Quand Nicolas Batum jouait en France : retour sur les débuts de Batman, entre deux rillettes du Mans

Le 14 déc. 2022 à 13:31 par Arthur Baudin

Nicolas Batum
Source image : Le Maine Libre - Hervé PETITBON

Un début de parcours qui ressemble à mille autres. Alain Béral rêve chaque nuit que tous “ses” Espoirs marchent dans les traces de Nicolas Batum. Qu’ils franchissent le portail de la NBA, graal suprême en plusieurs points, trop rarement ouvert par la formation française. Et le président de LNB a raison d’y croire : au tout début, Nicolas était comme eux. La suite fut différente.

Combien de lettres dans « Nicolas » ? Sept. Combien de médailles de bronze en Coupe du Monde pour Batum ? Deux. Et quel résultat pour 2 × 7 ? Quatorze. C’est marrant parce que Nicolas Batum est né un 14 décembre. Produit de la Normandie, enfant de Lisieux, inscrit au club de Pont-l’Évêque où il y découvre un sport qui va un chouïa marquer sa vie : le cross canin. Trois années à élever Zorro, un yorkshire terrier, que son beau-père va finalement culbuter contre son bas de caisse. Le petit Nico est donc forcé de changer de voie et opte pour le basket : bim, 89 points dans une victoire 150 à 11 avec les benjamins de Pont-l’Évêque, les yeux du MSB rivés sur sa (déjà) longue silhouette. Il décroche le dernier spot au centre de formation manceau à seulement 13 ans – alors que Cholet était également sur ses côtes – tandis que l’entraîneur de l’équipe fanion est un certain… Vincent Collet.

« Lorsqu’il était au centre de formation, on l’appelait Bambi. Nicolas était frêle, réservé. Il avait peu de qualités athlétiques, pas de puissance et pas de shoot. Mais il avait d’autres qualités au-dessus de la moyenne, une intelligence de jeu, une capacité à être toujours dans les bons espaces. On disait souvent aux jeunes de regarder des matches. Lui regardait déjà tout ».

– Vincent Collet, pour l’Est Républicain

Les petites oreilles de la formation française s’en souviennent : à la veille d’une finale de Coupe de France U17, François Fiévet – entraîneur des cadets France de Cholet Basket – qualifiait l’un de ses poulains de « Batum en jeune ». C’était Arthur Bouba, une longue silhouette aux mains encore hasardeuses, pas le plus rapide des bonshommes, dont la seule qualité technique était son corps de freak (ce qui en soit n’est pas une qualité technique). Une espèce de grande longueur de pate à modeler, aux alentours des 2m03, laquelle faisait partie des nombreux objectifs de la formation française. Une jeunesse à faire fructifier : pas forcément en NBA, il y a aussi l’EuroLeague et le haut de tableau en Pro A, mais au moins réussir à lui inculquer ce “plus” technique qui ferait de lui un redoutable glue guy. Il a aujourd’hui 21 ans et squatte le poste 3 de l’Hermine de Nantes en Pro B. Ce n’est pas dégueu, mais rien à voir avec la trajectoire de Nicolas Batum. LE fantasme de la formation française qui n’a jamais cessé de step-up lors de son évolution, des catégories jeunes à l’équipe A du Mans, jusqu’à se faire sélectionner en 25e position de la Draft 2008. Là où il a fait la différence ? À partir de son intégration au groupe professionnel en 2006, seulement deux ans avant de bondir outre-Atlantique. Seulement deux rencontres en fin de saison 2005-06, la sortie de l’eau classique pour un prodige, alors qu’il n’a encore que 17 ans. Puis 33 apparitions sur l’exercice 2006-07 pour des moyennes de 5 points à 51% au tir dont 28% à 3-points, 2.9 rebonds, 1.3 assist et seulement 1 ballon perdu en 16 minutes par match. La grande classe. Évènement non négligeable de sa jeune carrière, l’ailier du MSB dispute ses premières joutes d’EuroLeague et réalise notamment une partie à 15 points, 4 rebonds et 2 passes contre l’Olympiakos. Il n’a toujours que 17 ans – et 18 dans un mois.

Aussi l’occasion de constater la précocité de Victor Wembanyama : au même âge que Nico Batum sur la saison 2006-07, à 18 ans, le nouveau protégé de Vincent Collet est 1er scoreur, 1er rebondeur, 1er contreur et 1er à l’éval dans le championnat de France.

Vint alors la saison de l’abondance, la campagne 2006-07 lors de laquelle Bambi claque quatre matchs au-dessus des 20 points : 25 points et 9 passes contre Nancy, 21 points et 12 rebonds face au Havre (entre autres). Les lignes statistiques de Nico Batum commencent à ressembler aux lignes statistiques de Nico Batum. Il décroche même son ticket pour le All-Star Game ! Sommet de son art sous le maillot orange, Nico envoie – à la veille de ses 19 ans – 24 points à 7/7 à 2-points et 3/3 du parking, 4 rebonds et 4 assists dans un revers contre le Maccabi Tel-Aviv. Il comprend le jeu européen et, pendant que Boris Diaw et Tony Parker s’éclatent à faire la réputation des Français en NBA, s’en façonne une très bonne. Le Mans sortira en demi-finale des Playoffs contre une Chorale de Roanne en mission (2-1), Nico ne brillera pas forcément, mais son nom est écrit noir sur blanc dans les bloc-notes des scouts cainris. « Ouai mais TrashTalk, il n’est sélectionné qu’en fin de premier tour à la Draft 2008. Pour un jeune de 19 ans qui a déjà cartonné en EuroLeague, c’est bas non ? ». Pas la même époque, les performances au plus haut niveau européen n’ont du coup pas la même valeur. Et pourtant, il suffisait de jeter un coup d’œil aux matchs du MSB pour y déceler le crack.

La suite ? Il reviendra jouer au Mans sous le maillot du SLUC Nancy en novembre 2011, pendant le lock-out NBA. Ambiance d’ailleurs glaciale à Antarès : le président du MSB Christophe Le Bouille lui en veut de ne pas avoir fait le choix affectif en revenant dans la Sarthe, mais Batum veut à ce moment prouver aux Blazers qu’il peut apporter offensivement en disputant l’EuroLeague avec Nancy. À demi-fossoyeur, Nico claque 24 points contre son club formateur mais perd là où il a appris à gagner. Huit ans plus tard, pendant le Mondial 2019 en Chine, Philippe Desnos – grand historique de la formation mancelle – confie à Ouest France regarder les matchs de l’équipe de France avec les jeunes du MSB. « On suit les matchs à la télé avec les jeunes à l’internat des sportifs de haut niveau. A l’étage « Nicolas Batum » pour être plus précis car c’est comme cela qu’il a été baptisé ». L’a même un étage à son nom. Que de chemin parcouru pour celui dont les doigts ont, à l’été 2021, relancé l’équipe de France en fessant le cuir de Klemen Prepelic contre la planche. Devaient être fiers au bord de l’Huisne.

Nico est aujourd’hui solidement installé en NBA depuis 2008 et ne ferme pas la porte à un retour aux sources en fin de carrière. On a vu Tony Parker le dragouiller publiquement il y a quelques semaines, attention à la piste ASVEL donc, même si les larmes de Nico Batum à son départ du Mans en 2008 font toujours écho dans nos esprits à cette sensation d’inachevé (le taulé en demi contre Roanne).