguer au passé cette période noire pour les Suns tant ce début de saison a de quoi redonner le sourire et beaucoup d’espoirs à tous les fans. On a surtout envie d’en parler, de l’analyser et de se projeter sur la suite.

Par où commencer ? Peut-être par le début, c’est souvent mieux…

Une fois le calvaire la saison 2018-19 terminée, avec le pire bilan de l’Ouest, James Jones et le nouveau Vice-président des opérations Basket – Jeff Bower – se sont tout de suite retroussés les manches. Le duo a envoyé un enchaînement de choix bien tranchés et bien inspirés. Ils ont commencé par remercier le coach serbe Igor Kokoskov qui n’était là que depuis un an mais dont l’inexpérience à ce poste venait certainement de coûter cher. Ensuite, ils n’ont hérité que du choix 6 à la Draft mais sont arrivés le jour de la grand-messe avec des intentions bien précises : renforcer l’équipe sur ses points faibles. Et leur raisonnement a été de se dire qu’ils avaient déjà du talent mais que les manques étaient sur de l’expérience et de la qualité de shoot extérieur. James Jones n’a pas hésité à échanger son pick 6 contre le pick 11 des Wolves (Cameron Johnson sera choisi) et la possible dernière année du contrat rookie de Dario Saric. T.J. Warren a filé à Indiana contre quelques twix, Aaron Baynes est arrivé avec un pick de fin de 1er tour (Ty Jerome sera choisi) contre le 1er tour de Draft 2020 des Bucks que Phoenix avait dans sa bourse pleine d’assets. Et puis, début juillet, les Suns vont continuer dans cette lignée au niveau du recrutement : le “projet” Josh Jackson est abandonné et le pick 4 de la Draft 2017 est envoyé à Memphis avec De’Anthony Melton contre Jevon Carter et Kyle Korver qui sera coupé dans la foulée. Le 8 juillet, Ricky Rubio signe pour 3 ans. Le 16 juillet, Kelly Oubre Jr prolonge pour deux ans à un tarif tout à fait raisonnable (30 millions). Pour terminer ce festival de signatures habiles, Frank Kaminsky et Cheick Diallo viennent compléter le groupe avec des contrats pas cher et pas long.

Grâce à ces choix radicaux faits par les dirigeants, Phoenix s’est retrouvé avec une assise de role-players expérimentés ou à développer pour entourer le trio de jeunes talents Booker – Oubre – Ayton et Ricky Rubio pour gérer tout ça depuis le poste 1. Ah oui et Monty Williams !! Juste après avoir viré Kokoskov, les Suns ont embauché un coach que Jeff Bower connait bien (époque Nouvelle-Orléans), un coach qui sait manier un groupe avec beaucoup de jeunes et qui sera chargé de mettre ce roster en musique. Un coach qui est clairement tout autant que les joueurs à la base du renouveau que nous observons sur ce début de saison. Un renouveau dans tous les domaines : fond de jeu collectif, utilisation des talents, mentalité et défense. C’est par là qu’il est intéressant de commencer quand on observe le contraste entre les Suns des ces 3 ou 4 dernières saisons et les Suns de ces 11 premiers matchs. Les Cactus défendent ! Coach Monty a réussi à faire prendre conscience à ses joueurs que rien ne serait possible sans une défense digne de ce nom. Et mine de rien, il y a des gars tout à fait sérieux défensivement dans ce roster : Oubre Jr et Bridges sont longs, athlétiques et ne reculent pas devant les défis imposés chaque soir sur les extérieurs en NBA. Baynes et Saric sont des durs au mal, intelligents dans le placement et solides au rebond. Ils sont les gars parfaits pour entourer Deandre Ayton. Et Ricky Rubio est certainement l’un des défenseurs les plus sous-estimés au poste 1. Il est toujours bien placé, il est vicieux à souhait et expérimenté. C’est là aussi qu’on voit la pertinence du recrutement… Les rotations défensives sont bonnes, les aides viennent au bon moment, ça switche bien dans le périmètre, ça se parle, ça se donne. L’impression visuelle est sans équivoque et les stats vont dans le même sens : les Suns avaient le 29ème rating défensif la saison dernière, ils sont 12ème après 11 matchs sur l’exercice 2019-20.

