Alors que les réactions faisant suite à une pré-saison prometteuse étaient essentiellement axées sur l’aspect défensif, un retour burlesque à la réalité lors du derby californien et trois autres rencontres remportées plus tard, les Los Angeles Clippers régalent les fans de l’attaque tous azimuts depuis la reprise. Scorant à foison, martyrisant les défenses adverses à coup de trois points cinglants, les nouveaux artificiers de Doc Rivers en oublieraient même de défendre, tant leurs assauts diluviens assomment et annihilent toute chance de revenir à la marque pour leurs opposants du soir, en témoigne l’impuissance circonstancielle des Houston Rockets, perdus lundi soir au milieu d’un Staples Center rugissant de plaisir.
Or, la saison régulière NBA renferme suffisamment de surprises incongrues et de scepticisme moqueur pour que cette déferlante offensive se satisfasse d’elle-même et qu’elle s’affirme définitivement, tout au long de l’exercice 2013/2014, comme étant une image de marque, un synonyme de prestige, une identité constructrice en vue d’un titre de champion tant espéré. Analyse d’un discours à nuancer.
La prééminence de CP3
De nouveau flamboyant la nuit dernière avec 23 points et 17 passes décisives au compteur, Chris Paul demeure leur maître à jouer incontestable, l’architecte clairvoyant de la marche à suivre. Jamais à court d’idée même en fin de possession, il n’hésite pas à abuser et profiter d’écrans, de doubles écrans placés haut par ses deux plus fidèles exécutants, Blake Griffin et DeAndre Jordan. Ainsi, au moyen d’un mouvement constamment rythmé et imprévisible, le déplacement baigné de fluidité du meneur permet un espacement rêvé pour ses arrières avisés, les fraîchement arrivés J.J. Redick et Jared Dudley, qui peuvent dégainer sans contrainte depuis leurs zones de confort préférentielles. Résultat des courses : 41 unités pour le duo de snipers à 14/26 aux tirs combinés face à Houston. Les Texans n’y ont vu que du rouge, écœurés par la multiplication d’alley-oops ravageurs et la contemplation naïve d’un mouvement de balle transversal, rapide, allergique à toute forme d’égoïsme. Combinant avec un altruisme prononcé l’art du pick-and-roll et du pick-and-pop, la science magnanime de Paul rend les siens menaçants match après match, libère leur potentiel, leur envie commune de contribuer à l’effort offensif. En un mot, chaque joueur lancé dans le feu de l’action par Rivers ne rechigne pas à se montrer dangereux et n’ a pas peur à se projeter vers l’avant afin de prendre le tir opportun quand il le doit.
Un cinq remplaçant entre deux eaux
A la suite d’une pareille énumération des qualités d’une attaque perforante en tout point de vue, on pourrait s’interroger sur le rôle à jouer par le “second unit” des Clippers. Cependant, même à 42 à 25 à la fin du premier quart-temps face à Houston lundi soir avec un James Harden inexistant, l’activité de cette deuxième vague n’est pas à prendre à la légère, chose qui n’a pas été complétement prise en compte dans son application au Staples Center ce soir-là. Plus précisément, elle doit servir de complément, de ciment à la vigueur offensive déployée en début de rencontre qui creuse un écart qui s’avère souvent conséquent et confortable pour L.A. Cette complémentarité demandant encore à être peaufiner, Doc Rivers compte bien lui donner la silhouette d’une assise défensive qui n’enrayerait sous aucun prétexte la cadence offensive des premiers instants. Pour continuer à battre la mesure, le métronome insaisissable Jamal Crawford est tout choisi pour personnifier cette volonté. Auteur de 21 points à 6/11 à trois points et 4 passes décisives en provenance du banc, l’enfant de Seattle représente, du haut de ses 33 ans, une assurance vitale dans sa création permanente, portée vers l’attaque, de par sa faculté à éliminer avec style tout adversaire le marquant de trop près en 1-contre-1. Par ailleurs, la capacité encore assez irrégulière de Byron Mullens à dégainer à longue distance rend d’autant plus plurielle la disposition tactique de ce cinq porteur du lourd fardeau d’égaler, dans sa continuité, les prouesses de leurs cadres.
