Horace et Harvey Grant : on n’a pas le même maillot, mais on a les mêmes goggles

Le 04 juil. 2015 à 14:36 par David Carroz

4 juillet 1776, jour de l’Indépendance aux Etats-Unis. Presque deux siècles plus tard, Horace Grant sortait du ventre de sa mère, goggles sur le nez, suivi de son frère jumeau Harvey 9 minutes plus tard. Si lui aussi portait de belles lunettes, il n’a pas autant brillé que le quadruple champion NBA. Sorry Harvey, même pour vos 50 piges, tu vas encore rester dans l’ombre d’Horace. Ou pas. Portrait croisé des jumeaux les plus célèbres de l’histoire de la NBA.

Tout commence en Géorgie, à Augusta, où les jeunes garçons vont se forger leur caractère, entre compétition et protection fraternelle. Les parents sont divorcés donc rapidement le système D est la base de leur vie et Horace – de peu l’aîné – prend le rôle de l’homme de la maison, même si les deux n’hésitent pas à mettre la main à la pâte pour ramener un peu d’argent à Grady, leur mère. Tondre les pelouses, laver les voitures, la débrouille dans la rue. Sans toujours dire à la maman d’où venait l’argent, de peur de se faire botter le derrière.

Un postérieur qui illustre d’ailleurs bien la relation entre Horace et Harvey Grant. Les deux frères ont 12 ans à l’époque et ils sont seuls à la maison. Encore une fois en train de se chamailler, la dispute dégénère et Harvey lance une fourchette sur Horace. Elle se plante dans ses fesses. Il décide de ne pas la retirer en attendant que sa mère rentre pour que le benjamin prenne une rouste lorsqu’elle verra le couvert coincé dans la chair de son fils. Mais au dernier moment, alors que Grady Grant est sur le point de passer un savon mémorable au plus jeune, Horace s’interpose. Il voulait juste que son frère angoisse dans l’attente de la colère maternelle.

“Je lui ai dit qu’Harvey ne l’avait pas fait exprès. Vous voyez, je savais que c’était une torture juste de penser à la punition que maman pouvait infliger, et c’est ce que je voulais. Je voulais qu’il ressente cette angoisse. Mais je ne voulais pas le voir prendre un coup.” – Horace Grant.

A cette époque déjà, Horace et Harvey Grant font du sport. Du baseball, mais surtout du basket. Il faut dire que Grady ne veut pas qu’ils trainent dans la rue et que leur avenir soit celui malheureusement trop souvent tracé des jeunes des quartiers défavorisés. Elle est loin d’imaginer qu’un jour, ils toucheront des millions grâce à la pratique physique. Ils évoluent ensemble, dans les mêmes équipes, même si les 1 contre 1 commencent à façonner leurs styles. Différents. Au lycée, à Hancock Central High, ils portent le même maillot, même s’ils ne font pas le coup des Morris à l’échanger pour tromper les adversaires. Vient ensuite l’université, et la séparation. D’abord de leur mère, puisqu’ils partent tous les deux à Clemson. Si Horace va passer ses 4 ans là-bas, montrant déjà une belle étendue de son talent puisqu’il tourne à 21 points (65,6%) et 9,6 rebonds lors de sa dernière saison NCAA. De quoi taper dans l’oeil des Bulls, surtout après avoir été élu ACC Player of the Year en 1987. Harvey pour sa part choisit de prendre ses distances. Au bout de deux ans passés avec son frère aux Tigers, il préfère s’émanciper et partir à Independance College, dans le Kansas, avant de finir son cursus à Oklahoma en 1988. Pour la première fois, les frères s’éloignent – géographiquement parlant – même si l’ainé souhaitait suivre le même chemin. Mais Harvey savait que l’avenir de son jumeau serait plus brillant s’il restait à Clemson et lui a interdit de le suivre. Horace Grant était un meilleur basketteur. Les deux le savaient et l’acceptaient. Hors de question de gâcher une carrière par amour fraternel, au contraire. Celui-ci devait les porter à se pousser et se conseiller l’un l’autre. Une chose est sûre : à partir de ce moment-là, leurs différences vont s’accentuer.

Vrais jumeaux, même ADN, mais des compétences et des styles différents qui sautent aux yeux des scouts. Alors qu’Horace est choisi par les Bulls en 10ème position de la Draft 1987 (la même année que Scottie Pippen) pour ses qualités de rebondeur et sa défense, Harvey sera pris un an plus tard et deux rang plus loin par les Washington Bullets. Si l’intensité définit l’ainé, le plus jeune est qualifié de soft, même s’il dispose d’un arsenal offensif intéressant pour s’éloigner du panier pour un poste 4. Un profil recherché aujourd’hui, alors que celui d’Horace, plus traditionnel dans son rôle d’ailier fort, tend à disparaitre. La reconnaissance aurait-elle été inversée si leurs carrières avaient débuté 20 ou 30 ans plus tard ?

Comment expliquer une telle opposition de style ? Peut-être parce que chacun a développé des qualités différentes pour prendre le dessus sur l’autre lorsqu’ils s’affrontaient. Peut-être également parce qu’en plus de l’inné, l’acquis offre une part prépondérante dans l’évolution des gens, ou du moins des joueurs. Les personnes autour comptent. Alors qu’Horace Grant a côtoyé certains des meilleurs de sa génération – Michael Jordan, Scottie Pippen, Shaquille O’Neal, Penny Hardaway, Kobe Bryant, Tracy McGrady ou encore Karl Malone – Harvey s’est contenté de Bernard King en fin de carrière et Allen Iverson. Quand Horace remportait 4 titres avec les Bulls et les Lakers, s’offrant des trips supplémentaires en Finales NBA avec Orlando et LA, Harvey n’a pas souvent vu les Playoffs.

Des carrières et des styles différents. Mais des goggles restées pour la postérité, à tel point que même celles de Kareem Abdul-Jabbar sont moins connues aujourd’hui. Sûrement parce que l’exposition médiatique n’était pas la même, mais peu importe. Lorsqu’on parle de familles ayant brillé en NBA, la fratrie Grant n’est pas forcément la plus souvent citée. Les Rivers, les Barry, les Curry passent avant. Mais ne les oublions pas pour autant. Horace a été un élément essentiel du premier threepeat des Bulls. Si son frère n’a pas connu la même réussite, il n’en reste pas moins un excellent joueur. Autour de la génération suivante – Jerian et Jerami – d’assurer la relève.

Source image : sportbuzzbusiness.fr