Mais le changement de mentalité inculqué par Monty Williams n’est pas juste défensif. Il est global et si la défense est à la base de beaucoup de choses, c’est en attaque qu’il se voit le plus. Les Suns jouent au basket, collectivement. Cela parait bête mais c’est une exigence qui avait disparu dans l’Arizona. La première volonté, lourdement affiché par mister Monty est de voir le ballon tourner. Monty veut des passes avec une bonne circulation sur les extérieurs mais aussi en relation intérieur-extérieur. Pour cela, il s’appuie évidemment sur la science du jeu de Ricky Rubio qui est un meneur distributeur de niveau élite, faute d’être un shooteur très propre. L’Espagnol régale dans ce système avec des intérieurs qui posent de gros écrans et beaucoup de bons shooteurs autour de lui. Et c’est toute l’équipe qui se met au diapason et qui s’applique en attaque. Résultat : tous les indicateurs offensifs sont plus qu’au vert, ils sont parmi les meilleurs de la ligue. 5ème rating offensif, les Suns sont surtout l’équipe qui fait le plus de passes décisives par match et l’équipe avec le 3ème meilleur pourcentage de réussite au tir collectivement, en global (47,5%) ou de loin (38,8%) ! Vous pouvez vous frotter les yeux mais vous venez bien de lire que les Suns sont la troisième équipe la plus adroite et celle qui génère le plus de panier après une passe décisive sur ce début de saison en NBA.  Aaron Baynes tente plus de 4 tirs lointains par match et en rentre presque la moitié (46%) ! Saric shoote à 46% dont 40% de loin pour plus de 11 points par soir. Même Rubio plante quand même plus de 37% de ses tirs primés, c’est dire s’il est en bonne position pour les prendre. En sortie de banc, Kaminsky est en manque d’adresse lui, mais il comble avec une bonne agressivité et contribue. Même Tyler Johnson semble avoir compris son rôle pendant que le rookie Cameron Johnson nous montre petit à petit pourquoi les Suns n’ont pas hésité à le drafter trop haut bien plus haut que prévu. L’ailier est un shooteur. Un vrai. Il a démarré un peu timidement (a été un peu blessé aussi…) mais ses coéquipiers lui font confiance et il prend déjà 4 tirs à 3 points par match pour presque 42% qui tombe dedans.

Venons-en aux joyaux de ce groupe… Au delà de sa contribution dans tous les secteurs du jeu, Kelly Oubre Jr envoie 17 points de moyenne à plus de 48% de réussite. L’apport du gaucher est énorme. Il se donne à fond, avec juste ce qu’il faut de nasty et d’imprévisible pour booster l’attaque ET la défense des Suns. Il est en train de se rendre indispensable. Il a l’air de vraiment bien se sentir à Phoenix et ça se voit sur le terrain. On rappelle qu’il n’aura que 24 ans en décembre et qu’il y a encore de la marge pour le voir progresser. On rappelle aussi que Deandre Ayton n’a joué qu’une seule rencontre pour le moment. Car après avoir bien sali la raquette des Kings lors du match d’ouverture (18 points, 11 rebonds et 4 contres), le numéro 1 de la Draft 2018 s’est fait attraper par la patrouille anti-dopage. Il a pris 25 matchs de suspension mais il est amené à revenir et on ne doute pas qu’il aura faim.

Nous avons donc ici – en plus de Ricky Rubio – deux excellents lieutenants pour épauler la star, pardon, la superstar de l’équipe : monsieur Devin Booker. L’an dernier, au milieu du marasme arizonien, l’arrière avait été capable de proposer une saison individuelle de grande qualité avec 26,6 points à 47% au tir, 4 rebonds et presque 7 passes décisives de moyenne. Sauf qu’il était facile pour ses détracteurs de parler “Good stats bad team guy”, un gars qui fait ses stats dans des équipes mauvaises. Sous-entendu un gars qui ne va pas faire gagner une bonne équipe. Devin Booker a dû lire ces critiques et à la manière des plus grands, il a dû s’en nourrir pour les faire mentir. Alors qu’il vient tout juste de fêter ses 23 ans et qu’il est dans sa cinquième saison, Book évolue à un niveau de All-Star sur ces 11 premiers matchs qui ont vu les Suns gagner à 7 reprises. Rubio est le métronome, celui qui donne le rythme. En l’absence d’Ayton, Aron Baynes fait parfaitement le boulot à l’intérieur et se montre aussi capable d’écarter comme dit précédemment. Et Booker est le grand bénéficiaire de l’arrivée de ces deux joueurs mais il en profite pour nous montrer qu’il a le niveau pour être LE franchise player. Celui qui est au-dessus des autres, de sa match-up. Celui qui ne force pas, qui se comporte en patron et qui assume son statut. Avec l’adresse et le mouvement de balle proposé par les Suns, il est compliqué de systématiquement faire prise à deux sur Booker. Là, le constat est simple : un seul défenseur ne peut pas tenir Devin le tueur. 25,5 points par soir, à 54% au tir, 50% de loin et 94% sur la ligne des lancers. Ajoutez à cela plus de 3 rebonds et 6 passes décisives et vous obtenez la ligne de stats d’un des meilleurs arrières de la ligue. Et encore, Booker ne fait que découvrir cette nouvelle sensation qui consiste à jouer pour gagner. Vu la mentalité du gamin, il va y prendre goût. Il ne va peut-être pas pouvoir maintenir ses pourcentages stratosphériques tout au long de la saison mais son influence n’est plus et ne sera plus la même désormais. Il bonifie le travail collectif de ses potes, il prend les gros tirs, ne tremble pas quand il faut finir l’adversaire et n’a peur d’aucun défi.

Et c’est aussi pour ça qu’on est impatient de voir la suite, on sent que ce n’est que le début de quelque chose de passionnant. Entretenir d’aussi bons résultats ne sera pas évident surtout quand on prend en compte le fait que Phoenix a joué 8 de ses 11 premiers matchs à domicile mais la manière semble s’installer et les Suns sont une des équipes les plus kiffantes à regarder jouer depuis la reprise. Ils ont bien l’intention de se battre pour une place en Playoffs en avril prochain. Ce n’est pas une punchline pour la forme, cela semble possible après quasiment un mois de compétition. Rien que pour ça, les amateurs de cactus peuvent avoir le sourire.