Isaiah Thomas souffle ses bougies : itinéraire d’un éternel mal-aimé au mental de héros

Le 07 févr. 2019 à 16:22 par Enzo Ferretti

Isaiah Thomas
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En ce 7 février, un certain Isaiah Thomas fête son anniversaire. C’est donc une belle occasion pour revenir sur la carrière atypique de ce joueur hors du commun, ou l’inverse c’est comme vous voulez. L’histoire d’un homme à qui rien n’a jamais été offert dans le basket-ball.

Déjà, rien que le nom, Isaiah Thomas. Quel fardeau à porter quand on veut faire carrière en NBA et qu’on sait à quel point la légende des Pistons a marqué l’histoire de la grande Ligue. Déjà au départ, le mec partait avec une difficulté en plus rien qu’avec son blase. Mais s’il n’y avait que ça. Lorsque le jeune Isaiah Thomas se présente à la Draft NBA un soir de juin 2011, il mesure moins de six pieds alors qu’il est âgé de 22 ans. En effet, comme le dit l’unité de mesure utilisée outre-Atlantique, Thomas est un 5’9’’, ce qui correspond en gros à 1m75. Autant dire que ce n’est pas un super avantage pour jouer au basket. Potentiellement, votre voisin du dessous, votre prof de Français ou votre médecin traitant est plus grand qu’Isaiah Thomas. Du coup, difficile de faire parler de soi et personne ne s’intéresse au pauvre Isaiah ce soir-là, si ce n’est Sacramento qui le sélectionne en 60ème position. Sachant que la Draft NBA se compose de deux tours avec 30 choix par tour, on vous laisse faire le calcul. Au moment où il est appelé par Adam Silver, tout le monde a déjà remballé et le concierge était déjà sur place les clefs en main pour fermer la porte. Le petit Isaiah Thomas a été snobé par presque tout le monde et doit son salut aux Californiens pour lui avoir donné l’opportunité d’intégrer la grande Ligue. Mal-aimé on vous dit. A l’époque, on imagine tous qu’il va faire un an dans le roster des Kings avant d’aller gentiment végéter dans les ligues mineures du basket américain. Seulement voilà, Isaiah Thomas n’est pas de ceux-là. Ce que la nature n’a pas donné à son corps, elle l’a donné à son cœur. Le petit meneur parvient tant bien que mal à se trouver un temps de jeu dans le pauvre effectif des Kings de l’époque. Il ne cesse de progresser d’année en année en compagnie d’un autre jeune joueur du nom de DeMarcus Cousins. 11 points la première saison, 13 la deuxième et 20 la troisième. Il n’est pas si mal en fait le dernier de Draft que personne ne voulait. Sa troisième année aux Kings est tout simplement magnifique mais il est snobé au moment du trophée de MIP, qui revient au Slovène Goran Dragic alors que la progression du petit lutin était probablement plus significative.

Mal-aimé. Mais il en faut plus pour déstabiliser Isaiah Thomas qui s’est désormais fait un nom malgré tout en NBA et qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il repart de plus belle la saison suivante sous le maillot des K… Ah non, en fait il se fait échanger à Phoenix contre une vulgaire trade exception à 7 patates et les droits sur Alex Oriakhi (qui ?), à croire que la considération et Isaiah Thomas ne sont définitivement pas compatibles. Dans l’Arizona, il est malheureusement stoppé par quelques pépins physiques et après quatre petits mois à Phoenix en tant que remplaçant d’un certain Goran Dragic, il est de nouveau échangé et rejoint les lutins de Boston. Le mariage était tout trouvé. Vous nous avez vu venir ? Oh que oui. Le nabot débarque donc dans le Massachusetts et c’est là qu’il deviendra IT4, The Reason, The Little Ticket ou encore King in the Fourth pour sa capacité à plier les matchs dans le money time avec Boston. En effet, après des débuts réussis dans le rôle de sixième homme, Isaiah Thomas réalise une campagne 2016-17 exceptionnelle, la meilleure de sa carrière. Il envoie alors 29 points, 6 passes, presque 3 rebonds de moyenne et 1 steal par match tandis que Boston finit premier de l’Est avec 53 victoires. Le petit lutin est irrésistible et semble être sur un nuage. Il est la nouvelle coqueluche de la NBA et tout le monde est tombé amoureux de ce joueur aussi doué qu’attachant. Isaiah Thomas tutoie désormais les plus grandes stars de la Ligue peinard. C’est bon là ? Ça suffit pour qu’on commence enfin à le respecter ? Bah non visiblement. Le meneur n’est pas titulaire au All-Star Game et obtient le nombre total de…. zéro vote pour le classement MVP. Sérieusement ? Mais qu’a donc fait Isaiah Thomas pour être continuellement snobé par tous. Trop petit ? Pas assez grand ? Que doit-il faire pour être enfin considéré à sa juste valeur ? Au bout d’un moment, la pilule est difficile à avaler. Néanmoins, le petit lutin nous gratifie de Playoffs historiques qui resteront à jamais gravés dans la mémoire des fans du TD Garden. Alors qu’il perd sa sœur dans un tragique accident de voiture juste avant le début des séries éliminatoires, il décide par fidélité aux Celtics de jouer tout de même le premier match contre les Bulls. Un mental de héros tout simplement. Boston perd la rencontre mais Isaiah Thomas marque tout de même 33 points. Mais le plus incroyable restait à venir. Lors du second tour et la victoire dans le Game 2 face aux Wizards, il plante 53 points dont 29 entre la prolongation et le quatrième quart dans un TD Garden en folie, et tout ça le jour de l’anniversaire de sa sœur défunte. Il devient le plus petit joueur all-time à atteindre ce total en Playoffs. L’histoire est magnifique. Au feu l’avis de l’un ou de l’autre, à ce moment précis, IT est sans contestation un monstre du basket qui fait rêver petits et grands, mais surtout les petits. Il dira d’ailleurs dans les colonnes de Sports Illustrated le jour de ses 28 ans :

