Hinkie destruction : les Sixers peuvent encore tomber plus bas cette année
Le 01 sept. 2014 à 16:59 par David Carroz
Avec un exercice 2013-14 catastrophique, les Sixers ont fixé des standards de médiocrité assez intéressants, poussant le tanking à un niveau rare. Et en l’assumant, puisque le General Manager Sam Hinkie et le coach Brett Brown ont toujours reconnu que la franchise de Philadelphie repartait de zéro ou presque, et que la stratégie de reconstruction passait par des jeunes, issus de la draft ou peu utilisés par les autres équipes.
Un an après leur prise de fonction, quelques prospects ont montré du potentiel pour l’avenir, à l’instar de Michel Carter-Williams, les moins prometteurs n’étant que de passage. De quoi rêver de jours meilleurs en Pennsylvanie. Mais en prenant l’option Joel Embiid et Dario Saric lors de la dernière draft, les Sixers ont indiqué qu’il faudrait encore être patient. Et que cette saison ne serait pas forcément meilleure que la précédente. Même pire ?
2012, l’espoir et les changements
Pourtant, au printemps 2012, les Sixers pouvaient partir en vacances fiers d’eux et confiants pour l’avenir. En progrès depuis 3 saisons (27-55 en 2009-2010, 41-41 en 2010-11 et 35-31 en 2011-12), la franchise vient de passer un tour de PlayOffs pour la première fois depuis presque 10 ans (victoire 4-2 sur les New Orleans Hornets en 2003). Une sensation inconnue depuis le premier départ d’Allen Iverson. Certes bien aidés au premier tour par les blessures de Derrick Rose, Joakim Noah et Taj Gibson qui ont plombé les Bulls, les joueurs de Philly ont su saisir leur chance, dans le sillage de Lou Williams, Andre Iguodala, Elton Brand, Thaddeus Young ou encore Jrue Holiday, poussant ensuite Boston jusqu’à un septième match décisif en demi finale de conférence. Et tout s’est ensuite écroulé.
Bien sûr, le groupe n’était sûrement pas en mesure de passer ce palier supplémentaire pour atteindre les sommets, mais il était jeune et possédait une marge de progression intéressante sous les ordres de Doug Collins. Avec quelques retouches et l’explosion de joueurs comme Evan Turner, Jrue Holiday ou encore Nikola Vucevic qui arrivait juste en NBA, les Sixers auraient pu nourrir à moyen terme de plus grosses ambitions. Mais la patience étant rarement de mise dans la ligue, ils ont préféré prendre un risque en se greffant au trade de Dwight Howard aux Lakers pour miser sur Andrew Bynum. Dans le deal, Philly a envoyé deux jeunes intérieurs à Orlando, Moe Harkless et le prometteur Vucevic (et un futur tour de draft), ainsi que son franchise player Andre Iguodala aux Nuggets. En plus du pivot aux genoux fragiles, ils récupèrent également le solide Jason Richardson qui arrive depuis la Floride.
Pour compléter le gros réajustement, Jodie Meeks et Lou Williams, agents libres en cet été 2012, ne sont pas re-signés, alors qu’Elton Brand est amnistié. Nick Young et Kwame Brown sont les principaux free agents à poser leurs valises dans la cité de l’amour fraternel. Ce que les Sixers ont perdu en alchimie, ils espèrent l’avoir largement récupéré en talent, et ils sont persuadés qu’Andrew Bynum est le joueur qui leur fera franchir un palier en s’affirmant comme le pivot dominant de la ligue.
2012-13, l’échec des paris
Sauf que rien ne se passe comme prévu, et Bynum plombe Philly. Aucun match joué avant de quitter le navire l’été suivant, son plus grand fait d’arme étant sa rechute lors d’une partie de bowling. Il n’est pas le seul dont la saison est gâchée par les blessures, puisqu’en dehors de Spenser Hawes et Evan Turner, tous les joueurs majeurs passent par la case infirmerie, à l’instar de Jason Richardson, l’autre recrue phare de l’été, qui doit être opéré du genou. Le pari des Sixers est perdant, la seule satisfaction de la saison est l’émergence du meneur Jrue Holiday, invité par les coachs à participer au All Star Game. Une lueur d’espoir pour la reconstruction qui doit arriver après les échecs liés à l’été 2012.
