Le Jazz souffle sa 48ème bougie : c’est mignon ca, mais que souhaiter aux mormons avant les 50 piges ?

Le 07 mars 2022 à 17:45 par Arthur Baudin

Jazz
Source image : montage TrashTalk

C’est pas tous les jours qu’on fête l’anniversaire de l’une des franchises les plus emblématiques de NBA ! Une 48ème bougie de soufflée, et une armoire à trophées toujours pas dépoussiérée depuis. Si une voyante avait prévenu les fondateurs que 48 ans après la création du « New Orleans Jazz », il n’y aurait toujours pas de bague, peut-être auraient-ils investi ailleurs. Genre dans une entreprise locale, ou un truc utile, histoire de créer de l’emploi.

Ils sont tous là, assis autour d’une table ronde en bois. Pas besoin d’un long marbre format Macron – Poutine, les légendes du Jazz ne sont pas légion. Les assiettes cartonnées et les serviettes de couleur donnent le ton, un anniversaire va se fêter. Sur une banderole mal découpée – la faute aux inhabiles mains de Rudy Gobert – on peut lire « Utah Jazz – 48 ans. » Tout l’équipe actuelle est là. Ajout de dernière minute, Quin Snyder a trouvé bon d’inviter quelques icônes de la franchise, histoire de faire le bilan. Plus lucide que son coach, Mike Conley demande s’il n’est pas « un peu chiant de faire le bilan de 48 années sans titre. » Tout le monde hoche la tête, le meneur semble avoir parlé pour le groupe. C’est trop tard : Karl Malone, Pete Maravich, Adrian Dantley, Deron Williams et Andrei Kirilenko sont déjà là. Pour casser le malaise et par une rhétorique quasi politicienne, comme s’il devait convaincre son audience, Quin Snyder annonce que l’on « discutera plutôt du futur et non du passé ». Il répond aux froncements de sourcils des anciennes gloires par une malinerie : « Je vous ai fait venir pour apporter votre expérience. On cherche tous à savoir comment l’on pourrait s’améliorer afin de fêter l’anniversaire des 50 ans dignement. Plus dignement qu’aujourd’hui ». Le discours fait mouche. Après une minute de silence pour Mark Eaton – et une anecdote embarrassante de John Stockton sur la reconnaissance numérique – Quin Snyder porte un toast. La réunion peut commencer.

Le souhait réaliste

D’un ton conquérant, comme s’il s’apprêtait à prendre Winterfell, Karl Malone se lève : « À six reprises nous avons atteint les Finales de Conférence. Deux fois nous avons triomphé de cette étape. Mais jamais au grand jamais le Jazz n’est allé au bout ». Une chope à la main, le Mailman poursuit et clame son espoir pour la nouvelle génération, avant que Quin Snyder ne le coupe : « Les mecs, il est 16h et on délire déjà. Attention à ne pas nous voir trop beau. Il faut y aller step by step ». Un peu honteux, Karl Malone se rassoit et marmonne en silence, comme un gamin qui vient de se faire discréditer devant toute la classe. Ce que le coach mormon demande, c’est qu’ambition et humilité cohabitent au sein d’un même projet. Discret depuis son arrivée, Carlos Boozer lève timidement la main. « Moi j’me souviens, en 2007, on a atteint les Finales de Conférence avec les copains. Bon on s’est ensuite fait laver par les Spurs hein, mais tout le monde nous félicitait ! ». Mais oui, c’est bien ça. Le plan est parfait. La réussite n’est pas instantanée. Les fans ne seront pas contre une Finale de Conférence glissée entre ce jour et celui où les joueurs ramèneront Larry O’Brien dans le musée de la franchise. « Plutôt d’accord avec Boozy » approuve Jordan Clarkson. « On est 4èmes à l’Ouest, derrières les Suns, les Grizzlies et les Warriors. S’il faut taper deux de ces équipes pour arriver à notre fin, nous en sommes largement capables ». Sur les cinq dernières saisons, le Jazz a topé à trois reprises les demi-finales de conférence. Avec la série de dix victoires en douze rencontres, et grâce aux chouettes ajouts de banc – Danuel House Jr. et Nickeil Alexander-Walker, entre autres – cette campagne de Playoffs peut enfin être la bonne.

