L’interview XXL d’Evan Fournier : des tacles, des explications, dans les paroles d’un grand garçon

Le 30 août 2016 à 02:11 par Bastien Fontanieu

Evan Fournier

Il aurait pu exploser. Profiter de cette estrade, pour vider tout son sac et créer un véritable brasier. Mais dans l’interview publiée par nos confrères du journal l’Equipe ce mardi, Evan Fournier a préféré la jouer comme il l’a souvent fait : avec transparence, puissance mais discernement. On fait péter le bouchon.

C’était probablement l’entretien le plus attendu de la semaine, du mois, allez de l’été pour ceux qui – comme nous – avaient découvert avec stupeur sa non-sélection pour les Jeux Olympiques de 2016, le 13 juillet dernier. Il y avait comme une sorte d’anxiété sur les réseaux sociaux, en apprenant que le Champagne allait couler. Non pas que l’arrière d’Orlando allait devenir incontrôlable, mais c’est plutôt le brouillard et l’inconnu qui nous faisaient tituber. Finalement, dans cet échange téléphonique partagé entre Evan et Yann Ohnona de l’Equipe, le joueur a été aussi franc que pertinent, incisif mais patient. Voyons extrait par extrait, les sujets qui ont été abordés.

  • Apprendre sa non-sélection sur Twitter, un véritable coup de poing dans la gueule.

‘Je l’ai appris… sur Twitter. Cela faisait une semaine que je m’en doutais en lisant les interviews, où seul Rudy (Gobert) était cité parmi ceux n’ayant pas disputé le TQO de Manille pour rejoindre le groupe. Dans le fond, ce n’est pas si grave, mais la manière était étonnante. J’ai eu un message vocal de Vincent Collet, après la sortie de la liste, qui m’annonçait la nouvelle et en expliquait sommairement les raisons.’

Un détail pour certains, mais pourtant tellement marquant. Et violent, surtout pour un athlète dont les parents sont allés à Sydney représenter le pays en 2000. Oui, Evan a découvert qu’il ne faisait pas partie des 12 de Rio en allant sur les réseaux sociaux, l’ouverture d’un sujet qui fâche depuis bien longtemps et a été souligné à juste titre par l’intéressé : la communication avec la fédé. Quand on apprend que l’arrière a bossé comme un taré pour se tenir prêt, qu’il a participé à toutes les dernières compétitions sous le maillot tricolore, et qu’il a laissé de l’argent sur la table lors de ses négociations contractuelles, ça fait mal. D’où les termes employés, le fait qu’il avait la haine et une frustration évidente.

  •  Voir un traitement différent en fonction des joueurs, un sentiment d’injustice.

‘Je comprends (l’avantage offert aux joueurs ayant participé au TQO). Si j’avais été au TQO et qu’on m’avait viré, j’aurais été fou. Mais dans ce cas, il faut que cela s’applique à tous… Déjà, les choses n’ont jamais été énoncées clairement. Ensuite, Rudy a été une ‘exception’. Puis, on a mis en place un processus particulier pour Nicolas Batum, qui a signé son contrat aux Philippines. Alors quand en plus j’ai appris qu’à la veille de la liste on avait appelé Ian Mahinmi, j’ai fini par me dire : je suis le seul qui reste derrière. Où est la cohérence ? Pourquoi pas moi ?’

On savait depuis le début que pour Gobert, la sélection allait être validée les yeux fermés. Mais comme Collet l’explique ensuite, avec une plaidoirie qui ne nous séduit pas franchement, le choix était ‘cornélien’ entre Evan et d’autres copains de la ligne arrière. Vouloir prendre Heurtel pour une raison, Diot pour une autre et Kahudi de même, why not. Mais les mettre devant Fournier sans le prévenir à l’avance du système de sélection, pas cool du tout.

  • Programmer son été pour rejoindre le groupe, et tout de même se faire recaler.

