Kyrie Irving – “Conflit sous-acromial” : l’analyse du Docteur Q

Le 23 févr. 2020 à 08:11 par Quentin Quairière

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Source image : NBA League Pass

Stars, highlights et stats nous font rêver au quotidien en NBA. Mais si tous ces athlètes performent chaque soir sur les parquets, c’est aussi parce que leurs corps si exceptionnels sont surveillés, massés et examinés en permanence. Ainsi, le Dr. Q, étudiant en médecine le jour et supporter NBA la nuit, a installé son cabinet chez TrashTalk pour décrypter et analyser tous les bobos de nos stars de la balle orange. Entorse, déchirure, fracture, luxation… la visite médicale nous permettra de comprendre toutes les blessures de la Grande Ligue. Aujourd’hui, c’est Kyrie Irving qui passe sur la table du doc, pour un conflit sous-acromial de l’épaule droite.

  • Professeur-étudiant en deuxième année de médecine, le Dr. Q est un grand passionné du corps humain, qui a lui-même pu tester de nombreuses blessures en étant victime de ce qu’on appelle la malchance sportive. Fasciné par l’anatomie et déterminé à exceller en tant que futur médecin du sport, il a déjà participé à des démonstrations en milieu hospitalier à l’âge de 10 ans et a observé en bloc opératoire à partir de ses 13 ans. Le Dr. Q partagera ainsi son savoir et ses recherches sur TrashTalk, pour en connaître toujours plus sur les blessures du monde du basket.

Le premier doute sur la santé de Kyrie alerte les fans de Brooklyn en début de saison alors qu’il rejoint l’infirmerie, laissant l’équipe sur sept défaites pour quatre petites victoires. Il manque ensuite 26 matches, au cours desquels toutes les théories de fausse blessure pour attendre Durant fleurissent, avant de revenir sur les parquets mi-janvier. Blessure assez floue pour le meneur : on sait que l’épaule est touchée mais le problème est complexe et la communication pas très bonne. Après son retour on se dit que c’est simplement le passage annuel à l’infirmerie pour Irving, qui a déjà raté 200 matches en à peine neuf saisons. Malheureusement nouvelle alerte début février avec une confirmation cette semaine : Kyrie devra passer sur le billard, pour s’occuper de ce que l’on appelle un “conflit sous-acromial”.

Pour mieux comprendre tout ça, petit rappel sur l’anatomie de l’épaule. L’épaule peut être résumée à trois os : la clavicule (qui ne nous intéressera pas aujourd’hui), l’humérus (l’os du bras) et la scapula (ou omoplate). L’humérus s’articule avec l’omoplate tandis que la clavicule s’articule avec une partie de l’omoplate en forme de bec : l’acromion. Ainsi, entre l’humérus et l’acromion, on trouve un des muscles de la coiffe des rotateurs et une bourse de protection.

En quoi consiste le “conflit sous-acromial” ? Le problème est que cet espace « sous acromial » est très petit et la moindre réduction causera des soucis. Ainsi, l’acromion va frotter/pincer et léser la bourse et/ou le tendon du muscle à chaque fois que le bras sera levé, dans un angle assez important (exactement comme à chaque fois qu’on tire au basket). Cela va créer une inflammation au niveau des tissus mous : bursite (inflammation de la bourse) et/ou tendinite. On rentre alors dans un cercle vicieux car dès qu’il y aura une inflammation ça va gonfler et donc diminuer encore l’espace sous-acromial déjà restreint, aggravant encore le problème. L’inflammation peut aussi générer du tissu cicatriciel qui posera le même souci.

Comment se déclenche ce processus de lésion et d’inflammation ? Pour faire simple, deux raisons principales : soit une malformation de l’acromion qui peut être trop long ou trop crochu, soit une fragilité qui fait que la répétition des mouvements de tir ou de lancer entraîne ce syndrome. En effet, Outre-Atlantique, on appelle cela “la maladie du lanceur”, en référence aux lanceurs de baseball principalement touchés par ce problème. Quand on shoote, quand on monte au panier, on a tendance à lever haut le bras, ce qui va naturellement réduire l’espace et provoquer le frottement pour les personnes souffrant de cette pathologie. On comprend donc bien pourquoi les basketteurs comme les lanceurs sont susceptibles de développer ce syndrome.

Quel traitement à venir pour Kyrie ? Comme souvent dans le sport on a deux possibilités : faire un bisou magique pour vite revenir sur le terrain (traitement conservateur à base de repos, de physiothérapie et d’anti-inflammatoires, y compris en infiltration) ou alors on appelle Valérie Damidot pour une semaine pour tout changer et on passe sur le billard. C’est ce qui attend Irving : le but étant d’agrandir l’espace sous-acromial, le chirurgien va venir limer l’acromion, tout en nettoyant l’articulation (retirer le tissu trop abîmé, les calcifications etc.).

Parmi les joueurs actuels en NBA ayant souffert de cette pathologie, deux situations un peu différentes. Tyler Johnson s’est fait opérer lors de sa deuxième saison au Heat. Il souffrait d’un conflit sous-acromial depuis le lycée, ce qui a provoqué une déchirure d’un tendon de la coiffe des rotateurs. Il est bien revenu de cette blessure et n’a plus vraiment été embêté à ce niveau. Plus récemment, on trouve Jabari Parker : gêné au niveau de son épaule fin décembre il a subi une infiltration et a raté la quasi totalité du mois de janvier. De retour pour un match seulement sous ses nouvelles couleurs, il est trop tôt pour juger de l’état de son épaule.

Quelles suites pour le meneur des Nets ? Sa saison est terminée, c’est officiel. L’opération devrait avoir lieu très prochainement et il faut compter quatre à six mois de rééducation avant la reprise complète des activités sportives. Logiquement, il ne devrait pas y avoir de conséquence à long terme pour Kyrie : la seule chose qui peut inquiéter un peu c’est l’état de la bourse et du tendon. En effet il arrive parfois que la bourse soit trop abîmée et qu’il soit obligatoire de l’enlever (ce qui serait évidemment problématique pour un sportif de haut niveau). Sa rééducation sera segmentée : deux semaines d’immobilisation assez légère, vie normale au bout de trois à cinq semaines et activités sportives dès quatre mois.

Il faudra donc patienter un peu pour revoir le Mozart du handle sur les parquets : Team USA cet été pour les JO dans le meilleur des cas (peu probable tout de même, le timing risque d’être court), camp d’entraînement à coup sûr. Le problème de l’épaule devrait donc enfin être réglé pour Kyrie, fin des soucis pour régner sur NY avec son nouveau compagnon au numéro 35 dès l’année prochaine ? On verra, car on connaît le phénomène, il a le corps fragile et qui sait combien de temps passera avant qu’il ne se casse encore quelque chose …