Le souhait utopique

« Une franchise n’est point fondée sur la vertu ; elle l’est sur l’ambition de chaque joueur, qui contient l’ambition des autres. Avoir peur des ambitions, c’est refuser la vie. Si l’on craint de gagner un titre, alors on ne le gagnera pas ». Tout le monde se tait. Karl Malone est debout, fier de sa tirade. Toujours vexé par le manque de considération porté à son projet de titre pour les jeunots, le Mailman a pensé qu’il serait plus écouté en prenant la voix d’un philosophe. Mais comme souvent, il en fait trop et ajoute une petite phrase de magnitude 9.8 : « Par ailleurs, je me propose pour remplacer Rudy Gobert, qui à notre époque, n’aurait même pas eu sa place en fond de banc ». Les bruits de couvert cessent, Quin Snyder avale sa salive, Donovan Mitchell rigole. La tension est palpable, le blasphème est total. Tous se regardent comme si un cinquième as venait d’être tiré au saloon. Excédé par le manque de respect, Rudy Gobert se lève et balaie la table d’anniversaire avec son bras. Un verre de Fanta vole jusqu’à trouver réception sur la chemise de Kirilenko. Le quarantenaire pète un câble et se met à démarrer tout ce qui bouge. « Ah bah si t’avais mis ton masque, ça ne serait pas arrivé » ironise John Stockton, un brin lourdaud. Les assiettes volent, au rythme des noms d’oiseaux, et plus personne n’écoute Karl Malone. Accroupi, Mike Conley file voir Quin Snyder : « En même temps coach, un Russe et un antivax, on dirait le sommaire du 20h ». Ce rassemblement est un échec. Comme un symbole, voilà ce qui arrive dès qu’on parle de remporter un titre dans l’Utah. Les nerfs se tendent jusqu’à la rupture. Il suffit d’une phrase, et tout déraille.

Le souhait patriotique

Tel un pinçon dans les ténèbres, comme une remarque cohérente chez Cyril Hanouna, un chant vient briser le flot d’injures : « Entendez-vouuuuus dans vos campaaagnes, muuuuuu-gir ces fé-roces soldaaaats… ». C’est Rudy Gobert, droit comme un piquet, qui a décidé d’entamer l’hymne national pour appeler au calme. C’est mélodieux. La tonalité est plutôt bonne. Le désordre est rompu. Une dernière note, puis l’intérieur s’adresse à ses collègues : « J’annonce officiellement ma candidature pour un quatrième mandat de DPOY ». On entend seulement deux ou trois applaudissements, le Français n’est pas super populaire. Qu’importe, ce ne sont ni Donovan Mitchell, ni les boomers qui votent. Mais le malaise gonfle quand Rudy ne trouve pas le bon moment pour s’arrêter : « Not four, not five, not six… ». Ni une, Quin Snyder le coupe et lui adresse ses vœux de bonne chance dans cette course qui oppose le natif de Saint-Quentin à Draymond Green, Giannis Antetokounmpo, Jaren Jackson Jr. et Mikal Bridges. Il ajoute : « Ce que Rudy peut réaliser, aucun de nous ne l’a réalisé. S’il venait à remporter ce titre de Defensive Player of the Year, alors il égalerait Ben Wallace et Dikembe Mutombo. Chapeau l’artiste ». Tout le monde se lève et ovationne le géant français. Même Andrei Kirilenko, à la chemise devenue presque transparente, clappe des mains. À “seulement” 29 ans, Rudy Gobert peut certes envisager un quatrième trophée de DPOY, mais aussi un cinquième. Il serait alors tout seul, tout en haut.