Article proposé par Gauthier Deba, rédacteur bénévole et spécialiste jeux vidéo, parce que la vie est plus belle quand on balance des gros pixels orange dans un cercle de forme rectangulaire.
Sources texte : nintendoplayer.com, ESPN, Ars Technica
Le 14 nov. 2020 à 08:49 par TrashTalk
Parmi les licences de jeux vidéo, NBA Jam est l’une des plus emblématiques tous sports confondus. Les Big Heads, les dunks acrobatiques et les punchlines du speaker vous disent forcément quelque chose. Sorti en 1993 sur arcade avant d’être porté sur une myriade de plateformes, l’histoire de NBA Jam est pavée d’anecdotes en tous genres. Chez celles et ceux qui ont pu se frotter au jeu, les souvenirs restent souvent impérissables. Après avoir abordé la naissance de ce best-seller dans un premier épisode, on se penche cette fois-ci sur les évolutions du jeu au fil des années, où les volets suivants sembleront uniquement exister pour nous rappeler à quel point les premiers opus furent aussi les meilleurs jusqu’au sursaut de 2010. On vous en parle !
En 1994, le spin off NBA Jam: TE – Tournament Edition – débarque à son tour sur arcade et huit systèmes différents – parmi lesquelles la Playstation qui intègre le titre à son line-up de lancement. La maniabilité ne change pas d’un iota. Les améliorations techniques sont apportées et du contenu vient significativement étoffer le jeu. Les joueurs peuvent se mettre les chevilles en équerre mais à présent chaque équipe dispose d’un roster de trois joueurs et des remplacements peuvent être effectués entre les quart-temps. Seule la Rookie Team est formées de cinq joueurs, tous draftés en 1994, dans laquelle on retrouve le podium Glenn Robinson, Jason Kidd, Grant Hill escortés par le Celtic Eric Montross et le 19ème choix Tony Dumas (qui, ironiquement, ratera ses trois tentatives de dunks lors du Slam Dunk Contest de 1995). La rangée des statistiques s’allonge avec l’arrivée des passes et la puissance. La défense est remplacée par les interceptions et les contres. Comme ça, John Stockton sert à enfin quelque chose.
A l’écran, les graphismes se payent un lifting, notamment sur Sega 32X qui propose aux ploutocrates une qualité visuelle supérieure. Les spectateurs s’agitent à nouveau et le son devient convenable. Ce deuxième opus est une forme de version ultra du jeu de base. La seule chose qui puisse être redoutée est que les joueurs se lassent d’un jeu, déjà redondant, que l’on voit partout, tout le temps.
Gagner les matchs, c’est cool. Devenir le NBA Jam Champ, c’est encore mieux. Mais le jeu recèle un autre défi plus original et relevé. Un large bataillon de personnages secrets jouables, aux statistiques inconnues, est accessible. Chacun d’eux peut être déblocable en entrant un code – souvent composé des initiales suivies de la date de naissance de la personnalité – avant de lancer une rencontre. Dresser une liste exhaustive est envisageable mais on a d’autres chats à fouetter hein. D’autant que l’équipe de Midway forme près de la moitié de ce collectif de clandestins avec le petit frère de la copine du stagiaire qui… bref. En lieu et place, jetons un œil une sélection de rosters artisanaux composés de personnages secrets :
Par ailleurs, d’autres invités avaient été prévus mais aussitôt bannis par Tonton David. Six personnages de Mortal Kombat (Raisen, Sub-Zero, ou Scorpion pour citer les plus connus, voir ci-dessous) se verront retirer leur carton d’invitation par la NBA qui juge leur attrait pour la castagne et leur propension à découper des membres inappropriés. Dans la foulée, un terrain de basket aux couleurs du jeu de baston – le Mortal Kombat Court – prend lui aussi la direction inverse sans chicoter. L’écurie Mortal Kombat est talonnée par deux autres gros bonnets de la pop culture. Bart Simpson et Godzilla peuvent eux aussi garder leur veston et aller voir ailleurs quand bien même auraient-ils des potes à l’intérieur. Pourquoi pas le Prince Charles tant qu’on y est ? Ah ben lui est rentré…
La première version de NBA Jam ne manquait pas non plus de joueurs cachés. Cependant, les aficionados du jeu s’évertuaient à percer un autre secret intitulé attract mode. Un mode dans lequel deux cheerleaders invitaient, d’une accroche tendancieuse, à jouer un 2 contre 2 : “Lets play Two-on-Two”. Les plus perspicaces reconnaitront Lorraine Olivia et Kerry Hoskins, des playmates qui donnent une autre dimension à cette proposition. La confirmation officielle de cette information marque le début de la grande investigation. Les playboys (sobriquet donné aux “investigateurs”) se lancent dans une chasse aux codes permettant de débloquer les deux tentatrices. Après des mois de vaines recherches, beaucoup estimeront qu’il s’agissait d’un canular promotionnel orchestré pas Midway.
