La Brocante de TrashTalk, épisode 2 : du bitume, de la transpi’ et des gens qui parlent fort, focus sur la magie des playgrounds

Le 17 juil. 2019 à 13:28 par Julien Dubois

Source image : Youtube - Courtcuts

C’est officiel, la canicule est passée par là et l’été est déjà bien entamé alors en attendant que la NBA reprenne ses droits dans notre quotidien, on recharge les batteries comme on peut. Entre deux matchs de Summer League pour survivre, on a même le temps d’enlever ses oeillières pour porter un regard différent sur notre sport préféré. Alors sortez vos lunettes de soleil et votre appareil à pression, TrashTalk vous accompagne en cette saison estivale avec des thèmes variés sur le monde de la grosse balle orange pour se changer un peu les idées. Allez, après une session Netflix, nouveau détour par la Brocante.

L’été, en fin d’après-midi, quand le soleil est redescendu, nous fans de basket, aimons nous rendre au playground le plus proche pour poser quelques dribbles et faire un peu de sport pour se donner bonne conscience. Il faut rattraper l’apéro de la veille, et le corps n’aime pas ça. Les genoux qui grincent, la tête qui tourne, on a l’impression d’avoir pris 20 ans. Sur du goudron chaud et souvent craquelé, avec un terrain aux dimensions hasardeuses et des panneaux aussi vieux que nos grands-parents, les playgrounds sont le berceau de nos débuts avec la balle orange entre les mains. Quelle importance jouent-ils dans le monde du basket en général ? Allez, on noue ses lacets et on va essayer de mettre des lay-ups contestés sans prendre de bâche, pas facile quand on mesure 1m75.

Les playgrounds sont avant tout le jeu d’expression du streetball, c’est à dire du basket de rue. Jusque là ok. Ce mode de jeu se caractérise par des règles différentes de celles que l’on voit sur un parquet et même souvent variables d’un terrain à un autre, voire… d’un côté du terrain à un autre. La balle revient à celui qui a marqué, le panier à deux points vaut un point et le 3-points en vaut deux. Pas d’horloge des 24 secondes, on annonce ses fautes en défense ou en attaque (comment vous faites, vous, d’ailleurs ?). Bref un véritable bordel législatif, on se croirait en train de lire le Code civil (coucou les étudiants en droit). Mais au-delà de ce simple aspect formel, c’est au niveau de l’ambiance et de la mentalité que se jouent le plus de choses. Trashtalking, crossovers, contres, tout est bon pour bomber le torse et essayer un peu plus d’humilier son adversaire direct. Le plus souvent bondée de monde en période estivale, la place sous le panier est chère et la réputation est à tenir. Parfois rugueux et physique, sinon très technique et sournois, le streetball est une école particulière qu’il faut vivre pour comprendre.

Aux États-Unis, berceau de la balle orange, ce mode de jeu a pris d’énormes proportions dans certains quartiers. Mêlé au rap et à la culture de la rue, le basket sur le playground est devenu une attraction et même un “métier” pour certains. Des collectifs ont certainement toujours existé mais certains ont été médiatisés, et on pense notamment à AND1 qui a lancé toute une campagne de publicité et qui a rassemblé une équipe pour mettre en avant cette branche du sport, même si la vocation de celle-ci n’est  pas de devenir grand public. Toutefois, des joueurs issus de ce milieu-là, comme Allen Iverson par exemple, ont nourri une hype autour de ce monde. Niveau joueur, on se doit de mentionner Earl ‘The Goat’ Manigault (allitération dans le blaze, la classe) qui est l’un des joueurs les plus célèbres du Rueballe. Le surnom donne le ton, le gars savait jouer au basket. Attendu dès le lycée comme un potentiel joueur NBA, la consommation de la marijuana et son comportement à l’école vont finalement l’écarter du circuit pro. Il se tournera donc vers le ‘Happy Warrior Playground’, sur Amsterdam avenue (tiens tiens tiens), à l’ouest de la 99ème rue. Le plus intéressant avec ce joueur, c’est l’ensemble des légendes qui se racontent autour de lui. The Goat serait soit disant capable de réaliser un double dunk* – c’est-à-dire dunker main droite, récupérer main gauche et redunker – sans s’accrocher au panier. Aussi, on raconte qu’il était capable, du haut de son mètre 80 et des bricoles d’aller chercher une pièce de 25 cents tout en haut de la planche. Bref, sa capacité à sauter est légendaire et il explique cela en disant qu’il s’entraînait avec des poids aux chevilles pour sauter plus haut : ça y est, on a trouvé le fils de Zatopek et de Végéta. Dernière anecdote à son sujet, lorsqu’on a demandé à Kareem Abdul-Jabbar qui était le meilleur joueur avec/contre qui il avait joué, KAJ a répondu Manigault, sympa comme adoubement quand même.

