Derrick Rose et Jimmy Butler : un amour de vacances qui doit déboucher sur une relation durable

Le 24 avr. 2016 à 14:12 par David Carroz

La fin de saison arrivée plus tôt que prévue chez les Bulls laisse la franchise de l’Illinois devant de nombreux chantiers. Une identité à trouver, un secteur intérieur à nettoyer, un effectif à construire et un banc à retrouver entre autres. Si Gar Forman et John Paxson se sont bien foutus de la gueule du monde exprimés avant même les entretiens de fin d’année, difficile de savoir quel sera le chemin pris par les Taureaux. Si ce n’est que Fred Hoiberg sera encore dans le coin. De notre côté, on met aussi une pièce pour qu’il en soit de même pour Derrick Rose et Jimmy Butler.

En même temps, on a du mal à imaginer qu’une franchise soit prête à balancer plus de vingt millions de dollars l’an prochain à Derrick Rose ou en tout cas à envoyer un joueur de qualité sur les rives du Lac Michigan en échange du meneur dans un deal. Ce qui signifie donc qu’à moins d’un cataclysme – ou d’une nouvelle blessure – “Poohdini” sera en charge d’une partie de l’animation offensive des Bulls. Mais il ne sera pas seul. Certes, l’état-major chicagoan n’a pas complètement fermé la porte à un départ de Jimmy Butler, mais en dehors de Rob Hennigan qui envoie Tobias Harris contre des cacahuètes quelques mois après lui avoir filé un gros chèque, peu de dirigeants se désavoueraient de la sorte en tradant un joueur à qui ils souhaitaient confier un rôle majeur. Et encore plus dans l’Illinois où le front office a une tendance à l’immobilisme poussée à l’extrême comme on a pu le voir lors de la dernière deadline.

On comprend que cette réflexion – tester le marché pour Jimmy Butler – puisse exister car malgré sa deuxième sélection au All-Star Game de nombreux reproches lui ont été adressés. Sa sortie médiatique pour demander à son coach d’être plus dur avec les joueurs. Sa volonté d’être le leader alors qu’un tel statut se gagne mais ne se réclame pas. À ce sujet, John Paxson a certainement eu ses seuls propos intelligents de la saison :

Quand vous parlez trop du leadership, vous n’obtenez certainement pas ce dont vous avez besoin des leaders de l’équipe. J’ai joué avec le meilleur de tous [un certain Michael Jordan dans les années 90] et vous ne l’entendiez pas parler de leadership. Vous l’endentiez aller au charbon et montrer sur le parquet qu’il était un joueur qui faisait gagner. Je ne pense pas que n’importe lequel de nos gars doive encore en parler. Je pense qu’ils doivent le montrer.

C’est donc un double tacle à Jimmy Butler, car il a aussi entendu des critiques sur le fait qu’il serait individualiste et que s’il envoie ses stats, il ne fait pas gagner l’équipe, comme cette soirée de défaite face aux Pistons où il a claqué un triple-double quand les Bulls sortaient quasiment de la course aux Playoffs. Des mots durs, car il ne faut pas oublier non plus les purges qu’il a sublimées face aux Raptors et aux Sixers en portant l’équipe sur ses épaules. Ou encore ses actions clutch, en attaque ou en défense, face à Paul George et aux Pacers. Il y a sûrement du vrai dans toutes les critiques, mais pour autant tout n’est pas à jeter. On sent une volonté de bien faire, peut-être trop d’ailleurs, et il doit trouver un équilibre. À l’image des Bulls, à l’image de son duo avec Derrick Rose. On n’a que trop peu souvent vu la doublette être sur la même longueur d’onde sur le parquet en dehors de quelques éclairs qui laissent tout de même à croire qu’ils ne sont pas si incompatibles que cela. Une réflexion qu’on peut d’ailleurs appliquer à l’ensemble de l’équipe cette saison : du talent, mais pas d’alchimie, pas d’entente, pas d’idée directrice pour cadrer le tout. Alors qu’aujourd’hui les vacances s’annoncent longues et potentiellement mouvementées dans l’Illinois, on se tourne vers le backcourt des Taureaux pour envisager un semblant d’éclaircie pour l’avenir.

