Basket aux Jeux Olympiques – Rome 1960 : Jerry West, Oscar Robertson, Jerry Lucas, l’autre “Dream Team”
Le 21 mars 2024 à 09:45 par Alexandre Taupin
Aux yeux des fans de basket du monde entier, le surnom de Dream Team reste fondamentalement et inévitablement rattaché à l’équipe américaine victorieuse des Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone. Avant Michael Jordan et compagnie, une autre équipe composée de monstres sacrés de la balle orange avait pourtant marqué les esprits au cours d’un tournoi olympique. Retour sur la balade romaine de Team USA en 1960.
Les années passent mais les exploits, eux, demeurent éternels. Les ères changent, les noms des stars également et il est souvent facile de mettre au placard les anciens, ceux qui n’avaient pas les réseaux sociaux ou les moyens de communication modernes pour relayer leurs exploits. On revient donc à l’époque de la télé en noir et blanc pour mettre quelques lauriers sur les têtes des légendes d’autrefois.
De qui parle-t-on exactement ? Team USA 1960. Depuis l’intégration du basket en discipline olympique en 1936, l’équipe américaine n’a cessé de montrer sa supériorité sur le monde. 4 tournois, 4 médailles d’or, aucune défaite concédée. L’Oncle Sam est invincible et personne ne lui arrive à la cheville. L’URSS s’y est bien essayé mais Bill Russell et ses partenaires ont fait régner leur loi en 1956 avec une victoire qui ne laissait aucun doute quant à l’écart qui sépare le drapeau étoilé de la concurrence.
Pour ces Jeux Olympiques 1960 organisés à Rome, la mission est donc claire pour Team USA : écraser encore la concurrence et en particulier l’URSS, le principal rival pour la médaille d’or et surtout l’ennemi personnel sur fond de guerre froide.
Pour décider du groupe qui ira défendre l’honneur américain dans la ville éternelle, le comité de sélection veut la crème de la crème. Néanmoins, on est en 1960 et les joueurs de NBA ne peuvent donc pas participer à la compétition. Les Jeux Olympiques sont encore limités aux amateurs et ce sont les joueurs universitaires (ou issus de championnats amateurs) qui ont la lourde tâche de représenter leur pays. Pour décider qui rejoint le groupe, aucune invitation envoyée dans un paquet de chocapic mais des sélections très relevées. 96 joueurs répartis en 8 équipes se font face dans un mini tournoi. Dans son autobiographie The Big O : My Life, My Times, My Game, Oscar Robertson raconte comment l’équipe a été montée.
“Ils [les membres du comité de sélection, ndlr] invitaient des joueurs qu’ils répartissaient dans les équipes. Les équipes jouaient chaque soir pendant 5 jours de suite. Les joueurs du 5 de départ de l’équipe qui remportait le tournoi étaient intégrés au groupe de Team USA. Le reste était choisi parmi les joueurs des autres équipes. Je faisais partie d’une équipe avec Jerry West, Terry Dischinger, Adrian Smith, et Walt Bellamy était le cinquième.”
On a vu pire comme composition d’équipe. Pete Newell, sélectionneur de Team USA pour les JO, doit alors choisir les sept autres membres du groupe mais il n’est pas seul décisionnaire. Le comité de sélection souhaite intégrer plusieurs joueurs venant de l’AAU, une entité qui a alors un gros poids dans les décisions autour de Team USA. Douze joueurs sont finalement choisis et personne ne se doute alors que quatre d’entre eux deviendront des légendes de NBA. Jerry West et Oscar Robertson se partagent le capitanat, Walt Bellamy et Jerry Lucas les accompagnent pour former un Big 4 monstrueux sur le papier.
À eux quatre, ils cumulent 37 sélections au All-Star Game et quasiment 87 000 points inscrits en NBA (86 896 pour être exact). D’autres éléments ayant fait une bonne carrière par la suite sont aussi de l’aventure comme Terry Dischinger mais aussi l’intérieur Bob Boozer. Si le comité a eu du flair sur ces noms, ce n’est pas le cas pour tous. Burdie Haldorson, Allen Kelley ou encore Lester Lane n’ont pas marqué les esprits par la suite. Dommage quand on sait que d’autres Hall of Famers attendaient tranquillement un coup de fil. En effet, Lenny Wilkens et surtout John “Hondo” Havlicek n’ont pas passé le cut ! On est donc passé à un rien de voir pas moins de six futurs Hall of Famers en puissance jouer les Jeux Olympiques au sein de la même équipe. On aurait même pu en avoir sept si Wilt Chamberlain avait fini son cursus à la fac (Wilt avait perdu son statut d’amateur en 1958 en rejoignant les Harlem Globetrotters puis avait rejoint la NBA en 1959). Tant de talents réunis, on préfère ne pas imaginer les dégâts que cela aurait pu causer.
