Edwin B. Henderson – part 1 : quand une malle porte l’histoire du Grand-Père du basketball afro-américain

Le 24 nov. 2023 à 09:58 par David Carroz

Portrait de Edwin B. Henderson
Source image : Youtube, chaîne EDWIN HENDERSON

L’histoire du Grand Père du basketball afro-américain aurait très bien pu passer aux oubliettes. Heureusement, tout a basculé du bon côté grâce aux efforts de ses descendants, en particulier Edwin B. Henderson II. Le petit-fils de Edwin Bancroft Henderson a fourni un taf de fou pour mettre en avant l’œuvre et la vie de son aïeul, homme majeur de la démocratisation du basketball au sein de sa communauté. Un travail récompensé par l’intronisation au Hall of Fame de Edwin B. Henderson à titre posthume en 2013. Pourtant, l’institution n’avait aucune idée de qui il était quelques années plus tôt…

La malle d’Edwin B. Henderson

C’est dans une vieille malle traînant dans la maison familiale que Edwin Henderson II tombe sur un véritable trésor. Il ne sait pas encore en ouvrant ce coffre qu’une part de l’histoire du basketball se cache dans les articles, lettres ou encore photos entassés. Ouais c’est bon, on a tous retrouvé les traces de la vie de nos aïeux dans des placards, des caves ou tout autre lieu de stockage. Sauf que EBH lui n’est pas un grand-père classique. Ou plutôt, sans vouloir dénigrer vos papys, il a laissé un héritage bien plus grand que la moyenne des gens. Les souvenirs ainsi découverts retracent un morceau du développement du basketball chez les Afro-américains.

Petit à petit, le petit-fils d’Edwin B. Henderson prend conscience de l’importance de sa découverte. En discutant avec sa femme il se lance dans une campagne pour réhabiliter son ancêtre afin que la place qu’il mérite lui soit accordée. Cela signifie une intronisation au Hall of Fame. Problème : personne ne sait qui il est, même au sein de la prestigieuse institution.

Edwin B. Henderson ? Inconnu au bataillon

Est-ce vraiment une surprise tant la NBA – fournisseur officiel de nom pour ce panthéon du basketball – se montre non seulement silencieuse quant à ses premières années où les Afro-américains étaient laissés de côté, mais également peu intéressée ou concernée par ses glorieux ancêtres des Black Fives dont Edwin B. Henderson a été un grand artisan ? Sur les parquets comme en dehors. Si bien que lorsque le premier coup de fil est passé à l’institution, personne au sein de celle-ci n’a entendu parler de Henderson…

Commence alors un travail de sape, de communication, d’éducation pour faire connaître l’œuvre d’Edwin B. Henderson. De nombreux sacrifices pour se consacrer à cette reconnaissance. Comme un rappel qu’aujourd’hui encore, l’histoire et la place des Afro-américains ne bénéficient pas de la même importance. Et qu’il faut toujours en faire plus.

Alors il faut mettre sur la table la vie d’Edwin B. Henderson. Tout n’est pas primordial pour son dossier – par exemple sa naissance et sa jeunesse entre Pittsburgh et Washington. Mais même ces petits détails qui peuvent paraître insignifiants ont un rôle dans la construction de EBH. De sa manière de penser. Bien avant qu’il soit en lien avec la balle orange. Parmi ces petits fragments de son histoire, le fait que sa maman lui apprend à lire et à écrire avant qu’il n’entre à l’école.

Éducation d’un jeune Afro-américain

Un luxe. Car d’une part il n’est pas toujours facile pour les Afro-américains de trouver une place à l’école à cette époque. De l’autre car le taux d’illettrisme au sein de cette communauté à la fin du dix-neuvième siècle oscille entre 40 et 70%. Dix fois celui chez les Blancs. Il faut dire que la génération précédente n’avait même pas le droit de lire. Une illustration de plus que l’abolition de l’esclavage n’a pas été suivi de faits améliorant grandement la vie de cette communauté, souvent privée d’éducation.