Jouant sur les deux tableaux avec fougue et pression, Darren Collison, quant à lui, demeure le fer de lance de cette seconde armada dépourvue d’une consistance encore assez solide pour asseoir une domination perpétuelle pendant 48 minutes. En effet, visiblement pas tout à fait rétabli d’une blessure à la rotule, le jeune meneur a eu toutes les misères du monde pour inscrire 7 points selon un piètre 2/10 aux tirs, dont 1/5 à trois points. Au lieu d’influer sur l’enjeu en pénétrant dans la raquette texane, Collison s’est uniquement contenté d’abîmer le plexiglas au moyen de longues bombes inoffensives durant son quart d’heure peu productif passé sur le parquet. Pas à la hauteur en défense, là où il devrait se montrer exemplaire au même titre que le vagabond casse-cou friand d’interceptions, Matt Barnes, Rivers n’a pris aucun risque en envoyant Chris Paul stopper l’hémorragie quand il sentait revenir les Rockets, ceux-ci profitant des largesses d’un jeu de transition mal contenu. En somme, piégé dans les traces de leurs titulaires et dans l’affirmation ambitieuse de la deuxième moitié de l’équipe, les bégaiements significatifs du “second unit” des Clippers traduisent une faiblesse défensive voilée, pour le moment, par les attraits subliminaux de son attaque.
Une incertitude défensive
Si Darren Collison traine de pieds dans l’ombre de Chris Paul, participant activement à la course pour le titre de MVP de la saison, ce-dernier n’en est pas moins exempté de tout reproche dans ce registre. Jeremy Lin a notamment eu la possibilité de se balader dans la peinture et de scorer 14 points, tout en délivrant 8 passes décisives. Sans parler de réel laxisme car ce n’est pas le bon mot approprié, la patience propre à Paul, associée au soucis d’assurer en permanence la balance de son groupe entre deux séquences, semble être plus prolifique au rendement offensif que défensif. En saison régulière, ce caractère adopté s’y complait aisément ; en Playoffs, c’est et cela deviendra une tout autre histoire, du fait que si la pluie outrancière ne tombe plus comme prévue, au moment venu, enraillée par une défense un temps soit peu disciplinée et expérimentée (sans manquer de respect à celle proposée par les Rockets lundi soir), les Clippers emmenés par le “Doc” seraient confrontés à des difficultés et des dilemmes encore plus profonds. Ainsi, une sécurité serait à fonder sur le plan défensif, entre-aperçue en pré-saison, de même que lors des premiers matchs contre les Warriors et à Sacramento, introduite d’emblée par les contres emplis de véhémence de DeAndre Jordan, pour apporter une matière incorruptible à une attaque potentiellement immense.
Bien qu’il soit encore bien trop tôt pour le dire , les Los Angeles Clippers feront très certainement partie du lot des ces équipes joueuses avec panache et virtuosité qui pourraient créer la sensation au terme du printemps prochain. Si le All-Star Blake Griffin affirmait peu avant le début des hostilités que le phénomène “Lob City” était révolu, les intentions sont toujours là, prêtes à se changer en sources positives pour assumer ce sentiment latent de domination, de crédibilité. Mais voilà qu’un premier adversaire de taille se dresse sur la route des Clippers, non pas le Magic d’Orlando dès ce soir, mais bien le double champion en titre, le Heat de Miami, pour une opposition déterminante jeudi soir en Floride. Voyons si l’exécution offensive sera toujours aussi soignée, sans se liquéfier en défense et encaisser une avalanche de points. Voilà tout l’enjeu de ce premier test-match pour ces Clippers audacieux, entamant leur transition délicate du rêve à la réalité. A Doc Rivers désormais de reproduire le même schéma défensif payant, instauré lors de son passage impérissable chez les Boston Celtics durant près d’une décennie d’ordre victorieuse.
Source image : foxnews.com