Fred Hoiberg débarque chez les Bulls : “The Mayor” sera-t-il un bon matador ?

Le 03 juin 2015 à 14:07 par David Carroz

Fred Hoiberg

La blague de la recherche du nouveau coach des Bulls a pris fin. Oui blague, car cela fait de longues semaines que l’on sait que le duo Gar Forman – John Paxson a jeté son dévolu sur Fred Hoiberg pour prendre la succession de Tom Thibodeau, son arrivée étant aussi prévisible qu’une blessure au sein de l’effectif des Taureaux. 

L’ancien entraineur d’Iowa State arrive donc avec une certaine pression : faire mieux que le bilan de 255 victoires pour 139 défaites de “Thibs” en saison régulière. Pas gagné. Ou plutôt mieux que les 23 succès en 51 matches de Playoffs sur cette même période. Plus facile ? Cela reste à prouver. En effet, jamais une équipe d’Iowa State n’a passé le premier weekend du tournoi NCAA en 5 ans (ils ont tout de même remporté le tournoi du Big 12 cette saison). Hoiberg serait-il incapable de passer la vitesse supérieure comme Thibodeau ? On le saura bien assez vite, en attendant il s’agit probablement de son seul point commun avec l’ancien coach des Bulls. Faisons un point sur ce que « The Mayor » va changer à Chicago.

La relation avec le front office

Première révolution dans l’Illinois. Le nouveau va apporter du calme. Les relations tendues entre le front office et son staff, c’est fini. Plus de pique, de coup de crasse ou autres situations conflictuelles qui minent la franchise. Fred Hoiberg, c’est une connaissance de longue date de Gar Forman (le General Manager des Bulls était dans le staff de Iowa State quand Hoiberg était senior), qui en plus connaît déjà le United Center pour avoir été dans l’effectif chicagoan de 1999 à 2003. Pas les années les plus glorieuses dans l’Illinois, dont certaines d’entre elles sous les ordres de Tim Floyd, un autre ancien d’Iowa State. Espérons pour le néo-coach des Bulls que son expérience sera plus concluante que le 49 – 160 de Floyd… Espérons-le aussi pour le General Manager, car en virant Tom Thibodeau, il se sépare du coach avec le meilleur bilan de l’histoire des Bulls après Phil Jackson (394-255, soit 64,7% contre 545-193, soit 73,8%). Malgré tous ses défauts, il remportait des matches. Il a eu beau épuiser ses joueurs, ceux-ci se sont battus pendant plusieurs saisons pour lui permettre de remporter des rencontres. Cela compte, et Fred Hoiberg sera jugé là-dessus. Être meilleur communicant et plus conciliant que « Thibs » ne suffira pas, et s’il ne gagne pas, le temps sera à l’orage à Windy City.

Avis TrashTalk : les relations seront plus saines chez les Bulls. Contrairement à Tom Thibodeau, Fred Hoiberg sera à l’écoute de son front office concernant les minutes des cadres. Il a déjà été de l’autre côté en passant du temps dans le front office des Wolves. Mais attention, si la paix sociale est retrouvée dans la franchise, il faudra également réussir aussi bien que « Thibs » sur le parquet au risque cette fois-ci d’avoir les fans à dos. Pas sûr qu’ils aient moins d’influence que Forman si les choses tournent mal. Et dans ce cas-là, Hoiberg ne devrait pas être le seul à sauter…

Voilà pour les coulisses. Maintenant, ce qui intéresse la Bulls Nation, c’est surtout de savoir s’ils vont continuer à craquer sur les séquences offensives de leurs préférés, si la défense sera toujours un point fort et si les cadres devront jouer 45 minutes par match (même si on a déjà rapidement évoqué le sujet). Si Fred Hoiberg va continuer dans la lignée de « Thibs » ou s’il va tout révolutionner. C’est plus vers cette seconde option que l’on s’oriente.

Gestion des hommes

Si Hoiberg n’est pas Thibodeau, il se rapproche actuellement le plus – dans sa façon de gérer les joueurs – de Brad Stevens des Celtics. En NCAA, le coach est la star en plus d’être le boss et certains se permettent d’en rajouter. Mais comme l’ancien pensionnaire de Butler désormais à Boston, le nouveau gardien des Taureaux est réputé pour savoir s’entendre avec ses ouailles et gagner leur respect. Attention cependant, la saison dernière, cinq joueurs d’Iowa State ont été arrêtés pour consommation de drogue ou d’alcool. Être cool, c’est bien, mais le laxisme ne pardonnera pas en NBA. En même temps, au sein des Bulls l’encadrement est aussi là pour mettre en avant l’organisation et sa culture, et l’effectif est choisi en conséquence. Ce genre d’écarts ne devrait pas avoir lieu, et si besoin le front office assumera alors le rôle de Père Fouettard. Surtout que même s’il est proche de son roster, Fred Hoiberg ne manque pas de caractère pour autant. Il laissera ses joueurs relativement libres, mais s’ils n’apprennent pas de leurs erreurs ou deviennent nuisibles à l’équilibre de l’équipe, le banc de touche sera un lieu depuis lequel ils pourront réfléchir.