‘Evidemment (que j’étais prêt à tout pour disputer les JO). S’il avait fallu faire ce que Nico a fait, je signais. Quelques dizaines d’heures d’avion ne m’auraient pas tué. Je comprends que la fédération ne pouvait pas faire ça pour trois ou quatre joueurs, mais j’aurais apprécié qu’on me le propose. Les JO, c’est le rêve absolu. […] J’aurais fait n’importe quoi (pour y aller). D’ailleurs, j’avais construit mon après-saison en fonction de cet objectif. […] Je me suis entraîné comme un fou, j’étais chaud, j’étais prêt.’

Comme on peut le voir un peu plus bas, ce n’est pas Evan qui a commencé à vouloir renier le maillot bleu. Présent pour porter son pays dès que possible, l’arrière avait prévu son printemps et son été, ainsi que son futur salaire, en fonction de Rio. Sachant que, sportivement, il pouvait dormir tranquille en ayant encore en tête les images de sa saison à Orlando, et deux dernières compétitions prometteuses avec l’EDF. Préparer un dîner, allumer les bougies, annuler une soirée avec ses potes et apprendre que chérie couche avec un autre, alors que t’as été plus que réglo depuis des années, paye ta stupéfaction.

  • Pointer du doigt le manque de communication, un grand moment pour Vincent Collet.

‘Il y a presque zéro contact (avec la fédération). Donc difficile de savoir à quoi s’attendre. Les deux moments où j’ai entendu parler de la Fédération cette année, c’était une visite de Patrick Beesley (le DTN) à Orlando pour un repas, où on m’a indiqué les dates du TQO et des JO. On ne m’a jamais dit : si tu ne viens pas à Manille, tu ne viens pas aux JO. Le deuxième contact, c’est un SMS de Vincent Collet, le seul échange que j’ai eu avec lui depuis trois ans, en dehors des compétitions. C’était pour… me demander des places pour un match, pour des amis. C’est là où j’ai de gros regrets.’

C’est un département du basket français qu’on ouvrira un jour en long et en large, lorsqu’on aura notamment plus d’informations en notre possession et de connaissances sur ce qui s’y passe réllement, mais entre la fédé et les joueurs, pas sûr que ça communique des masses. Alors quand on voit ce genre de témoignage pour cimenter cette impression ? Difficile de ne pas surchauffer, à une époque de notre histoire où on a rarement eu autant de talents à notre disposition.

  • Garder la tête froide et le coeur tricolore, un vrai signe de maturité. 

‘Je ne fermerai jamais la porte à l’équipe de France. Mais ces événements m’envoient un message clair : je ne suis pas dans le projet. C’est aussi simple que cela, et ça fait mal. […] Le maillot bleu, c’est tout pour moi. Depuis mes quinze ans, je n’ai jamais manqué une sélection, sauf l’année de ma Draft (2012). […] Pendant la compétition, je ne voulais pas intervenir et dire un truc maladroit. Je connais les mecs, eux ont besoin d’être tranquilles, de faire leur tournoi, cela ne servait à rien.’

C’est le passage qu’on souhaitait garder pour la fin, car il est probablement plus puissant et révélateur de l’athlète que n’importe quel autre. En voyant un rêve de gosse brûler sous ses yeux, alors qu’il avait tout fait et préparé dans ce sens, Evan aurait pu dynamiter quelques piliers et nous plonger dans un bordel sans fin. Mais au lieu de ça ? On a eu droit à un discours franc, patriotique et assez exemplaire. Oui, il existe une possibilité, celle de ne plus voir Fournier sous le maillot bleu, en se mettant une fédé et un coach sur le dos. Simplement, en lisant ces lignes, on est plutôt prêts à parier le contraire. Sous plusieurs conditions, qu’on vous laissera instinctivement deviner…

Si certains passages sont marquants et peuvent nous laisser entrevoir un avenir troublant, l’interview complète d’Evan Fournier a le mérite de cocher plusieurs cases : pointer du doigt les failles du système actuel dans la FFBB, remettre les points sur les i, mais garder un coeur ardent lorsqu’il s’agit d’évoquer le port du maillot bleu. Du Champagne comme on en voulait, et comme on en a eu.

Source : l’Equipe

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