Heureusement, toutes les légendes ne sont pas fausses. Grand fan de l’équipe du Michigan, Mark Turmel a vécu le sweep douloureux infligé à son équipe par les Chicago Bulls en lors des Finales de Conférence en 1991. Il donnera sa propre interprétation de la vengeance en avouant avoir dopé les statistiques off-booked des Pistons. Par ailleurs, nombreux trouvaient qu’un Scottie Pippen migraineux affichait régulièrement un niveau de départ’ contre certaines équipes. Dans une interview sur Ars Technica, ce fourbe de Marko précise que le code du jeu a été trituré par ses soins pour que les Bulls loupent systématiquement leur dernière tentative de tir dans une fin de match serrée contre les Pistons. Tout ça pour se faire doguer par les New York Knicks au premier tour l’année suivante…
Toujours dans notre chasse aux anecdotes, revenons sur l’un des gars qui a sans équivoque marqué la licence NBA Jam. Combien Tim Kitzrow, la voix saturée et euphorique des NBA Jam, a t-il ambiancé de parties de ses commentaires qui résonnent encore dans nos cabezas ? Nous lui devons toutes et tous, même ceux qui n’étaient pas nés, les mémorables “Boomshakalaka !”, “He’s on fire” ou encore “From downtown” balancés à chaque highlight. Affirmer que Tim ait largement contribué à la popularité du jeu ne peut être considéré comme exagéré. Toutefois, tous les commentaires ne sont pas mettre au crédit de Tim Kitzrow. Avant que Midway installe un véritable studio d’enregistrement, John Hey, chargé de la composition musicale et des bruitages, s’était occupé d’une partie du script.
En 2011, le site nintendoplayer.com reçoit un prototype Super Nintendo du jeu NBA Jam dans sa boite aux lettres. Provenant d’un expéditeur qui tait son identité, la cartouche estampillée NBA XXX pique la curiosité de la rédaction. Après inspection, la cartouche révèle un Tim, dont le professionnalisme a visiblement claqué la porte, gravir l’échelle de Scoville de la punchline. D’un “He’s on fucking fire !”, en passant par un “No fucking way !” ou encore le très inspiré “Grab his Johnson !”, le speaker débloque le niveau hardcore du commentaire sportif. Le destinataire de ce recueil de poèmes écrira :
“Il n’y a rien de plus surnaturel que d’entendre Kitzrow crier ‘Grabs his Johnson!’ sur Super Nintendo pendant que le personnage secret de Bill Clinton attrape frénétiquement son entrejambe tout en faisant des grognements numérisés.”
Tim conteste la véracité d’une telle cartouche. Selon lui, le projet NBA Jam aurait pu être interrompu si une telle blague avait atteint les oreilles de Tonton David. Sa théorie se tient, sauf qu’il est seul à démentir. Toujours pour le site nintendoplayer.com, Jon Hey témoigne. Il se souvient notamment des sessions d’enregistrement éprouvantes. Elles ne durent que quelques heures par jour avant que la voix de Tim ne fatigue. Après plusieurs semaines d’essais et de répétitions, la mission est accomplie. Enfin, presque puisqu’il les pistes dédiées à l’arcade doivent être raccourcies pour les consoles 16-bits. Tim doit revenir en studio faire le travail une deuxième fois. A cette occasion, le speaker lâchera des “He’s fucking up !” au micro et le “Get the shot outta here !” devient “Get that shit outta here !”. Le tout rejoint un sous-dossier dans lequel se trouvent d’autres enregistrements inutilisés ou rejetés par la NBA. A noter que “Get the shit outta here” avec un bip à la place du mot shit a tout de même été proposé à la Grande Ligue avant d’être exclu, sans surprise.
Mark Turmell corrobore la version du compositeur à GameTrailers. Il ajoute que tous les enregistrements ont été envoyés à Iguana Entertainment pour le portage sur Super NES. Le développeur ne doute pas que les Texans aient produit leur propre version “maison” de NBA Jam, n’incluant que les commentaires subversifs comme ils l’ont déjà fait à plusieurs reprises. De son côté, le rédacteur de nintendoplayer.com s’applique à démontrer l’authenticité du prototype. Il présente plusieurs explications techniques qui ne seront pas détaillées ici. Tim Kitzrow n’assume pas. Il botte en touche en déclarant : “J’oublie presque tout ce que je fais, ça me sort de la tête”. Jon Hey rappelle que le commentateur n’avait probablement aucune idée que ces enregistrements avaient été gardés et partagés à Iguana. Quand le public découvre le prototype, le commentateur conserve toujours officiellement la voix de NBA Jam pour Electronics Arts ce qui altère manifestement sa mémoire.
Après la sortie de NBA Jam: TE sur Game Boy, la rancœur des développeurs de Midway Games envers Acclaim Entertainment se cristallise quand ils apprennent dans la presse que NBA Jam ne leur appartient plus du tout. En déclarant être celui derrière l’idée de la licence, l’éditeur se débrouille pour en obtenir les droits exclusifs. Sous couvert d’anonymat, des salariés de Midway soupçonnent alors Greg Lassen, travaillant au bureau des Licences de la NBA, de ne pas avoir respecté un accord verbal et ainsi trompé le studio. Pourquoi s’en prendre au pauvre Greg ? Car ce dernier est un ancien membre d’Acclaim Entertainment.