Pourquoi ? Tout d’abord parce que parmi les joueurs majeurs, on a vu qu’ils étaient les plus à-même à être présents dans le roster la saison prochaine. Ensuite parce que Derrick Rose et Jimmy Butler ont une chance inouïe qu’ils semblent vouloir saisir : profiter de tout ce temps libre pour bosser ensemble et enfin faire naitre une relation forte entre eux. On ne parle pas des rumeurs sur le fait qu’ils ne s’apprécient pas. Ils ont des différents, certes. Jimmy doute de l’éthique de travail de son coéquipier et Derrick ne vit probablement pas de façon hyper sereine la tentative de prise de pouvoir de “Buckets”. Des sentiments humains qui n’ont rien d’insurmontables, surtout quand ils ont l’occasion pour la première fois de mettre tout cela à plat, loin du rythme d’une saison NBA et des caméras qui scrutent le moindre indice sur leur entente. Après l’échec cuisant et alors que les Bulls sont à un tournant, ne pas en profiter serait une faute professionnelle et la preuve que l’un comme l’autre n’ont rien de grands joueurs. Une affirmation cinglante mais dont Derrick Rose et Jimmy Butler doivent avoir conscience, car aujourd’hui ils soulèvent plus d’interrogations qu’ils n’apportent de réponse. Collectivement et individuellement.

L’été dernier, “Buckets” avait pris Doug McDermott sous son aile pour le faire taffer. Bis repetita cette année avec D-Rose ? La dynamique sera forcément différente, le meneur étant plus âgé que Jimmy, on le voit mal se pointer juste en tant qu’élève ou protégé. Mais alors que sa capacité à tout donner est parfois remise en cause – au sein de l’effectif, et pas seulement par Butler – suivre avec son compagnon du backcourt un programme de forçat pour être au top fermerait quelques bouches. Et ne peut que faire du bien. À lui, comme aux Bulls. Car à l’heure de trouver une identité offensive, la traction chicagoane passera par ceux qui ont le plus la balle, qui peuvent créer et faire la différence. Pas besoin de chercher loin, ce rôle revient à Derrick Rose et Jimmy Butler. Pour cela, il doivent donc mettre en place une véritable relation de confiance en peaufinant leur affinité et leur complémentarité.

C’est plus de temps que nous pouvons passer ensemble. Nous connaissons nos jeux plutôt bien à évoluer ensemble sur le parquet, mais durant l’inter-saison, cela me permettra de savoir où il veut vraiment la balle, là où il est vraiment bon, et de la même façon pour moi avec lui. Quand vous vous voyez bosser et vous entrainer, vous gagnez beaucoup de respect pour la personne car vous le voyez utiliser son temps, vous comprenez ? Je ne dis pas que je ne le respecte pas, mais si il voit le temps que je passe à la salle tous les jours et si je vois le temps qu’il passe à la salle tous les jours, vous savez que vous êtes sur la même longueur d’onde que cette personne, et c’est quelque chose de très important. – Jimmy Butler.

On touche clairement du doigt ce que Jimmy Butler attend de Derrick Rose et ce qu’il peut lui apporter. Mais l’échange se fera dans les deux sens. Si Chicago veut retrouver les Playoffs, il faudra que son duo porte des valeurs fortes : travail, humilité, dévouement pour l’équipe. Dans certains secteurs, c’est D-Rose qui devra déteindre sur “Buckets”. D’un caractère plus taiseux que l’arrière, l’enfant d’Englewood peut ainsi canaliser l’envie de Butler pour qu’il devienne naturellement un leader sans avoir à s’exprimer dans la presse. D’où l’importance que chacun fasse son introspection et accepte de recevoir autant qu’il va donner durant cet été, posant ainsi les bases d’un duo nouveau. Cela ferait du bien à Windy City, car c’est en grande partie par leur backcourt que les Bulls peuvent renaitre. Le reste du travail repose sur Fred Hoiberg, qui devra s’affirmer comme pouvant diriger une équipe avec au minimum l’ambition des Playoffs, et sur le front office. John Paxson et Gar Forman doivent se sortir les doigts pour filer le matos au coach qui complétera la base arrière Derrick Rose – Jimmy Butler. Un pivot athlétique et défensif – tout l’inverse de Pau Gasol – et des shooteurs. Doug McDermott est déjà là, l’adresse de Nikola Mirotic est attendue à l’accueil du United Center, Mike Dunleavy a sa carte à jouer s’il n’est pas en déambulateur et les rookies Cristiano Felicio et Bobby Portis offrent des solutions intéressantes. Pour le reste, tout est ouvert, et on aura l’occasion d’en reparler lorsque la Draft et la free agency pointeront le bout de leur nez.

Il reste un an de contrat à Derrick Rose et Jimmy Butler voit son statut remis en question, non pas sur le parquet mais en dehors. Normal quand une équipe du calibre des Bulls se vautre de la sorte. Il est donc temps de sortir de bleu de travail et de retrouver le chemin du gymnase pour préparer dès aujourd’hui la saison à venir. Rose et Butler n’ont peut-être pas toutes les réponses aux maux de la franchise de l’Illinois, amis ils peuvent servir de guide aux Taureaux. S’ils décident bien entendu de suivre tous les deux la même direction.

Source image : bullsnation.net, montage TrashTalk