Jerry Lucas playing for Team USA during the 1960 Olympics in Rome…I think you also have Jerry West on the far left, Bob Boozer in the center and the Big O hiding in the background on the right pic.twitter.com/V9kXBvFHE2
— Retro Awesomeville (@retro_70s) March 9, 2021
On a parlé du groupe, maintenant place aux choses sérieuses avec le tournoi en lui-même. Les Jeux Olympiques de 1960 avaient une formule particulière car il n’y avait aucun match à élimination directe. Pas de quart, pas de demi ni même de finale à disputer. Tout se déroulait avec des phases de groupe. Les équipes disputaient trois matchs dans un premier groupe. S’ils finissaient aux deux premières places, ils allaient dans un second groupe. Puis les quatre meilleurs bilans du second tour (deux par groupe) se retrouvaient dans une ultime poule avec deux matchs à jouer (ils n’affrontaient pas de nouveau l’équipe qu’ils avaient croisé au second tour mais le résultat était conservé) pour décider du classement des médailles.
Le premier tour de Team USA ? Une promenade de santé. L’hôte italien est balayé chez lui, le Japon et la Hongrie servent tout juste de sparring partners. Au second tour, rebelote. La Yougoslavie est humiliée, tout comme l’Uruguay, mais tout le monde attend surtout l’opposition avec l’URSS pour le troisième match. Si les Soviets tiennent bon en première mi-temps, le retour des vestiaires de Team USA fait valdinguer la défense russe. Un 28-4 plus tard, le match est plié.
Avec une victoire d’avance sur l’URSS au moment d’attaquer la dernière phase de poule (le résultat direct du second tour étant conservé comme expliqué plus haut), Team USA n’avait plus qu’à corriger l’Italie et le Brésil pour s’adjuger l’or. Les Italiens, bien que plus inspirés offensivement, ne font pas beaucoup mieux que lors de leur première opposition. Le Brésil ne fit même pas transpirer l’ogre américain. Hop, une breloque de plus au tour du cou pour l’Oncle Sam.
Résultats complets de Team USA aux Jeux Olympiques 1960
- Team USA – Italie : 88-54
- Team USA – Japon : 125 – 66
- Team USA – Hongrie : 107 – 63
- Team USA – Yougoslavie : 104 – 42
- Team USA – Uruguay : 108 – 50
- Team USA – URSS : 81 – 57
- Team USA – Italie : 112 – 81
- Team USA – Brésil : 90 – 63
La victoire est une démonstration de force. 42 points d’écart en moyenne sur le tournoi, des adversaires limités à moins de 60 points en moyenne, sans oublier évidemment l’invincibilité conservée.
Cette équipe de 1960 a plusieurs fois reçu le surnom de première Dream Team mais peut-elle vraiment être comparée à celle de 1992 ? Les stats et la domination font dire que oui mais on parle de deux mondes totalement différents et des statuts également qui n’ont rien à voir. Comme le dira plus tard Jerry West, il s’agissait alors d’une bande de gamins à qui on versait un dollar par jour durant le tournoi pour venir défendre l’honneur de la nation. Bien loin des All-Stars et superstars qui ne pouvaient pas faire une apparition à Barcelone sans créer un embouteillage.
On parle néanmoins d’un véritable rouleau compresseur et peut-être de la meilleure équipe d’amateurs jamais assemblée par Team USA. Selon Oscar Robertson, seule l’équipe de 1984 (Michael Jordan, Patrick Ewing, Chris Mullin) aurait pu challenger ce statut. Ultime preuve de sa légende, l’équipe de Team USA de 1960 a été intégrée au Basketball Hall of Fame à titre collectif en 2010. La preuve que même des gamins peuvent marquer à jamais l’histoire de leur sport.
Le basketball au Jeux Olympiques de Rome en 1960 – en bref
– Du 26 août au 10 septembre 1960
– Palazzetto dello Sport et PalaLottomatica à Rome
– 16 équipes
– Podium
- Or – États-Unis
- Argent – URSS
- Bronze – Brésil
Source texte : The Big O : My Life, My Times, My Game / Maxi Basket / FIBA / ESPN