Cher Joel Embiid, voici ma lettre

Le 04 mai 2024 à 10:28 par Céleste Macquet

Joel Embiid 30 avril 2024
Source image : YouTube

La série de Playoffs entre les Knicks et les Sixers a offert une intensité rare. Au coeur de cette bataille un homme, Joel Embiid, qui cristallise un paquet de critiques concernant son jeu et bien d’autres choses encore. Dans les lignes ci-dessous ? Le message de l’un de nos rédacteurs, Céleste, fan de la première heure du pivot des Sixers. Bonne lecture.

Joel, tu ne liras probablement pas ces lignes. Si tu tombes là-dessus c’est que tu regardes ce qui se dit sur le Net. Et en ce moment je pense que c’est la pire idée de la Terre. Au fond je sais que ça ne t’atteint pas, ce que disent les gens, mais voilà, je pense qu’ils sont injustes avec ta personne, toi qui rentre si facilement dans leurs têtes.

Joel, t’en as fait du chemin depuis l’université. Passé de jeune prospect excitant à Top 5 des joueurs les plus haïs – fact – de tous les temps… Voilà bientôt huit années que t’es pas troisième dans le Top 3 de mes joueurs préférés, donc ne t’en fais pas, de mon côté je ne grossirai jamais le rang des haters.

Pourquoi tu m’as marqué à ce point, je pense que je n’en connaitrai jamais la raison. Faut voir comment tu m’as énervé dernièrement. Mais tu restes le joueur qui m’a fait commencer le basket, et m’a donc ouvert de sacrés horizons. En y réfléchissant, je crois qu’en fait… je sais pourquoi je t’ai choisi, toi, particulièrement.


Athlète à six feet nine, je n’ai jamais voulu m’investir dans le basket avant le lycée. Pensant que les profils comme le mien étaient systématiquement relégués aux écrans porteurs et aux rebonds défensifs, c’est plutôt au foot que je m’intéressais. Puis Dirk Nowitzki m’a enseigné qu’on avait le droit de shooter, Giannis Antetokounmpo de cavaler, et toi de faire… tout ce qui nous plaisait. Oui, on peut switch sur l’arrière sans craindre de se faire saucer, oui, on peut prendre le dernier tir après un stepback depuis le parking d’Intermarché. Et puis bien sûr qu’on a le droit d’enchaîner deux crossover, un dribble dans le dos et un fadeaway. Je t’ai vu sous le maillot des Sixers une première fois en 2016 et depuis, je ne me suis jamais retourné.

Joel, on en a vécu des moments “toi et moi”, c’est passé si vite. Tes deux premières saisons blanches qui m’auraient permis de – déjà – te mettre dans mon Top 50 all-time si tu les avais jouées en entier. Ton premier panier en NBA contre le Thunder qui était magnifique, avec ton footwork qui allait déjà bien vite. Ta saison rookie où tu aurais fini ROY si tu ne t’étais pas encore blessé, et ces Sixers qui draftent avec leurs pieds.

Ta première série de Playoffs, gagnée contre Miami. 15 ans à l’époque, première fois que maman me laisse regarder un match alors qu’il y a école le lendemain. Ta saison 2019 où j’ai râlé que tu ne fasses pas podium au MVP. Le titre de meilleur rebondeur de l’année qui t’échappe parce que Drummond était surhumain.

Joel, tu te rappelles ? A l’époque mon admiration pour toi était telle que je parlais de toi à tout le monde au tel. J’avais tes maillots domicile et extérieur, des fonds d’écrans de toi à la pelle, une figurine à ton effigie car pour moi t’étais immortel. T’étais mon modèle. Si tu revenais de tous ces passages sous le scalpel en ramenant un titre à Philly je me disais que l’aventure serait vraiment belle. Des rappels tous les soirs pour te regarder à la télé, me parlez pas de la soirée d’untel ou untel, manquer un seul match aurait été criminel, même si t’en as manqué plus que moi, qui étais toujours fidèle à l’appel.


La vidéo des 1 contre 1 avec Tatum et Bamba. L’avion devant tout le Canada. Le shoot de Kawhi qui m’a fait chialer devant mon PC à la veille du bac blanc. Le départ de Butler parce que ton front-office était rempli de glands. Tes premières chaussures que j’ai portées jusqu’à ce que le revêtement se décolle. Celles avec le relief des montagnes du Cameroun sur la semelle. Mon premier dunk en match avec des chaussettes à ton effigie aux pieds, offertes par ma tante à Noël. Ton turn-around jump shot que j’ai copié, copié, et recopié, comme pendant les contrôles de géographie à l’école.

La saison 2020 gâchée par la blessure de Simmons et la présence d’Al Horford. Matisse Thybulle qui défendait comme un grand malade. Les lancers de plus en plus fréquents, commençant à semer la discorde. L’épisode Karl-Anthony Towns et la grande bastonnade. Tes deux saisons avec la place du con au MVP parce que le Joker est trop fort et que toi tu es trop blessé. Ton prime que Glenn Rivers est venu gâcher. Le trade de James Harden qui pour rien m’a fait me hyper. Les séries contre Atlanta et Boston que t’avais pas le droit de ne pas gagner.