Cela étant dit, les deux sociétés vont tenter chacune dans leur coin de surfer sur le succès de NBA Jam. Procédons à un rapide état des lieux. En 1996, Acclaim sort NBA Jam Extreme, une version 3D développé par Sculptured Software. Toujours plus de joueurs, de mécaniques de gameplay, des animations réalisées d’après des rushes de Juwan Howard, la licence grandit à mesure que les outils technologiques progressent. Malgré ses ajouts, les chiffres de ventes sont timides et la présence de Marv Albert aux commentaires peinera à sauver les meubles.
La même année Midway publie un NBA Jam-like appelé NBA Hangtime, considéré par le presse comme le réel successeur de NBA: TE. Il reçoit des retours globalement sévères. Le jeu apporte sans conteste des innovations parmi lesquelles la création de joueur ou l’arrivée des alley-oops mais accuse un retard technique certain. Les ressources des consoles nouvelle génération – la Nintendo 64 et la Playstation – sont inexploitées tandis que l’AI souffre de perfectibilité aigue. Heureusement, il perpétue la tradition des joueurs secrets.
La suite est anecdotique. De 1998 à 2003, Acclaim Entertainment envoie cinq fournées mal cuites d’affilé. Uniquement disponibles sur la gamme Game Boy, les opus NBA Jam 2000 et NBA Jam 2001 témoignent du déclin de popularité de la licence. Après un NBA Hangtime aux fraises, Midway Games redresse la barre en proposant le séduisant NBA Showtime : NBA on NBC. Tim Kitzrow, n’ayant rien perdu de sa verve, assure l’ambiance. Le studio enchaine avec NBA Hoopz respectable qui abandonne le 2-on-2 pour proposer du 3-on-3. En marge des jeux de basket, le studio applique la recette NBA Jam à d’autres sports (MLB Slugfest, NFL Blitz, NHL Hitz, etc.). L’intérêt pour le style arcade recule indubitablement. Même les jeux qui ont a connu la gloire sur les bornes luttent pour conserver leur public. Les consoles de salon et les ordinateurs personnels sont capables de nouvelles prouesses. Ainsi, la simulation prend une part non négligeable des parts de marché. Début 2000, rien ne semble faire trembler l’ogre NBA Live et ses potes.
Dans sa chute, l’industrie de l’arcade entraine Acclaim Entertainement. La majorité de ses licences ne captivent plus. Contrainte de mettre un terme à son activité en 2004, l’éditeur cède la licence NBA Jam à Electronic Arts. Le nouveau propriétaire souhaite raviver la flamme. Mark Turmell se voit proposer un poste de consultant quand Tim Kitzrow reprends sa place derrière le micro. En 2010, après sept ans d’absence, NBA Jam célébrait son retour sur console. Une renaissance appréciée par la critique qui se paiera le luxe de proposer une mise à jour l’année suivante avec NBA Jam: On Fire. Disponible sur PlayStation 3, Xbox 360 et Nintendo Wii, le titre peut se targuer d’avoir pleinement retrouvé son mojo. L’absence d’un mode online est toutefois regrettable en 2010.
Au cas où vous souhaiteriez raviver vos souvenirs ou rattraper votre retard, il existe l’émulation, certes, mais aussi plusieurs solutions légales pour jouer à NBA Jam. Evidemment, vous pouvez récupérer une console rétro avec le jeu et bondir 30 ans en arrière. Celles et ceux qui ont la place dans leur salon, allez au plus simple en prenant directement une borne arcade. C’est super hipster. En plus, les premières se négocient entre 3000 et 4000 dollars alors que les plus récentes tournent autour des 800 dollars. De quoi se plaint-on ? Si vous avez des oursins dans les poches, le NBA Jam 2010 coûte le prix de deux cafés à Paris. Lors du CES 2020, l’entreprise Arcade1Up avait annoncé, sans plus de précision, le lancement au cours de l’année d’une borne en ligne contenant NBA Jam, NBA Jam : TE et NBA Hangtime. De plus, NBA Jam est disponible sur Android et iOS mais la meilleure alternative reste le très satisfaisant NBA 2K Playgrounds 2 sur toutes les consoles actuelles et PC.
Peu importe la console, tant que Boomshakalaka résonne dans nos têtes ! Depuis 1993, la licence NBA Jam a tenté de se renouveler pour accompagner des générations de basketteurs. Les bornes d’arcade se font de plus en plus rares mais l’âme du jeu n’est pas morte, loin de là. Il restera même pour beaucoup LA référence en terme de jeu vidéo sur notre sport préféré. Et ça, ce n’est pas rien.
Article proposé par Gauthier Deba, rédacteur bénévole et spécialiste jeux vidéo, parce que la vie est plus belle quand on balance des gros pixels orange dans un cercle de forme rectangulaire.
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