C’en est trop pour Doug Collins qui démissionne à la fin de l’exercice. Tony DiLeo, le General Manger, est lui aussi remplacé par Sam Hinkie. En haut de l’échelle, Scott O’Neil devient CEO à la place d’Adam Aron. L’entreprise de destruction peu commencer, avec donc Hinkie comme futur architecte, et Brett Brown en maçon.
2013-14, détruire pour mieux reconstruire
Premier élément à quitter le navire : Jrue Holiday. Les Sixers l’envoient à la Nouvelle Orléans en échange de Nerlens Noel et un tour de draft 2014, soit un intérieur rookie blessé et un prospect contre un All Star. Les intentions ne sont pas encore affichées en grand à Philly, mais le tanking prend naissance. Nick Young n’est pas conservé non plus, et les joueurs expérimentés et/ou de qualité sont envoyés aux quatre coins du pays contre des tours de draft ou des mecs qui vont être coupés dans la foulée. Ainsi, Spencer Hawes, Lavoy Allen et Evan Turner partent vers d’autres horizons. Les Sixers enchainent les défaites malgré un surprenant début de saison qui les voit battre le Heat et les Bulls et présenter un bilan de 3-0. Pas d’inquiétude, ce ne sont que des accidents. Les PlayOffs ne sont pas d’actualité et Philly termine la saison avec 19 victoires pour 63 défaites, seulement battus dans la médiocrité par les Bucks (15-67). La draft s’annonce bien, surtout dans une cuvée attendue comme très talentueuse. Avec deux choix, les Sixers peuvent accélérer leur reconstruction, surtout qu’en 2014, ils pourront aussi s’appuyer sur Nerlens Noel, blessé la saison précédente, et surtout Michael Carter-Williams fraichement élu rookie de l’année.
2014, l’éloge de la patience… et de la défaite ?
Sauf que les choix de la franchise de Pennsylvanie lors de la foire aux prospects annoncent une nouvelle année galère. En prenant Joel Embiid blessé – comme Nerlens Noel l’an dernier – et en échangeant Elfrid Payton contre Dario Saric qui ne rejoindra pas la NBA avant 2 ans, les Sixers ne se sont pas renforcés sur le court terme. Pire, ils ont même continué le grand ménage depuis en envoyant Thaddeus Young remplacer Kevin Love contre Luc Richard Mbah a Moute, Alexey Shved et un tour de draft, se débarrassant ainsi du dernier joueur d’importance du roster de 2012. La page est définitivement tournée. Sam Hinkie a un plan, il ira au bout pour le mettre en oeuvre. Cela réclame de la patience. Mais sera-t-il une réussite ? Seul l’avenir le dira, mais en attendant, les fans vont encore souffrir cette saison, qui pourrait être pire encore que 2013-14. Si, si, c’est possible.
En effet, les “tauliers” qui avaient assuré un départ correct – ou du moins pas trop catastrophique – à l’équipe ne sont plus là. Les jeunes devront donc prendre des responsabilités, sans être entourés. Seul Jason Richardson peut jouer ce rôle de grand frère, mais étant donnée la politique des Sixers, il n’est pas impossible qu’il bouge avant le printemps prochain.
Derrière lui, les joueurs les plus expérimentés sont les nouveaux arrivants Mbah a Moute et Shved. Certes ils peuvent rendre des services, mais aucun des deux n’a le profil de référent pour les plus jeunes. L’arrière russe attaque seulement sa troisième saison NBA, et n’a jamais eu de rôle majeur aux Wolves. Quant au Camerounais, s’il est un bon défenseur sur l’aile et que son professionnalisme n’est absolument pas remis en cause, il n’en demeure pas plus qu’un simple role player. Suffisant pour encadrer la jeunesse de Philly ? Rien n’est moins sûr. De plus les deux anciens de Minnesota arriveront en fin de contrat l’été prochain, il y a donc peu de chance pour que les Sixers s’attachent à eux et les conservent sur le long terme. Au moins ils ne plomberont pas les finances et laisseront la marge de manœuvre à laquelle Philly tient dans son salary cap.