Grâce à cette chance offerte par sa maman, Edwin ne pâtit pas autant que ses camarades de l’école ségréguée et délabrée dans laquelle il découvre l’enseignement à Washington, D.C. Intelligent mais dissipé, il passe sans encombre les différentes classes au sein de la M Street High School – le lycée réservé aux Afro-américains du coin à la fin du dix-neuvième siècle. Là, il découvre le basketball, même s’il n’y joue pas. Une prof de sport, Anita Juburness Turner – issue de la Sargent School – entraîne l’équipe des filles. Mais la balle orange n’est pas proposée aux garçons. Voilà peut-être pourquoi quelques années plus tard, Edwin B. Henderson dira qu’à ses débuts, le basket “était considéré comme un jeu de chochottes, comme le tennis.”

Premiers contacts avec le basket

Une fois diplômé en 1902, il souhaite devenir enseignant. EBH prend donc le chemin de la Normal School No 2 – ou Colored Normal School, la No 1 étant réservée aux Blancs. Rencontre là-bas sa future femme, Mary Ellen Meriwether. Edwin Henderson termine son cursus en 1904, mais au lieu d’en rester là et s’assurer une carrière pépère – enfin façon de parler vues les difficultés pour offrir un enseignement de qualité à sa communauté – il poursuit ses études avec des cours estivaux. Sur les conseils de Anita Turner, il suit le cours de Dudley Allen Sargent – un pionnier de l’éducation physique – à Harvard. Il marche donc dans les pas de son ancienne prof de sport ainsi que ceux d’un certain Booker T. Washington. Mais contrairement à ses prédécesseurs sur les bancs de Harvard, Edwin B. Henderson voit la discipline “basketball” faire partie du programme.

Débute alors son histoire d’amour avec la balle orange. Le basketball devient son sport favori pour le mélange d’intelligence, de force et de travail d’équipe qu’il réclame. Avec ses qualités de sauteur et sa compréhension tactique du jeu, il se rend compte qu’il maitrise pas trop mal cette discipline et le poste de pivot qui lui revient. Les bases de son aventure se posent sur les parquets. Mais elles sont encore loin de couvrir tout ce qui fera son œuvre.

Car en dehors de cette appétence sur le terrain, Edwin B. Henderson prend conscience du potentiel du basketball pour développer l’activité physique au sein de sa communauté. À une époque où les questions de santé publique sont cruciales pour des Afro-américains bien plus touchés que les autres par des maladies comme la tuberculose et la pneumonie, il est important d’inculquer de bonnes habitudes sportives pour lutter contre des conditions sanitaires délétères. Le puzzle commence à prendre forme dans sa tête, il peut affiner sa réflexion lors des deux autres étés passés à Harvard en 1905 et 1907 – d’autres projets le retiennent en 1906.

Son apport peut donc débuter. Il a appris le basketball directement au contact d’anciens élèves de James Naismith et c’est à son tour de prêcher la bonne parole. Il apporte la balle orange à ses élèves du système scolaire ségrégué de Washington. Ainsi, il commence à tirer la branche afro-américaine de l’arbre généalogique du basketball, comme Senda Berenson a pu le faire pour la ramification féminine.

Ce n’est que le point de départ des découvertes d’Edwin B. Henderson II. Le travail de son aïeul va se poursuivre encore durant plusieurs longues années pour laisser un héritage encore plus grand. Mais déjà se dessinent les éléments majeurs qui ont mené à l’intronisation d’Edwin B. Henderson au Hall of Fame en 2013 via le Comité des Pionniers du basketball afro-américain des premières années (Pioneers of Early African American Basketball Committee). Il est le troisième membre issu de cette assemblée, après Goose Tatum et Don Barksdale. 

Source : The Black Fives: The Epic Story of Basketball’s Forgotten Era de Claude Johnson et Hot Potato de Bob Kuska