Enes Kanter, un joueur et un homme unique : parfois raillé mais toujours de bonne humeur malgré un conflit pesant

Le 01 sept. 2019 à 08:22 par Clément Hénot

Enes Kanter
Source image : YouTube

Enes Kanter est une vraie personnalité du paysage NBA. Connu pour sa bonne humeur, son dévouement et ses prises de positions. Tantôt encensé pour son talent offensif, tantôt décrié pour ses lacunes défensives, parfois adepte du trashtalking, mais jamais à l’abri que ses paroles se retournent contre lui. Peu de monde est indifférent au sujet de l’intérieur. Tentative d’éclaircissement à son sujet.

Enes Kanter n’est jamais le dernier pour balancer une petite pique à qui veut bien la recevoir. Lui qui a commencé sa carrière au Jazz d’Utah en 2011 avant de les quitter en 2015 après avoir demandé un transfert… n’a pas manqué de tacler son ancienne organisation avant de mettre ses mains derrière ses oreilles à son retour à Salt Lake City dans une salle qui l’a copieusement sifflé. Utah était probablement la seule équipe dans laquelle il ne voulait pas finir sa carrière, car le pivot est coutumier du fait.

En effet, c’est souvent la même rengaine avec l’ancien Jazzman : dès qu’il rejoint une nouvelle franchise, on dirait que le bougre veut faire sa vie là-bas. Après son transfert à OKC ? Il est tombé amoureux de cette organisation. Après son arrivée à New York ? Il espère finir sa carrière à la Big Apple. Après sa saison chez les Blazers ? C’est l’une des meilleures choses qui soit arrivé à sa carrière. Aujourd’hui, Kanter est un Celtic, non sans avoir glissé un petit taquet à Kyrie Irving, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a déjà préparé le terrain en annonçant qu’il se donnerait toujours à fond pour cette institution qu’est celle des Celtics. Si l’on peut légitimement rire de ces retournements de veste incessants de Kanter, ils ont le mérite de montrer l’implication du bonhomme et son acharnement sur un terrain, qui en fait souvent un joueur qu’il vaut mieux avoir avec que contre soi.

De plus, sa bonne humeur quotidienne et son omniprésence sur les réseaux sociaux en font une personne à suivre obligatoirement. Par exemple, il n’y a qu’Enes Kanter pour se faire un “cheat meal” (littéralement “repas triche” qui consiste à exploser le compteur à calories lorsque l’on suit un régime spécial) composé de 7 hamburgers et de louper l’entraînement suivant ainsi que le match d’après pour cause d’intoxication alimentaire. Mario Hezonja n’avait pas manqué de le chambrer à l’époque en posant des hamburgers en plastique devant son casier.

Cheat Day 😋 pic.twitter.com/w5lUI8s6Wl

— Enes Kanter (@EnesKanter) January 10, 2019

Kanter affectionne particulièrement le trashtalking. Comme on dit, quand il veut tacler quelqu’un, il fait rarement le voyage à vide et c’est clairement un bon client pour nos TrashTalk Awards. Le type est par exemple capable de faire des photos montages sur Devin Booker et Jared Dudley dignes d’un môme de 11 ans sur Paint lorsqu’il gagne contre les Suns avec les Knicks.

Hold that “L” kid.

Talk to me nice or don’t talk to me at all… pic.twitter.com/tS3mLgClTA

— Enes Kanter (@EnesKanter) January 27, 2018

“Prends cette défaite gamin, parle moi correctement ou ne me parle pas.”

Sauf qu’un an plus tard, c’est le sosie officieux de Samy Seghir qui va se venger en ressortant son tweet au turc.

🤦🏽‍♂️ “Pick n Roll at 00 every time” https://t.co/riaizpFpZV

— Devin Booker (@DevinBook) December 18, 2018

“Pick and roll sur le numéro 00 à chaque fois.”

Puis Jared Dudley en a également pris pour son grade, un bel échange d’amabilités.

You talking like you in the playoffs bruh!!! You not Westbrook bruh!! Don’t let that Knicks hype fool you! We know what you are a fake tough guy who like twitter! We already saw Lebron son you! https://t.co/YD0j0J1jCy

— Jared Dudley (@JaredDudley619) January 27, 2018

“Tu parles comme si tu étais en Playoffs ! Tu n’es pas Westbrook ! Ne laisse pas la hype new-yorkaise t’abrutir ! On sait que tu es un faux dur qui aime se cacher derrière Twitter, on a tous vu LeBron te dresser.”