Il a amélioré la personnalité de l’équipe partout où il est allé parce qu’il a lui-même une forte personnalité. – Jerry Krause, ancien General Manager des Bulls.

Les cadres pourront donc souffler cette saison afin d’arriver en Playoffs en pleine forme. C’est en tout cas ce que Fred Hoiberg a laissé entendre lors de la conférence de presse annonçant sa signature.

Les limitations du temps de jeu ? C’est très important. Il faut pouvoir jouer son meilleur basket au bon moment. C’est ce que l’on essayait de faire avec Iowa State durant ces deux dernières années : être au top dans les moments clés. Si on a gagné le tournoi du Big 12, c’est parce qu’on a été sacrément bons lorsqu’il le fallait.

Avis TrashTalk : plus flexible que Tom Thibodeau, Fred Hoiberg ne devrait pas ruiner la santé de ses troupes ni être sur leur dos continuellement. Finie la défense à 6 avec « Thibs » qui hurle sur le parquet pour replacer tout le monde, l’ancien coach d’Iowa State va surtout responsabiliser ses hommes. Après tout, ils sont adultes.

Le jeu

Là encore, grosse rupture avec le style Tom Thibodeau. Fred Hoiberg est un coach offensif qui va complètement changer les habitudes chez des Taureaux à l’attaque ennuyeuse au possible. Disons-le tout de suite, on va voir de la créativité si le nouveau coach transpose son style de jeu à la NBA. C’est ce que Gar Forman souhaitait, voilà ce qui explique son choix. Ou alors son choix était fait donc il a déclaré vouloir cela, on ne sait plus vraiment.

Pour résumé, on va voir du jeu rapide dans l’Illinois, il va falloir avoir le cœur bien accroché pour suivre un rythme oublié. Les systèmes offensifs de Fred Hoiberg s’appuient sur l’espace, profiter des mismatches et des shoots longue distance.

On regarde vraiment les stats avancées, il le faut. Mais ce n’est pas tout, il ne s’agit que d’une partie de la stratégie. Sur nos 75 derniers matches, on en a dominé 60 dans la raquette avec du small ball. On a dominé le Big 12 en terme d’adresse à 3 points et la NCAA entière il y a deux ans. On a essayé de supprimer le shoot à mi-distance. Personne ne prenait plus de 12% de ses tirs à mi-distance. On prend beaucoup de shoots extérieurs, mais on ne dépend pas d’eux. On dessine des schémas pour créer des situations de deux contre un et des tirs ouverts en espaçant le jeu. – Fred Hoiberg.

Pour vous donner une idée, l’attaque NBA dont le style est le plus proche de celui proposé en NCAA par Hoiberg est celle des Warriors. Voici quelques exemples. Attention, habitués des schémas de Thibodeau, certaines images pourraient vous choquer. Vous pouvez les passer au ralenti pour suivre les passes.

Comme vous pouvez le voir, ça joue vite, et il ne faut pas avoir peur de prendre ses responsabilités en shootant.

Fred Hoiberg aime s’appuyer sur les pick’n’roll pour créer des situations avantageuses pour son équipe, le tout en demandant aux joueurs ne prenant pas part à l’écran de s’écarter pour libérer de l’espace. À eux ensuite d’être prêts pour dégainer si le porteur du ballon ressort la balle. Difficile de ne pas imaginer Derrick Rose et même Jimmy Butler offrir des caviars à Tony Snell, Doug McDermott, Nikola Mirotic et Mike Dunleavy (s’il reste) sur de telles actions. Hoiberg aime avoir un profil de shooteur et un plus de slasher sur les ailes en même temps sur le parquet, le premier profitant des écrans pour se retrouver en bonne position pour dégainer. Voici quelques exemples:

Les écrans, revenons-y. Fred Hoiberg aime ça. À croire qu’il aurait rêvé d’une carrière d’ostéopathe pour manipuler le dos des autres. À tel point qu’il demande à son équipe d’en poser avant même que la défense adverse soit en place, ce qui crée rapidement des situations en attaque. Vous vous souvenez des systèmes durant lesquels Derrick Rose, Jimmy Butler ou Joakim Noah gardait la balle 10 secondes avant de faire une passe main à main pour boucler la possession alors que l’horloge va sonner ? Oubliez cela, ce n’est pas la came de « The Mayor. » Non, lui il tourne au speed.