Mais à quoi va servir tout cet argent ? De toute son histoire, Philadelphie n’a jamais été une destination privilégiée des free agents. Et ce n’est donc pas une équipe sans valeur sûre qui va attirer les meilleurs joueurs libres. Vous imaginez vraiment Kevin Durant ou LaMarcus Aldridge se bouger en Pennsylvanie pour s’entourer de gamins ? Même LeBron James n’a pas voulu avoir Andrew Wiggins et Anthony Bennett à ses côtés à Cleveland, sachant très bien que pour gagner il faut des joueurs confirmés. Mais là n’est pas la question, puisque c’est surtout pour la saison prochaine qu’il faut s’inquiéter dans les gradins du Wells Fargo Center. L’avenir plus lointain aura le temps d’être débattu le moment venu.
Au final, le seul renfort des Sixers cette saison sera Nerlens Noel (avant peut être les premiers pas de Joel Embiid), enfin de retour de blessure après une saison blanche. Un sort donc que Joel Embiid pourrait connaitre cette année, privant encore une fois la franchise de son rookie drafté le plus haut. Sans compter que nul ne sait quoi attendre le la part du joueur au hi top. Certes, ses prestations en Summer League ont été intéressantes, mais en son temps, Anthony Randolph ressemblait aussi à un futur hall of famer lors de ces rencontres estivales. Il faudra donc confirmer en NBA. Il y a fort à parier que son impact se fasse sentir en défense, un secteur peu connu des Sixers l’an dernier. Il sera donc aidé par Luc Richard Mbah a Moute dans cette mission. Des progrès sont possibles, mais ce ne sera pas suffisant pour augmenter le nombre de victoires de manière spectaculaire.
D’ailleurs, les Sixers arriveront-ils à faire mieux que la saison dernière en terme de bilan ? Peut être pas. Comme vu plus haut, exit les Spencer Hawes, Thaddeus Young, Lavoy Allen et Evant Turner qui pouvaient encadrer le reste de l’effectif de D-League. Bon ok, pas sûr que Turner était un équipier modèle, mais il avait de l’expérience, une denrée rare dans le roster actuel. Et un manque cruel au moment de faire les comptes sur les succès potentiels des hommes de Brett Brown.
Pour résumer, en dehors de Michael Carter-Williams qui doit s’affirmer comme l’un des meilleurs meneurs de la ligue, aucun joueur ne peut aujourd’hui prétendre être titulaire dans une autre franchise que les Sixers. Oui, Nerlens Noel a du potentiel, mais à quel point ? Idem pour les rookies du second tour K.J. McDaniels et Jerami Grant, avec un seuil probablement encore plus bas pour eux.
Brett Brown le sait, il ne faudra pas accorder trop d’importance au bilan de son équipe. Ce qui comptera, ce sont les joueurs qui sauront s’affirmer comme des éléments du projet d’avenir des Sixers.
L’année prochaine, quand vous regardez bien, cela va être un projet éducatif où nous essayons et regardons différentes choses avec les joueurs en donnant une chance aux jeunes. Comme ça nous aurons la possibilité de polir là où il y a réellement du talent. – Brett Brown.
Traduction : on va encore bien galérer, terminer en queue de classement et tester tous les mecs libres avec du potentiel. On en gardera peut être un ou deux sur lesquels nous nous appuierons dans le futur.
Brown lui-même l’avoue donc à demi-mots, les Sixers peuvent encore être moins bons que l’an dernier, car moins expérimentés, et dont les principales acquisitions de l’intersaison (Joel Embiid et Dario Saric lors de la draft) ne fouleront pas de si tôt les parquets NBA (blessure pour le premier, progression en Europe pour le second). Tout cela mis bout à bout, vous obtenez une équipe qui va déprimer ses fans encore de nombreux mois, peu importe l’enthousiasme et les qualités de leur coach.
Mais rassurez-vous, c’est le plan de Sam Hinkie. La reconstruction par le néant. Jamais dans la NBA moderne un General Manager n’avait poussé le tanking jusqu’à cet extrême sur une durée malheureusement pas encore connue. Peut être que dans une petite dizaine d’années, nous nous excuserons tous d’avoir douté et nous chanterons les louanges d’un tel visionnaire, car Philly luttera pour le titre. Peut être pas. Mais en avril prochain, le bilan des Sixers nous rappellera à quel point cette issue est lointaine et utopique.