Interview Dante Cunningham x John Jenkins : on a discuté du championnat de France avec deux anciens de NBA

Le 11 mars 2022 à 18:55 par Arthur Baudin

John Jenkins x Dante Cunningham
Source image : ©Julie Dumélie / BCM et ©Olivier Barthon / MSB

Entre deux nuits NBA, on s’est posé avec une paire de cainris pour discuter basket français. Quel regard des joueurs qui ont connu le Madison Square Garden et la nuque de Blake Griffin, portent-ils sur notre beau championnat national ? Pour vous, John Jenkins et Dante Cunningham répondent à nos questions. Alors, plutôt Line Renaud ou John Stockton ?

Sélectionné en 33ème position de la Draft 2009 par les Portland Trail Blazers, Dante Cunningham était ce role player capable de dépanner convenablement sur le poste 4. Il l’est toujours. Ses bons services rendus aux Pelicans entre 2014 et 2018 ne sont pas si loin. Trois ans après sa dernière danse sous le maillot des Spurs, l’ailier-fort de 2m03 pose des moyennes de 9,9 points, 4 rebonds et 0,7 assist à 49% au tir dont 33% à 3-points, sur le sol de Yannick Noah et du commandant Cousteau. Le Mans réalise une superbe saison et siège à la cinquième place du championnat de France. Le bilan collectif est moins clinquant pour John Jenkins, choisi en 23ème position de la Draft 2012 par les Hawks. Gravelines est dixième avec un bilan négatif de 10 victoires pour 11 revers. Mais dans le marasme d’une équipe qui n’a pas encore trouvé son rythme, le meneur d’1m93 envoie tout de même 12,7 points, 1,8 rebonds et 1,4 assist à 43% au tir dont 38% du parking. Les jolis restes d’une époque de domination en G League.

 

Bonjour les gars. Bon, ça fait un peu moins de sept mois que vous êtes en France. Comment s’est passé votre intégration ?

John Jenkins : Gravelines est une petite ville, il n’y a pas grand-chose à faire. Mais tout le monde a été super sympa, sur le terrain et en dehors. On a les gens qu’il faut autour de nous, pour bien récupérer. Mes coéquipiers parlent tous anglais. C’est une belle expérience pour moi et ma famille.

Dante Cunningham : L’intégration à la vie d’ici a été lente, au début, très lente. Il fallait surpasser la barrière du langage. Comme l’a dit John les villes sont plus petites, donc tu ne sors pas trop. Mais ce sont de très belles villes ! Mes coéquipiers parlent aussi anglais donc c’est très facile pour jouer au basket.

Comment trouvez-vous le niveau ici ? Vous avez tous les deux joué en NCAA, en Chine, en NBA…

JJ : Le championnat est top, spécialement pour un arrière comme moi. Je suis défendu dur et c’est très physique. À chaque match j’essaie de trouver différentes façon d’être ouvert et efficace pour mon équipe. Comparé aux autres championnats, je dirais que le chinois est le plus physique dans lequel j’ai joué. Le français est le second. La Liga Endesa est tout en haut aussi. Mais chaque ligue a ses propres qualités. En France, j’aime comment le jeu est ouvert comme en NBA. Il y a des espaces.

DC : Les attaques sont beaucoup plus longues. Les schémas défensifs sont uniques, différents des autres championnats. C’est génial de pouvoir découvrir toutes les facettes du basket-ball. J’aime l’idée qu’à 35 ans, vous pouvez encore apprendre. Mais sur le parquet, je dois toujours être focus car le basket-ball d’ici n’est pas celui que j’ai joué au cours des dix dernières années.

Il y a des gars qui vous ont déjà impressionné ?

JJ : Oh, l’intérieur d’Orléans est très bon. J’ai oublié son nom… Ndoye, Youssou Ndoye ! Il est super fort. Je l’ai déjà affronté plusieurs fois en Espagne.

DC : Honnêtement, je suis mauvais avec les noms, je sais juste qu’on a joué un bon groupe d’arrières à Dijon (David Holston, entre autres). Mais on stigmatise les championnats étrangers aux États-Unis, je l’ai compris super rapidement. Tout le monde est talentueux ici, c’est juste que les opportunités ne se présentent pas de la bonne manière pour certaines personnes. Chaque nuit nous pouvons jouer en France comme nous le ferions en NBA.

 

À quoi ressemble le quotidien d’un ancien joueur NBA qui vit en France ?

JJ : Je m’entraîne beaucoup, toujours. En dehors de ça, je regarde des films, je passe du temps avec ma famille, je vais sur YouTube et je rattrape les matchs NBA de la nuit passée.

DC : Le travail ne s’arrête jamais, donc je prends soin de mon corps. Et pendant mon temps libre, c’est Call of Duty. La plupart du temps, vous pouvez me surprendre posé devant la télé en train de jouer à Call of Duty *rire mi-honteux mi-fier de sa connerie*.

Et les installations tiens, pour des gars qui ont connu les moulures du Madison Square Garden, comment trouvez-vous celles du coin ?

JJ : Je n’ai pas vu les installations de toutes les équipes, mais à Gravelines elles sont plutôt bonnes. Ce sont les années et l’expérience qui parlent. On a un jacuzzi, un bain froid. Tout y est pour faire en sorte que ça fonctionne.

DC : On a d’excellents trucs aussi. En plus du bain froid et du jacuzzi, on a un sauna, des préparateurs physiques, des masseurs qui viennent et repartent, des chiropracticiens. Pleins de paramètres qui t’aident à prendre soin de ton corps. Tous les jours, ils s’assurent que tu sois dans les conditions optimales pour le prochain match.