 

Enfin, on ne devrait plus voir Joakim Noah mener le jeu. Tout simplement parce qu’on ne verra plus d’intérieur squatter derrière la ligne des 3 points. La plupart du temps, Fred Hoiberg souhaite que ses grands jouent à proximité du panier. Enfin, quand il en met plusieurs, le small ball ayant toute sa place à Iowa State. Ainsi, après le pick’n’roll, ils imposent un choix pour les défenseurs : sortir sur le joueur qui pénètre – et donc libérer la raquette pour les big men – ou rester coller aux postes 4 et 5, s’exposant ainsi à une punition de la part de Rose ou Butler par exemple. Il faudra juste demander à Jooks d’enlever ses moufles achetées pour les Playoffs afin d’attraper la balle et la mettre dans le panier. Vous le voyez Taj dans ce système ?

 

Voilà de quoi réjouir ceux qui n’en pouvaient plus des systèmes sans imagination de Tom Thibodeau. Du point de vue offensif, on peut dire que Fred Hoiberg est une plus-value pour les Bulls. Mais « Thibs » maitrisait un autre aspect du jeu, la défense. Son successeur beaucoup moins. Autant Iowa State offrait du beau jeu, autant leurs lacunes défensives n’ont jamais permis aux Cyclones de viser vraiment haut. Et en NBA, pas de titre sans défense, la finale le prouve une fois de plus. Si les Warriors sont loués pour leur jeu offensif, leur efficacité défensive est une base de leur succès (premiers en saison régulière au nombre de points encaissés pour 100 possessions). Les Cavs eux ont mis les barbelés depuis le début des Playoffs, en particulier pour venir à bout d’Atlanta et Chicago. De nombreuses interrogations subsistent donc de ce côté du parquet pour la saison à venir.

Avis TrashTalk : un changement radical dans le jeu des Bulls est à prévoir. Derrick Rose va pouvoir tourner à 22 points et 9 passes, Doug McDermott et Tony Snell vont gagner leur invitation au concours de tir à 3 points et Nikola Mirotic va exploser en sortie de banc pour offrir presque 20 points par match. Il faut dire que Chicago va envoyer du 110 points par rencontres. Pour la défense, on va prier pour que la présence de tauliers comme Joakim Noah, Taj Gibson et Jimmy Butler soit suffisante. Ou alors on reconduit également la majorité du staff qui était aux côtés de « Thibs » en espérant qu’ils aient tiré quelques schémas défensifs à l’ancien coach.

Après avoir donné une identité très offensive à Iowa State, Fred Hoiberg s’attaque donc à bousculer les habitudes des Bulls. Parviendra-t-il à transposer son style en NBA, avec une équipe rapide, en mouvement et qui doit envoyer du 3 points ? C’est à voir et la perspective est excitante. Les joueurs extérieurs devraient se régaler la saison prochaine, mais il reste un doute – en plus de celui sur la défense – concernant l’utilisation des intérieurs, « The Mayor » ayant régulièrement joué avec un seul gars dans la raquette en NCAA. Déjà qu’il n’était pas facile de jongler avec Noah, Gasol, Gibson et Mirotic quand deux Big Men étaient sur le parquet, comment gérer avec une opportunité en moins ? Sauf si Taj Gibson – le joueur le plus marqué par le licenciement de Thibodeau et qui de l’aveu de proches aurait besoin de laisser retomber la pression suite à ce choix – fait ses valises. Il est un candidat au départ, tout comme Jooks qui n’a plus l’importance du passé, mais plus la même cote non plus. On aura l’occasion de toute façon de reparler des mouvements à venir au sein de l’effectif des Bulls.

Pour l’instant, on reste dans la supposition et l’attente avant de voir ce que Fred Hoiberg, signé pour environ 25 millions de dollars sur 5 ans (dans la tendance actuelle, Derek Fisher et Steve Kerr ont des contrats équivalents, Billy Donovan vient de signer pour 30 millions pour la même durée), va réellement faire pour révolutionner les Bulls. A-t-il les joueurs qu’il faut dans son roster ? Peut-il changer la mentalité défensive de l’équipe ? Peut-il adapter son style à la NBA ? Va-t-il faire oublier Tom Thibodeau et offrir un effet « Steve Kerr » à Chicago ? Il faudra attendre encore quelques mois pour avoir des débuts de réponse. La saison n’est pas encore finie en NBA qu’on regarde déjà avec impatience celle à venir dans l’Illinois.

Source image : Montage TrashTalk


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