Lorsque l’on parle playground, les règles et les joueurs sont évidemment hyper importants mais ce qui fait vraiment la beauté de la discipline c’est encore le terrain. Petit avec des grilles, avec des filets en métal, sans lignes de touche… Les possibilités sont multiples mais chaque terrain a son charme et chacun est bien attaché au sien. Même si on a envie de l’élever au rang du “meilleur terrain” (coucou celui de St Joseph à Clermont-Ferrand), on peut essayer de mettre les sentiments de côté et s’accorder sur une chose : le Rucker Park à New York est clairement un terrain légendaire. Ce terrain d’Harlem a ainsi vu d’énormes joueurs fouler son sol. Avec une petite tribune sur le côté, il est propice à une ambiance chaude et à la compétition tirée à son maximum. Devenu célèbre pour son effervescence, les paniers y sont aujourd’hui tous beaux et on a même un compteur de points ! Des joueurs NBA comme Kobe ou LeBron sont allé faire le spectacle là-bas en mémoire du temps qu’ils ont passé, de leur côté, sur les terrains en goudron. Car c’est ça qui est vraiment le plus beau, que vous soyez grand, gros, petit, frêle, basketteur ou amateur, si vous aimez le basket vous êtes forcément déjà allé fouler un playground et vous vous êtes essayé à ce que vous regardez le plus souvent à la télé. Dites vous que les KAJ et LeBron sont aussi passés par là, et qu’ils étaient juste bons, un peu plus que nous. Maintenant que la côte Est a été dédicacée ? On se doit de mentionner les terrains de Venice Beach à Los Angeles où un énorme tournoi de cinq contre cinq est organisé chaque année. L’endroit est sublime, l’ambiance aussi et le terrain est tout neuf, tout beau, très L.A. quoi.

Cocorico pour finir et chaussez vos crampons baskets, on va parler playground en France. Allez, aujourd’hui on ne met pas de Pastis dans son eau et on va aller planter 51 points sur la tête d’un basketteur expérimenté qui nous prendra de haut… ou alors on attendra dans un corner et on se fera bâcher au premier lay-up tenté. À voir. Dans la capitale, on mentionnera le splendide terrain de Tolbiac, inauguré il y a quatre ans par un certain Kareem. Adapté à tout niveau, ce terrain tout bleu et tout smooth possède les plus beaux paniers de la capitale : tout en plexi avec un beau cercle et une armature solide au cas où Shaq viendrait par là entre deux amphis de philosophie contemporaine. Sinon, pour être plus dans l’ambiance streetball, le playground Saint-Martin, quai de Jemappes, ressemble à l’idée que l’on peut se faire d’un terrain cainri. Petit, des panneaux un peu vieux et tagués, des grilles qui entourent le terrain et du trashtalking à tout va. On aime. Pour ce qui est de la France outre-capitale, certains ont essayé de dresser un classement des meilleurs villes de streetball dans l’Hexagone. On se contentera de citer le complexe Vauban à Nice, la Bifurk à Grenoble, le terrain du SMUC à Marseille, la Citadelle à Strasbourg, le Parc Blandan à Lyon, Wazemmes à Lille, le Parc de Procé à Nantes et celui sur les quais à Bordeaux. Les Clermontois ? Il faudra attendre la fin des travaux pour reprendre vos droits à Marcombes, rendez-vous en 2020. Bref, il y a de quoi faire, en France aussi, alors aucune excuse pour ne pas aller se la donner sur le bitume.

Le playground est à la fois un endroit où les meilleurs ont commencé mais aussi là où chacun peut aller s’amuser, peu importe son niveau. C’est également le lieu privilégié du trashtalking, et si vous regardez ce qu’il y a écrit en blanc sur rouge en haut de votre page, vous devinerez qu’ici, on aime bien ça. Vivement les prochains JO où le 3 vs 3 sera instauré, histoire d’avoir un peu de streetball représenté sur la scène internationale. Bah oui, c’est pas tout ça mais la BIG3 League c’est un peu… lourd.

Et pour ceux pour qui le texte et l’imagination ne suffisent pas ? On laisse ça là, comme ça, au hasard :

*Il a nié être capable de le faire mais on voulait vendre du rêve un peu plus longtemps.