La loyauté en NBA, une notion à prendre avec des pincettes : DeMar DeRozan peut le confirmer

Le 21 juil. 2018 à 12:19 par Nicolas Meichel

DeMar DeRozan raptors
Source image : Twitter

Le mercredi 18 juillet, on a eu droit à un nouveau séisme en NBA, avec le transfert impliquant DeMar DeRozan et Kawhi Leonard. Si on s’attendait à un départ du joueur des Spurs, on ne pensait pas que l’arrière des Raptors allait faire les frais du conflit entre Leonard et San Antonio. Ce trade a donc surpris un peu tout le monde, mais il a surtout remis sur la table le concept de loyauté en NBA. 

La loyauté, qu’est-ce que c’est ? On pourrait définir cette notion de la manière suivante. La loyauté, c’est rester fidèle à quelque chose, être dévoué à une cause ou une personne. En NBA, le concept de loyauté est souvent mis en avant quand un joueur change de franchise ou décide de rester au sein de cette dernière. On peut par exemple parler de Kevin Durant, Russell Westbrook et Oklahoma City. Quand KD a décidé de sortir de sa zone de confort afin de rejoindre Golden State le 4 juillet 2016, il s’est fait incendier et a immédiatement gagné le surnom de “snake”, animal qui symbolise la trahison. Le fait de signer dans une équipe aussi forte que les Warriors après avoir perdu contre eux en Playoffs a eu du mal à passer dans l’univers de la ligue. Un mois plus tard, son ancien coéquipier Russell Westbrook a prolongé son contrat avec le Thunder et tout le monde a souligné son attachement pour OKC, où il est devenu l’un des meilleurs joueurs de la ligue. Le contraste était saisissant. Mais la loyauté, ça fonctionne aussi dans l’autre sens, de la franchise envers l’individu. Et ça, on a tendance à l’oublier. Mercredi, quand Toronto a décidé d’envoyer DeMar DeRozan à San Antonio pour récupérer un mec qui a de grandes chances de bouger en 2019, on a bien vu à quel point la NBA peut être un monde cruel et sans scrupule. Ce n’est pas nouveau, mais ce transfert a fait office de piqûre de rappel.

DeRozan et Toronto, c’était une belle histoire. Sélectionné par les Dinos en neuvième position de la Draft 2009, DeMar a passé neuf saisons au Canada. Progressivement, il est devenu le symbole de la franchise, le symbole du basket canadien, le symbole de “We The North”. On parle quand même d’un joueur qui a participé à quatre All-Star Games (2014, 2016, 2017, 2018) et qui a été nommé deux fois dans une équipe All-NBA à la fin de la saison (2017, 2018). On parle aussi d’un joueur qui a sorti cinq campagnes consécutives à plus de 20 points de moyenne, dont une pointe à 27,3 en 2016-2017. Enfin, il ne faut pas oublier qu’il détient de nombreux records de franchise. Matchs disputés, minutes jouées, points marqués au total, points marqués dans un match…la liste est longue. Pour certains, il est carrément le meilleur basketteur de l’histoire des Raptors. On ne va pas être aussi définitif, car il y a quand même des gars comme Vince Carter et Chris Bosh qui sont passés avant lui et qui étaient plutôt pas mal en tant que basketteur. Par contre, il fait clairement partie du Hall of Fame local. Avec l’aide de ses coéquipiers, il a permis à Toronto d’accéder au niveau supérieur. Ces trois dernières années, les Dinos ont remporté plus de 50 matchs en saison régulière, avec notamment une saison record à 59 victoires. Ce n’était jamais arrivé auparavant. En 2016, les Raptors ont atteint les Finales de Conférence face aux Cavaliers. Idem, ce n’était jamais arrivé. Et c’est sans parler de ses oeuvres dans la communauté ou sa free agency 2016, durant laquelle DeRozan n’a pris aucun autre meeting quand il était disponible, car il était déterminé à faire confiance à sa franchise de toujours. Tout ça, ça a été balayé d’un revers de la manche. L’accumulation des défaites contre LeBron James en Playoffs, une fin de saison quasiment sur le banc et un contrat assez lourd ont probablement poussé Masai Ujiri dans cette décision, mais ça reste très brutal.

