Tim Duncan : le basket était son destin, fondamentaux et régularité sa signature

Le 25 avr. 2016 à 16:36 par Alexandre Martin

Tim Duncan Gregg Popovich Spurs

Doit-on vraiment croire que notre destin est écrit ? Que chaque événement triste ou joyeux qui nous arrive est une fatalité, un fait inévitable qui va influencer la suite de notre existence ? Nos peurs peuvent-elles nous pousser à faire de bons choix ? Est-ce que le fait de tenir une promesse coûte que coûte peut changer notre avenir ?  Comment savoir si nous sommes en train de prendre le bon chemin à certains moments clé de nos vies ? Peu d’entre nous ont les réponses à ce genre de questions. Tim Duncan lui, les a…

Un ouragan et un putain de cancer…

En pleine adolescence, le grand Timmy a subi – bien malgré lui – deux épreuves qui vont peser lourd sur sa vie et sa carrière. En 1989, alors qu’il était un des plus grands espoirs en natation et qu’une de ses soeurs, Tricia, venait de disputer les Jeux Olympiques de Séoul, l’Ouragan Hugo – un des plus violents cyclones qu’aient connu les Antilles – fit des dégâts énormes sur toute la région, ravageant notamment la seule piscine olympique de Sainte-Croix dans les Îles Vierges américaines. Se retrouvant obligé de s’entraîner dans l’océan, Duncan fut confronté à sa peur vicérale des requins. Petit à petit, il commença à perdre son enthousiasme, à rater des entraînements. Il finit par quitter l’équipe. Il faut dire qu’en plus, Tim avait d’autres soucis en tête puisque sa mère venait de se faire diagnostiquer un cancer. Tout en se battant sans rien lâcher – les chiens ne font pas des chats – contre cette terrible maladie, Lone – la mère de Tim – poussait son fiston à continuer la natation mais lui, n’en avait plus le goût. En 1990, peu avant son quatorzième anniversaire, ce bon Timmy vit sa mère mourir. Avant de partir, elle lui fit promettre de finir ses études quoi qu’il arrive et d’obtenir un diplôme. Désemparé et, empli d’une infinie tristesse, celui que nous appelons aujourd’hui “The Big Fundamental” donna sa parole. Et il est plutôt du genre à la tenir…

Entre temps, par le biais de son autre soeur, Cheryl, et de son mari, Ricky – qui sont tous les deux revenus à Sainte-Croix après ce terrible événement – Timmy a découvert le basketball sur un panier impeccablement fixé à 3m05 du sol sur le mur derrière la maison. Son beau-frère crut tout de suite en lui et enseigna quelques bases à cet ado qui ne mesurait encore qu’1m85 (14 ans…). Tim apprit alors à dribbler, à voir les passes, à finir près du cercle et, bien évidemment, à utiliser la planche sur les jumpshots… Mais quelle bonne idée ! Quelle inspiration géniale de la part de monsieur Ricky Lowery ! Le basket devint presque instantanément la nouvelle passion du jeune Tim. Dans les trois années suivantes, il grandit de plus de 22 centimètres. Il était encore au lycée mais était déjà de loin le meilleur joueur de basket de l’île, certainement même des Caraîbes. Les universités américaines ont donc commencé à s’intéresser très sérieusement à ce phénomène, ce géant qui avait arrêté la natation pour se mettre à la balle orange et qui intriguait fortement les scouts. C’est finalement à Wake Forest – séduit par le discours du coach Dave Odom – que Duncan décida d’aller poursuivre ses études. Car s’il avait bien l’intention de jouer au basket pour Wake Forest, Timmy a mis un point d’honneur à effectuer ses quatre années pour ressortir de cette université de Caroline du Nord avec un diplôme. Comme promis…

Tenir ses promesses, ça a du bon !

Ce n’est donc pas un hasard si Tim refusa de s’inscrire à la Draft tant qu’il n’aurait pas fait ses quatre ans. Pourtant, au bout de sa deuxième année, il aurait pu se retrouver dans le top 5, voire numéro un de la Draft – celle de 1995 donc – puisque Jerry West, par exemple, lui prédisait déjà un avenir radieux chez les pros. Tim n’hésita donc pas à faire une croix sur quelques millions pour finir ce qu’il avait commencé. En plus de devenir petit à petit un scoreur très dangereux, Duncan était déjà un rebondeur acharné et un contreur flippant à cette époque. Il enchaînait les énormes double-doubles et il n’était pas rare de le voir renvoyer à l’envoyeur 4, 5 ou 6 tirs dans un match. Forts de cette arme létale qu’était Tim Duncan, les Demon Deacons de Wake Forest furent même considérés comme des favoris potentiels pour le titre NCAA à l’orée de sa saison senior (1996-1997). Malheureusement, le titre ne sera pas au bout mais Tim fut élu meilleur joueur universitaire de l’année et pouvait désormais se déclarer éligible pour la Draft.

Numéro 1, il le serait pour sûr. Il ne s’agissait alors que de savoir quelle franchise allait récupérer ce jeune de 21 ans dont l’alliage de qualités techniques, physiques et mentales semblait dépasser l’entendement et lui assurer une grande carrière. Et là encore, le destin va prendre les choses en main et récompenser Duncan de sa patience en université, de cette promesse tenue à sa mère mourante car c’est San Antonio – pourtant pas favori – qui défia les probabilités pour chiper le premier choix aux Celtics et aux Grizzlies. Les Spurs, dont un certain Gregg Popovich venait de reprendre le banc, n’hésitèrent pas une seule seconde et sélectionnèrent Timmy pour qui la simple perspective de jouer aux côtés de David Robinson était une récompense fabuleuse.

S’en suivra la phénoménale carrière que nous connaissons tous. Cette carrière qui dure déjà depuis 19 ans et qui est tellement pleine de succès collectifs et individuels que c’en est indécent. Cette carrière faite de statistiques tout aussi incroyablement hautes que régulières. Cette carrière qui vit Timmy gagner 5 bagues – pourquoi pas 6 bientôt ? – 3 MVP des Finales et 2 en saison. Cette carrière qui n’aurait certainement jamais vu le jour sans un satané ouragan et qui n’aurait clairement pas été la même sans une promesse faite à sa mère dans des circonstances atroces. Car si Duncan est l’emblème des Spurs, s’il a permis que cette franchise jamais vraiment considérée en Playoffs ne se transforme en une place forte en NBA depuis presque 20 ans, il ne faut pas oublier que Duncan a bénéficié grandement de l’encadrement magnifique installé à San Antonio, de l’apport de deux grands messieurs – Pop’ et l’Amiral – qui l’ont choyé et mis dans les meilleures conditions. Les Spurs ne seraient sans doute encore pas grand chose sans Duncan mais où en serait Duncan sans les Spurs, s’il avait été drafté en 1995 par les Warriors ou en 1996 par les Sixers ? Comme quoi, tenir ses promesses, ça paie. Si ça ce n’est pas une destinée…

Une destinée qui est tellement caractéristique de ce que représente aujourd’hui Tim Duncan pour le basket : le professionalisme, l’amour du collectif, la fidélité, l’entente avec ses coéquipiers et l’excellence du début à la fin. Il est probable que sa retraite ne provoque pas la même ferveur que celle de Kobe mais Duncan n’en a que faire, cette sous médiatisation lui va très bien car il n’était pas là pour ça. Il était là pour partager, pour gagner encore et encore. On peut dire que c’est plutôt réussi…

Source image : Nathaniel S. Butler / Getty Images


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