“Honnêtement, je ne regarde pas la taille. Je viens, je trouve un moyen. Je l’ai fait toute ma vie. J’ai été le plus petit joueur sur tous les terrains dans ma vie. Mais je ne me sens pas petit. Je me sens aussi grand que tout le monde.”

Une leçon de vie que nous donne alors le meneur qui, à force de persévérance, de mental, de courage et d’abnégation a su amener sa petite carcasse tout en haut de la plus grande Ligue de basket-ball du monde. Malheureusement, il manque cette année-là une grande partie des Finales de Conférence face à Cleveland à cause d’une sale blessure à la hanche. Mais il en faut plus pour le décourager et il repart donc de plus belle la saison suivante sous le maillot des C…. Ah bah non, toujours pas. Pas chaud pour lui filer le contrat max qu’il méritait, Danny Ainge l’envoie à Cleveland à l’été 2017 dans un blockbuster trade de meneurs entre Cavaliers et Celtics. Le first pick de la Draft 2011 Kyrie Irving est échangé contre le 60ème. Le meneur est effondré, abasourdi. Quel manque de respect et de considération, Isaiah Thomas n’aura décidément jamais eu la reconnaissance qu’il aurait pourtant amplement mérité. On voulait bien croire à une nouvelle renaissance du lutin dans l’Ohio mais malheureusement, ce trade marque un mauvais tournant dans la carrière d’Isaiah Thomas. Mal-aimé par LeBron James, il revient de blessure difficilement et n’est jamais vraiment intégré chez les Cavs. Il a néanmoins droit à sa standing ovation pour son retour au TD Garden sous le maillot de Cleveland et ça, ce n’est pas donné à tout le monde. Il est ensuite échangé à la mi-saison chez les Lakers avec Channing Frye et un premier tour de Draft contre Larry Nance et Jordan Clarkson… La coqueluche du TD Garden bazardé chez les Lakers au bout d’une demi-saison, on s’attendait certainement à un meilleur traitement une fois de plus, mais le principal intéressé a désormais l’habitude. Après deux petits mois à Los Angeles et quelques éclairs par-ci par-là (notamment face aux Cavs), il est libre et s’engage à l’été 2018 pour un an chez les Nuggets pour le minimum vétéranVous l’avez compris, Isaiah Thomas aura eu un moment de gloire aussi bref que sa taille. Mais quelle histoire. Au final, qu’est-ce qui est le mieux ? Mesurer 2m10, peser 120 cages et dominer la Ligue rien que par son physique ou bien réussir à épater tout le monde, même si ce n’est qu’un an, en mesurant à peine 1m75 et 80 kg ? Le débat est ouvert. Certes, sa carrière a été semée d’embûches et son prime n’aura duré qu’une saison, mais il a su faire rêver n’importe quel gamin que la nature n’aurait pas gâté en démontrant que le mental et la persévérance pouvaient casser toutes les portes. Et ça, c’est déjà énorme.

Joyeux anniversaire à Isaiah Thomas qui souffle donc ses bougies aujourd’hui. A travers son parcours et son passage magnifique chez les Celtics, il a réussi à laisser son empreinte à jamais parmi les meilleurs petits de l’histoire de la grande Ligue. Et n’en déplaise aux vieux aigris qui ne jurent que par la NBA des années 80-90, il y a désormais deux et non plus un seul Is(a)iah Thomas dans les livres d’histoire.