Get on the treadmill before you talk bro.
You got the retirement body 😂 😂https://t.co/X6GuST1kft

— Enes Kanter (@EnesKanter) January 27, 2018

“Monte sur le tapis de course avant de parler mon gars, tu as le corps d’un retraité.”

Oui, à force de tailler, il arrive que l’on se fasse tailler en retour. C’est également ce qui lui est arrivé lorsqu’il a comparé Zion Williamson à un Julius Randle avec de la détente mais sans shoot fiable. Le nouvel intérieur des… Knicks n’a pas tardé à lui rappeler la misère qu’il lui avait mis lorsque le Turc défendait sur son dos.

Yo @EnesKanter last time you guarded me I had 45 relax bro lol

— Julius Randle (@J30_RANDLE) June 26, 2019

I remember brother.
That was the game y’all got the “L”
😂 https://t.co/w3B9c8swT5 pic.twitter.com/054h9c7iin

— Enes Kanter (@EnesKanter) June 26, 2019

“Relax, la dernière fois que tu défendais sur moi j’ai marqué 45 points.”
“Oui je m’en rappelle, c’est le match où tu as perdu.”

Plus récemment, il avait également taillé les Knicks en les remerciant de l’avoir coupé pour partir du bourbier que c’était, mais également les Nuggets, qui avaient déjà mis en vente les billets pour les Finales de Conférence pendant le Game 7 contre les Blazers. Mais ça c’était avant le coup de chaud de CJ McCollum.

Refund please!!!!! pic.twitter.com/8HKoNTUCeU

— Enes Kanter (@EnesKanter) May 12, 2019

“Remboursez s’il vous plait !”

Même son ancienne franchise en a pris pour son grade lorsqu’il est parti rejoindre Portland. New York était englué dans les bas fonds de l’Ouest, tandis que les Blazers faisaient une très belle saison, il a d’ailleurs atteint les Finales de Conférence avec eux.

“Je remercie les Knicks de m’avoir coupé !”

Outre certains trolls également sur Skip Bayless et Adam Silver, il n’a également pas eu peur de se chauffer avec LeBron James lorsque ce dernier avait poussé Frank Ntilikina, son coéquipier de l’époque aux Knicks. On vous le dit, Enes Kanter ne recule pas devant grand chose. Sauf un souci très particulier pour lequel il doit malheureusement faire très attention.

En effet, on oublie souvent que derrière cette carrière aux statistiques correctes et aux apports significatifs et ce sourire permanent se cache un combat aussi grave qu’important aux yeux d’Enes. En effet, le Turc est tout simplement devenu persona non grata dans son pays, à l’instar de l’ancien footballeur star Hakan Sukur, ayant été sélectionné 112 fois avec la Turquie et auteur de 51 buts. Ouvertement opposant à l’actuel président turc Recep Tayyip Erdogan, et sympathisant de Fethullah Gülen, un imam devenu apatride après avoir été considéré comme opposant d’Erdogan et actuellement exilé aux États-Unis après qu’un mandat d’arrêt ait été lancé contre lui, il a également lancé le “mouvement Gülen”.

Enes Kanter est également visé par un mandat d’arrêt mais ce n’est pas tout : il a vu son passeport turc annulé en 2017 à l’aéroport, ce qui l’a bloqué de nombreuses heures en Roumanie et a même été condamné à quatre années de prison pour ses insultes répétées envers le président qu’il qualifie régulièrement de “fou” mais aussi comme du “Hitler du 21ème siècle”. Enes Kanter a également été menacé de mort à plusieurs reprises, a été renié par sa famille, elle-même la cible de certains partisans d’Erdogan, pour être les parents d’Enes Kanter. Son père a par exemple été arrêté pour le compte d’une enquête, puis condamné à quinze années de prison pour “appartenance à une organisation terroriste”.

“Un jour, mon père est allé à l’épicerie, comme d’habitude, puis l’employé lui a craché au visage, juste parce qu’il est le père d’Enes Kanter”

Aujourd’hui, Kanter est également visé par Interpol, une notice rouge est lancée à son encontre (NDLR : une demande d’arrestation dans chaque pays membre d’Interpol), ce qui a conduit Kanter à devoir renoncer malgré lui au match à Londres qui opposait sa franchise de l’époque, les Knicks, aux Wizards. En effet, la Turquie aurait pu demander son extradition et le joueur pense même qu’il aurait pu se faire tuer par des espions turcs. La Turquie avait prévu de juger Kanter pour une implication dans la tentative de coup d’état qui avait en 2016 opposé le président Erdogan et une faction de l’armée turque, et qui a fait 290 morts dans le pays.

