Derrick Rose – Jimmy Butler : la dure cohabitation de deux mâles dominants dans un troupeau de Taureaux

Le 11 oct. 2015 à 18:40 par David Carroz

Dans les chantiers qui attendaient Fred Hoiberg à son arrivée dans l’Illinois et les changements à apporter, les premiers qui venaient à l’esprit des différents observateurs étaient l’attaque, les rotations pour maintenir les joueurs en forme et la relation avec le front office. Mais nous avions peut-être oublié le plus compliqué de tous : la gestion des égos. Les rumeurs du conflit entre Derrick Rose et Jimmy Butler se sont chargées de nous le rappeler.

On ne refera pas tout l’historique de la gué-guerre présumée entre les deux joueurs du backcourt des Bulls, du Game 6 face à Cleveland à la faible appréciation par Butler de l’éthique de travail de Rose. On ne cherchera pas non plus à vérifier la véracité des propos prêtés à l’un ou à l’autre car cela ne changera pas le fond du problème. Que tout ceci ne soit que des inventions ou exagérations de journalistes souhaitant faire de l’audience ou qu’un vrai problème existe entre les deux stars, il faudra qu’ils trouvent un moyen de s’entendre sur le parquet pour être performants, et ce sera à Fred Hoiberg de leur faire respecter leur rôle et le collectif qu’il mettra en place.

L’apparition de tension est liée à l’émergence de Jimmy Butler alors que Derrick Rose collectionnait les miles  grâce à des voyages à l’infirmerie – personne ne lui ayant dit qu’une carte vitale n’offrait pas de réduction au bout de 10 visites à l’hôpital – mais aussi à la différence de personnalité et de vécu entre les deux joueurs. Loin de nous l’idée de sortir les violons et rentrer dans des clichés bateaux pour dire que tout les oppose, mais certains points les dissocient. Le meneur est arrivé en NBA avec une réputation flatteuse, seulement un an après avoir été recruté par Memphis à sa sortie du lycée. Premier choix de Draft, Rookie of the Year, son chemin est déjà marqué de succès dès sa première saison dans l’élite. L’arrière, lui, a dû passer par une université de seconde zone avant de jouer un an dans un programme plus réputé (Marquette) pour finalement être le dernier joueur sélectionné au premier tour en 2011. Soit quelques semaines après que D-Rose gagnait son trophée de MVP de la saison régulière, s’offrant ainsi une belle prolongation de contrat de 94 millions de dollars grâce à une exception dans le CBA qui porte son nom. “Buckets” lui a préféré miser sur son talent en refusant une extension l’an dernier pour récupérer le jackpot cet été. Dès le début de sa carrière, Derrick a su briller offensivement grâce à son explosivité et ses moves pour finir au cercle. Jimmy lui a fait son trou en défendant comme un mort de faim sur les meilleurs extérieurs de la Ligue. Et là où Derrick Rose est plus introverti devant les médias – sauf pour sortir des perles dignes de Latrell Sprewell sur l’avenir de son fils – Jimmy Butler squatte avec l’acteur Mark Wahlberg. Deux joueurs, deux hommes différents. Mais deux mecs qui ont gagné le respects de leurs coéquipiers à travers le travail fourni – ce qui met en perspective les propos prêtés à Butler sur l’éthique de Rose à l’entrainement. Et qui partagent une grande confiance en soi pour chacun d’eux, exprimée différemment. Surtout, du talent. Dans une équipe à mener vers les sommets de la NBA.

Un objectif qui a poussé les Bulls en 2014 à vouloir s’attacher les services de Carmelo Anthony. Besoin d’une deuxième star pour aller chercher le titre et accompagner D-Rose. Un autre go-to-guy pour soulager le meneur. Melo restant à New York, c’est Pau Gasol qui a rejoint l’Illinois. Mais c’est Jimmy Butler qui est devenu la menace offensive qu’il manquait. En imaginant que le Chicagoan de naissance soit opérationnel pour l’ouverture de la saison, il va certainement vouloir retrouver son statut que le numéro 21 lui a “piqué” l’an dernier, alors que “Buckets” ne veut pas le perdre. Les rumeurs de tension ne vont donc pas cesser de si tôt. il suffit de regarder le traitement réservé à Russell Westbrok et Kevin Durant à OKC pour se rendre compte que lorsque deux scoreurs de niveau All-Star se côtoie, leur relation est toujours scrutée et remise en question, peu importe si les joueurs déclarent publiquement que les problèmes n’existent pas. Le précédent Kobe-Shaq reste dans les esprits. Cela ne doit pas empêcher le duo de travailler ensemble en trouvant un juste milieu entre leur style de jeu et leur personnalité, pour le bien de tous : Rose, Butler et surtout les Chicago Bulls. C’est là tout le challenge de Fred Hoiberg cette saison, même si par le passé les deux joueurs ont su cohabiter. Au printemps dernier, les deux tournaient à plus de 20 points de moyenne en Playoffs. Quand ils étaient sur leur parquet ensemble, Chicago remportait 62,2% de ses matchs. Le tout en scorant 105,3 points pour 100 possessions quand Jimmy Butler et Derrick Rose évoluaient côte à côte. Si on se rappelle que ces chiffres ont été obtenus dans les magnifiques systèmes offensifs de “Thibs”, on vous laisse imaginer ce que cela peut donner dans une attaque plus libre et avec plus de mouvement sous les ordres de Fred Hoiberg. De quoi offrir encore plus d’opportunités à la doublette ? Le coach n’en doute pas.