Forcément, il y a eu de nombreuses réactions suite à ce tremblement de terre, notamment sur Twitter. Beaucoup de joueurs ont montré leur solidarité envers DeMar, mais aussi leur dépit par rapport au traitement réservé au nouveau membre des Spurs. Par exemple, Isaiah Thomas s’est exprimé sur le manque de loyauté de la franchise canadienne, en faisant le lien avec son expérience personnelle. Pour rappel, il y a un an, IT a été transféré à la surprise générale des Celtics aux Cavaliers, dans le cadre du trade qui a fait venir Kyrie Irving à Boston. Thomas restait sur une saison de MVP et était le chouchou des fans de Beantown. Mais le manager général Danny Ainge a décidé de l’envoyer au goulag à Cleveland alors qu’il était blessé à la hanche. De plus, il sortait d’un drame familial avec le décès de sa sœur juste avant les Playoffs 2017. Isaiah sait donc de quoi il parle. Du point de vue des joueurs, ces réactions sont évidemment compréhensibles, surtout qu’il y a souvent deux poids et deux mesures quand on parle de loyauté. Lorsqu’un franchise player profite de son statut d’agent libre pour faire ses valises et partir, il peut s’en prendre plein la gueule. Pareil quand il demande un trade. Par contre, quand une équipe décide de transférer un basketteur emblématique, il y a beaucoup moins de critiques. Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, la fidélité est à mettre de côté. Mais alors, pourquoi cette différence de traitement ? Tentative d’explication. Le départ d’une star lors de la free agency laisse un vide énorme à la franchise et aux fans, tandis qu’un échange apporte toujours une contrepartie. De plus, si on se met dans la peau d’un supporter, on voit ce qu’il y a de mieux pour son équipe et on ne se met pas forcément à l’échelle individuel. Un transfert voulu par la franchise est ainsi toujours plus acceptable qu’un joueur qui souhaite partir pour son bien-être et son développement personnel.

La réalité, c’est que la NBA reste en grande partie et avant tout un business. C’est un peu cliché de dire ça, on entend cette phrase tout le temps, mais c’est comme ça. Pour ne pas souffrir ? Oubliez les promesses, les sentiments, cette notion de loyauté. Aujourd’hui, la plupart des joueurs cherchent la meilleure situation possible, que ce soit sur le plan sportif, économique ou familial. On en voit encore qui peuvent entretenir un respect mutuel entre joueur et franchise, mais l’attachement à une équipe est moins marqué qu’auparavant. Des superstars comme LeBron James et Kevin Durant ont pris leur destin en main et ont fait ce qui semblait le mieux pour eux. Ce qui était leur droit. En quittant Cleveland pour Miami en 2010, le King a donné le ton et a influencé d’autres joueurs par la suite. On ne dit pas que c’est une bonne ou une mauvaise chose, c’est juste la vérité du moment et il faut l’accepter. Pour les franchises, c’est pareil. Les dirigeants gèrent leur équipe en fonction de nombreux paramètres (sportifs, économiques…) et prennent les décisions qu’ils estiment adaptées à leur situation. La loyauté est quelque chose de rare dans la NBA actuelle, il faut s’en rendre compte une bonne fois pour toutes. Des mecs comme Dirk Nowitzki, Damian Lillard et Russell Westbrook, qui valorisent le fait de jouer pour une seule et même organisation, représentent des exceptions aujourd’hui, et non la norme. DeMar DeRozan faisait d’ailleurs partie de cette catégorie-là, lui qui était très attaché à Toronto. C’est surtout pour ça que ce transfert avec Kawhi Leonard fait tellement grincer les dents chez les joueurs.

En tant que fan, on aime les belles histoires, on aime quand un joueur et une franchise restent liés jusqu’au bout. DeMar DeRozan et Toronto symbolisaient ce type de relation, jusqu’à ce transfert qui prouve encore une fois que la loyauté est une notion difficile à jauger en NBA. C’est peut-être triste, injuste, voire cruel parfois, mais c’est la réalité. Une que le néo-Spur doit désormais digérer.


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