Kanter n’est plus revenu en Turquie et n’a plus adressé la parole à sa famille ni ses anciens amis depuis plus de deux ans. Il a déjà été réveillé par la visite de deux policiers en Indonésie et a dû filer le plus vite possible pour retourner aux États-Unis, et il a fallu àl’époque l’intervention de Jim Inhofe, un sénateur de l’Oklahoma, sa résidence de l’époque, pour le faire sortir de cette cavalcade. Mehmed Kanter, le père du néo Celtic, a renié son fils par ces mots très durs.

“Je m’excuse auprès du président Erdogan et du peuple turc pour avoir eu un fils comme lui. Nous ne voulons plus qu’il porte notre nom.

Enes Kanter a déjà déclaré par le passé “Aujourd’hui, je n’ai plus de pays.” ce qui rend compréhensible son attachement à toutes les franchises où il passe et son envie d’y finir sa carrière. Le joueur est probablement en quête d’une nouvelle famille qu’il n’a plus depuis plusieurs années déjà. Toutefois, la NBA continue de soutenir son joueur, et a décidé en 2019 de rompre le contrat qui la liait avec l’entreprise qui gérait ses réseaux sociaux turcs et passait volontairement sous silence les performances d’un Kanter devenu paria. Il s’est notamment écharpé violemment sur Twitter avec Hedo Turkoglu, autre joueur turc marquant de la NBA désormais à la retraite et qui fait partie des conseillers d’Erdogan. Voici en substance ce qu’il a déclaré.

pic.twitter.com/Dv16BVHFFF

— Hidayet Türkoğlu (@hidoturkoglu15) January 7, 2019

“Nous savons qu’il ne peut pas voyager dans certains pays depuis 2017 à cause d’un problème de visa. En d’autres mots, ce n’est pas parce qu’il a peur pour sa vie qu’Enes Kanter ne peut pas venir au Royaume-Uni. Comme on le sait depuis longtemps, il essaye d’attirer l’attention vers lui avec des justifications irrationnelles et des commentaires politiques.
Ces remarques constituent un autre exemple de la diffamation politique que Kanter essaie de mener contre la Turquie, autant que ses efforts pour se rendre important.
Kanter n’a pas seulement ciblé la Turquie avec des accusations injustes, il a aussi considéré les forces de l’ordre britanniques comme étant mauvaises et a tenté de détériorer les relations entre la Turquie et le Royaume Uni.”

Kanter a donc répondu avec sa verve habituelle, tout en postant son document censé lui permettre de voyager.

This is my travel document:
It’s NOT a visa issue!!!

I CAN go to London.
Either you are delusional, or still Erdogan’s lap dog..
Keep wagging your tail@hidoturkoglu15
@RT_Erdogan #DictatorErdogan 🇹🇷 pic.twitter.com/UpvEG24ayu

— Enes Kanter (@EnesKanter) January 7, 2019

“Voici mon document de voyage, ce n’est pas un problème de visa !
Je PEUX aller à Londres.
Soit tu délires, soit tu es encore le petit chien d’Erdogan.
Continue d’agiter ta queue.
#DictateurErdogan”

Le joueur affirme toutefois que malgré les controverses qu’il suscite, il continuera d’élever sa voix et de faire entendre son opinion, quitte à devoir changer de nom… En effet, il envisage de choisir un nom américain. Conscient que son avis pèse et qu’il peut facilement être écouté, en tout cas aux États-Unis. On peut également comprendre ce côté “n’a peur de rien ni personne” qu’Enes Kanter déploie souvent sur le parquet car avec tout ce qu’il a vécu, une embrouille avec LeBron James ou Giannis Antetokounmpo devient banale pour lui.

Entre autres, voici l’une des raisons pour laquelle Enes Kanter n’a pas peur de grand chose et tente de toujours se montrer sous son meilleur jour, ce qui en fait un joueur très apprécié dans les franchises où il passe. Mais au delà de cette histoire, le pivot est un vrai soldat, capable de tout donner pour son équipe et de malgré tout garder un sourire qui, s’il doit parfois être de façade, en fait un vrai personnage attachant et entier dans le monde de la NBA.


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