De plus en plus d’anciens de NBA débarquent en France, des gars référencés comme Kyle O’Quinn ou Dwayne Bacon. Les joueurs qui passent font-ils écho du championnat une fois rentrés aux États-Unis ? Comment se fait notre pub ?

JJ : Ouai c’est une bonne question. Je ne sais vraiment pas. Mon agent me propose le championnat français depuis quelques saisons et cette année, il était la meilleure option pour moi. La pandémie a aidé un peu, beaucoup cherchaient une stabilité financière. Mais c’est un grand championnat et je voulais l’essayer une fois quoi qu’il arrive.

DC : Ce championnat est juste une excellente occasion de progresser. Je n’arrête pas de le dire mais rien n’est jamais pareil dans le basket. D’une ligue à une autre, vous n’apprenez jamais deux fois la même chose. Que ce soit dribbler main gauche ou main droite, ou découvrir de nouveau moves, vous savez que vous pouvez toujours vous améliorer.

Dante, on se souvient de ta claquette sur Blake Griffin au premier tour des Playoffs 2012, sous le maillot des Grizzlies, feu l’époque grit-and-grind. John, le Madison Square Garden a été ta salle. Quand on arrive dans un championnat étranger avec ce bagage, est-ce si facile de gérer son ego ?

JJ : Pour moi c’est très facile, j’ai toujours été humble, ce genre de chose ne me fait jamais peur. J’ai adhéré à la culture. Le truc c’est que tu ne dois pas comparer à la NBA car ce n’est pas la NBA et qu’il faut simplement être ouvert d’esprit. Et comme Dante l’a dit, plein de gars sont extrêmement bons et n’ont juste pas eu les bonnes opportunités. C’est très dur ici, très compétitif. Il ne faut pas prendre le niveau à la rigolade.

DC : Être humble vous aidera beaucoup avec les autres joueurs. Ils peuvent sentir votre énergie. Un gars qui vient juste pour les gros tirs, c’est leur ligue, ils sauront le remettre à sa place. Si tu ne veux pas sortir, si tu te montres trop agressif ou que tu n’as pas ta langue dans ta poche, ils s’assurent de te faire comprendre que tu es l’étranger et que c’est à toi de t’adapter. Par l’expérience, l’étape de la NBA rend finalement plus facile cette acclimatation culturelle.

 

John, tu scorais 20 points par match lors de ta dernière année à Vanderbilt. Dante, un bon 16 points et 7 rebonds de moyenne à Villanova. Avec l’Ignite Team, l’Euroligue – le championnat français donc – et même l’Australie, la NCAA est-elle toujours la « voie dorée » pour arriver en NBA ?

JJ : Quand nous étions encore en NCAA, c’était difficile d’arriver en NBA depuis l’étranger. Mais personne ne savait vraiment comment s’y plonger. Personnellement, l’université a été l’un des meilleurs moments de ma vie mais, si j’étais un ado aujourd’hui et que j’avais besoin d’argent, je déménagerais à l’étranger. Tu dois faire des sacrifices, bosser dur et comprendre que c’est un business.

DC : Avant vous étiez à l’université pour plusieurs années, finissiez votre cursus et l’opportunité d’entrer en NBA se présentait ou non. Mais maintenant ce sont des gars qui viennent du monde entier. Certains dont on n’a jamais entendu parler, ou d’autres excellents au lycée qui ont filé à l’étranger avant de revenir pour la draft. Il y a tellement de manières d’arriver en NBA que la seule chose à faire est de se fixer un plan, s’y tenir et tout broyer sur son chemin.

Le Mans se déplace à Gravelines dimanche prochain. L’un rend visite à l’autre. À treize matchs de la fin de saison régulière, comment se sentent vos groupes respectifs ?

JJ : On a besoin de faire plus. Pour le moment on n’est pas en Playoffs donc il faut finir fort avec ces treize derniers matchs. Spécialement à la maison. Avec ma blessure, celles de Brandon (Brandon Taylor, ndlr) et Marcquise (Marcquise Reed, ndlr), beaucoup de pépins sont arrivés à notre équipe. On se sent plutôt bien en ce moment mais il reste du travail.

DC : Un match à la fois. Nous avons vraiment besoin de ça pour solidifier notre place dans le Top 4 et assurer l’avantage du terrain en Playoffs. Sur le plan perso, j’ai été amené ici pour apporter de l’expérience, de la perspicacité et de la sagesse aux jeunes. Construire un vrai truc avec. On a de jeunes talents encadrés par des vétérans référencés, je veux juste continuer l’échange de connaissances et expérimenter toutes les possibilités avec ces gars.

Rester en France l’année prochaine, c’est envisageable ? 

JJ : Tout est possible pour moi. J’aime beaucoup cet endroit, c’est génial et les gens sont professionnels, mais vous ne pouvez pas non plus miser là-dessus quand vous êtes un Américain à l’étranger. Donc tout est possible.

DC : Certainement. J’aimerais être avec ces gars et continuer à construire dans la bonne direction pour que nous puissions être une grande équipe dans les années à venir.

Choisissez chacun un joueur NBA et un joueur du championnat de France pour monter une équipe de 3v3.

JJ : *Rigole en imaginant probablement Ludovic Beyhurst envoyer Joel Embiid sur orbite* Je partirai avec Kevin Durant et Brandon Taylor, un gars de mon équipe.

DC : Je dirais Anthony Davis et… *long moment de réflexion* et Scott Bamforth, un gars de mon équipe aussi.

Très corporates les gars. Merci pour votre temps et bonne fin de saison.

La rencontre BCM Gravelines – Le Mans SB sera à suivre en direct sur beIN SPORTS, dimanche à 18h, dans le cadre de la 22ème journée de Betclic ELITE.