“Ils se complètent magnifiquement.” – Fred Hoiberg.

Après quatre années sous le même maillot, Rose et Butler n’ont pas encore eu l’occasion de créer une véritable alchimie dans leur jeu. Entre la saison rookie quasi blanche de Jimmy, les deux blessures de Rose ensuite, cela fait déjà 3 ans sans bosser ensemble. Même l’an dernier, les deux ont connu des blessures. Au final, ils n’ont disputé que 87 rencontres (saison régulière et Playoffs inclus) ensemble, dont 57 en 2014-15. On attendra donc un peu avant de se prononcer sur une incapacité à briller ensemble et sur une incompatibilité entre les deux joueurs.

Mais comme évoqué plus haut, la présence deux alpha dogs dans la même équipe soulève toujours des questions, à savoir si l’un va manger l’autre, prendre le dessus sur son coéquipier ou si la relation peut mener à l’implosion d’un groupe. Ces questions qui commencent à peser pour Jimmy Butler, fatigué de devoir répéter à l’envie qu’il n’y a pas de souci avec Derrick Rose.

“Je ne comprends pas pourquoi tout le monde veut trouver un problème entre Derrick et moi. Laissez nous être les p*** de féroces compétiteurs que nous sommes et laissez nous juste jouer ensemble. Il n’y a rien. J’essaie de retenir mes jurons, mais ça me rend dingue. J’adore avoir Derrick Rose en tant que coéquipier. Je pense que nous pouvons être l’un des meilleurs backcourt en NBA – si ce n’est le meilleur. Derrick et moi sommes deux grands joueurs qui jouons bien ensemble. Oui nous avons à nous adapter l’un à l’autre parce que nous n’avons pas beaucoup joué ensemble. Mais nous allons continuer à nous améliorer en jouant des matchs et en prenant le rythme de cette nouvelle attaque.” – Jimmy Butler.

Des coéquipiers. Peut-être que le souci vient de là. Les gens aimeraient que Derrick Rose et Jimmy Butler soient les meilleurs potes du monde. Que sans cela, le duo ne peut pas exprimer son potentiel et exister. C’est vrai que Dennis Rodman partageait la même vie que Michael Jordan ou Scottie Pippen lorsqu’il jouait aux Bulls. Alors oui, il y a des différences. Et peut-être même des tensions. Mais entre compétiteurs, les égos sont souvent à la hauteur du talent. C’est naturel et en aucun cas insurmontable. Les deux joueurs doivent en avoir conscience. Aucun d’eux n’a le niveau pour battre LeBron James. Aucun d’eux n’est au sommet de la hiérarchie des superstars NBA au point de pouvoir porter le poids de l’équipe sur ses épaules. Aucun d’eux ne pourra se regarder dans une glace si ce qui peut les opposer rejailli sur les Bulls.

Mais à qui est cette équipe alors ? Aucun des deux. Tout l’effectif à la fois. La force dans l’Illinois, c’est le nombre de leaders dans la place. Joakim Noah reste l’âme de cette franchise, malgré sa saison dernière compliquée. Pau Gasol vient de porter l’Espagne au titre européen. N’ont-ils pas leur mot à dire dans ce pseudo conflit ? Au final, on en revient toujours au même : c’est Fred Hoiberg qui devra gérer l’orgueil des uns et des autres. mais justement, Pau et Jooks ont l’expérience et la mentalité pour cadrer cela et rappeler à chacun que le plus important reste le groupe pour aller le plus loin possible. Si Derrick Rose ne s’est pas trop exprimé là-dessus, lui qui soigne son oeil, Jimmy Butler en a conscience :

“Je ne peux pas le faire tout seul. Derrick non plus. Pas plus pour Gasol et Noah. Si nous bossons ensemble comme une équipe, nous n’avons qu’un but, et c’est gagner le titre. Tout le monde sera gagnant alors pas quelqu’un plus qu’un autre. Je ne pense pas que l’équipe appartienne à un joueur. C’est l’équipe de tout le monde. Tout le monde parle du fait que ça soit mon équipe. Ce n’est pas le cas. Je l’ai dit plusieurs fois. Je m’en fous. Mon job est de nous aider à gagner. Quand on gagne, tout le monde est beau. Tout le monde récupère sa bague.” – Jimmy Butler.

Des belles paroles qu’il faut maintenant lier à des actes. N’oublions pas qu’avant de remporter deux titres en atteignant quatre fois les Finales lors du séjour floridien de King James, le duo LBJ/D-Wade était boitant, parfois hésitant, ne sachant pas toujours comment partager la gonfle et les tirs. Jusqu’à ce que chacun apprenne à gérer son rôle et l’accepte, pour gagner ensemble. S’ils l’ont fait, Derrick Rose et Jimmy Butler le peuvent aussi.

Les deux joueurs des Bulls ont chacun des arguments pour être le franchise player. Mais au final ils ont besoin l’un de l’autre et Chicago a besoin d’eux. Ce ne sera pas toujours un mariage parfait, les égos seront parfois froissés. Mais les victoires calmeront les potentielles tensions. A eux de jouer et à Fred Hoiberg de jongler avec cela.

Source image : bullsnation.net, montage TrashTalk