Gallinari qui vient te chiper la balle pour anéantir ta destinée. Tobias Harris qui pisse dans son froc en direct à la télé. 5 majeur qui préfère encore mettre Jordan Poole en poster plutôt que toi, faut pas déconner. La réalisation à peine assumée que je regarde plus les 76ers que mon équipe préférée. Contre le Jazz ton quasi quadruple-double de ba*sé. Tous les fans des Pacers avec qui je me suis embrouillé, en disant que Maxey était le meilleur Tyrese de la NBA. Ton titre de MVP obtenu, avec moi qui racontait à qui veut bien l’entendre qu’au collège déjà je l’avais annoncé. Deuxième fois meilleur scoreur de l’année.

A cette époque, tu étais devenu de loin mon joueur favori. Pendant une phase c’était une place que tu partageais avec le Grec de Milwaukee, mais après 2021 je me sentais moins de root en premier pour quelqu’un qui a déjà fini la partie. Comme si l’un de vos enfants était devenu Prix Nobel pendant que l’autre sortait à peine de maternelle.


Ta décision de rejoindre Team USA , ruinant mes espoirs de te voir évoluer pour mon pays avec Wemby et Rudy. Nick Nurse qui te sort contre les Spurs alors que t’aurais pu faire 80 pions. Les gens qui se réjouissent sur Twitter de tes blessures et maladies. Mon for intérieur qui commence à me chuchoter, que peut-être, tu ne serais jamais _%¤ \&§?~.

On arrive au premier tour de Playoffs de cette année. Joueur préféré ou pas, c’est aux Knickerbockers de Melo en 2011 auquel mon allégeance j’ai juré. Jalen Brunson te sort logiquement, j’écris le récap du match sur mon PC. Ce soir-là je n’ai pas célébré comme un fou comme après le Game 5 contre les Cavs, je n’étais pas content de la victoire, disons que j’étais juste satisfait. Après cette désillusion là, l’avis du public était tranché, tu tombais dans un club all-time de joueurs détestés. Je ne parlerai pas de clivance, j’ai toujours trouvé que c’était un terme qu’on utilisait pour quelqu’un que pas grand monde ne pouvait saquer. Pour trois séries de Playoffs que t’aurais jamais dû rater, tu t’es attaché l’image d’un joueur qui jamais ne gagnerait. C’est quelque chose qui m’a toujours fait rire, c’est exactement la même chose qu’ils disaient de Giannis avant son titre NBA.

Pour la réputation de joueur dangereux, par moments, tu ne l’as pas volée. Si on te foutait dans un Top 15 joueurs dirty all-time, ce ne serait pas immérité. Mais ça ne me dérange pas tant que ça, au fond j’adore Bill Laimbeer et Dikembe. Les lancers, c’est sûr que t’as pu abuser, à vendre des contacts plutôt légers, mais la plupart du temps t’y peux rien, si y’a faute, l’arbitre doit siffler, même si c’est relou de te voir 14 fois par soir en tirer.

L’Équipe de France, j’en suis le premier dépité, et c’est le seul point où je te défendrai. Je trouve d’une telle injustice, toutes ces personnalités contre ta venue en EDF qui se sont offusquées de ta lettre leakée par RMC. Le pire, c’est quand ils sont tombés sur toi après que tu aies refusé de répondre à un journaliste en Français. Alors qu’on venait de leaker un de tes courriers où tu dévoilais le lieu de vie de personnes à qui tu tenais, et que nos médias sortaient de son contexte chaque parole que tu prononçais. Te traiter d’aigri pour cette interview-là, c’est ne strictement rien comprendre à la NBA.


Mais voilà, dans une ligue où joue Miles Bridges, c’est toi le joueur le plus détesté. Même ton pays natal semble t’avoir renié. Mais c’est pas grave en vrai, toi je suis sûr que tu t’en fous, pire, ça te plaît. Et nous, “tous les deux”, on a vécu bien assez. Certes, je pense qu’en leadership tu as encore un cap à passer, que tu perds trop la balle et que tu devrais arrêter tes dribble-and-drive à 30 piges qui te font risquer de te blesser. Mais pour moi t’es le meilleur scoreur, le défenseur le plus complet, le plus fort de toute la NBA. Donc tant pis si un sombre crétin te souhaite les croisés une fois de temps en temps, moi j’ai grimpé sur le navire Joel et je ne descendrai que quand il sera arrivé à quai.

Je pense que je te regarde et que je te regarderai encore longtemps avec mes yeux de gamin de 13 balais. Les mêmes qu’avaient Arthur quand il s’en est allé. Parce que c’est ça avant tout ton histoire, celle d’un jeune Camerounais qui a commencé le basket sur le tard, qu’on a envoyé aux Etats-Unis, complètement séparé de sa famille pendant quatre années, qui a failli tout arrêter quand son petit frère l’a quitté, qui est revenu malgré tout pour s’adjuger le titre de MVP de la NBA. Donc pour ça et pour toutes les autres raisons que j’ai citées, je n’ai pas peur de dire que je n’arrêterai sûrement jamais de t’admirer.

C’est pas comme si je prenais beaucoup de monde à parti, de toute façon qui va aller au bout d’un texte sur Joel Embiid de 1 600 mots, sans images, et sans dire qu’il est dangereux pour la NBA.


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