Detroit : du désespoir à la plus belle des victoires, Pistons vs Lions

Le 28 janv. 2024 à 14:05 par Nicolas Meichel

Source image : Montage YouTube

Lanterne rouge de NBA cette saison et perdant… 28 matchs consécutifs entre fin octobre et fin décembre, les Pistons connaissent la pire campagne de leur histoire. Mais pendant ce temps-là, les Detroit Lions – franchise NFL locale – ont confirmé leur renouveau, eux qui vont tenter de se qualifier pour le fameux Super Bowl ce dimanche. Bienvenue à Motown, la ville où les fans de sport sont au bord de la bipolarité.

Seulement 800 mètres séparent la Little Caesars Arena (salle des Pistons) de Ford Field (stade de football américain où évoluent les Lions) dans le centre-ville de Detroit. 800 mètres que l’on peut parcourir en dix bonnes minutes à pied en traversant Woodward Avenue puis en poursuivant sur East Montcalm Street. Autant dire que c’est la porte à côté. Mais en réalité, c’est un véritable univers qui sépare les deux enceintes sportives.

Le désespoir face au renouveau.

La honte face à la fierté.

Les pires cauchemars face aux rêves les plus fous.

Les larmes de tristesse face aux larmes de joie.

Rarement deux équipes sportives d’une même ville ont pu procurer en même temps des émotions tellement opposées à leurs fans.

Cette saison, les Detroit Pistons sont la risée de la NBA, avec le pire bilan de la Ligue et surtout la pire série de défaites all-time au cours d’une seule et même campagne NBA (28). Des résultats tellement catastrophiques que le public de la Little Caesars Arena a scandé des “Vendez l’équipe ! Vendez l’équipe !” lors d’une défaite face au Utah Jazz fin décembre, la 25e de suite.

Pistons fans chanting "SELL THE TEAM" 💀 pic.twitter.com/ELjW4hLt1j

— NBA Memes (@NBAMemes) December 22, 2023

Pendant ce temps-là ? Les Detroit Lions réalisent leur meilleure saison depuis trois décennies.

La franchise NFL de Motown a terminé avec un bilan de 12 victoires – 5 défaites en saison régulière, pour ensuite se qualifier en finale de conférence grâce à deux succès en Playoffs dans un Ford Field en fusion.

Un parcours magistral pour une franchise très longtemps moribonde, qui a récemment fait le ménage en changeant à la fois de propriétaire, de manager général et de coach.

You can not top this atmosphere at Ford Field pic.twitter.com/k8s9f5bGmG

— Brett Boerman (@brettboerman) January 21, 2024

Le contraste est total.

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[NDLR. : le personnage qui va suivre est purement fictif, mais son histoire s’inspire de faits réels.]

Stanley Marshall, 32 ans, habite dans un petit appartement non loin de Downtown Detroit. Depuis l’adolescence, il est un fan hardcore des Pistons et des Lions. Il possédait des posters de Ben Wallace et Calvin Johnson (receveur star des Lions) dans sa chambre, et avait comme rituel d’écouter du Eminem ou du J.Dilla avant d’aller regarder ses équipes favorites.

Né en 1991, année d’extinction des Pistons version Bad Boys mais surtout année du dernière succès des Lions en Playoffs NFL (avant celles de 2024), Stanley était en quelque sorte destiné à devenir fan de ces deux équipes.

Il était surtout destiné à vivre entre le désespoir et l’ivresse de la victoire.

Durant les années 2000, Marshall a connu les grandes heures des Detroit Pistons, qui ont joué six finales de conférence consécutives, deux Finales NBA, avec ce fameux titre remporté en 2004 contre les Lakers de Shaquille O’Neal et Kobe Bryant. Il était au Palace d’Auburn Hills avec son papa lors du Game 5 de la série, archi dominé par Chauncey Billups, Rip Hamilton, Ben Wallace et le reste de la bande. “Le plus grand souvenir” de sa vie de fan.

2004 Detroit Pistons 🏆 pic.twitter.com/49WSqaYM1m

— ThrowbackHoops (@ThrowbackHoops) June 4, 2021

Au cours de la même décennie, Stanley a également vu ses Lions enchaîner… dix saisons négatives pour zéro qualification en Playoffs. Ces derniers ont même marqué l’histoire de la NFL en devenant en 2008 la première équipe all-time à finir une saison avec 0 victoire en 16 matchs. “Le pire souvenir” de sa vie de fan.

La preuve qu’à Detroit, même quand ça gagne, la défaite n’est jamais très loin.

(2008) Nine years ago today, the Detroit Lions lost in Week 17 to the Packers and became the first NFL team to ever go 0-16. pic.twitter.com/zySG3kcZZD

— Timeless Sports (@timelesssports_) December 28, 2017

Stanley Marshall a ensuite traversé les années 2010 tel un zombie. Il n’a pas eu l’occasion de beaucoup vibrer, ses équipes favorites étant abonnées au ventre mou pendant une bonne partie de la décennie. Seulement deux qualifications en Playoffs pour les Pistons, trois pour les Lions, mais surtout zéro victoire au final. Tristesse.

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Ancienne capitale mondiale de l’automobile, la ville de Detroit est symbolisée par trois choses : son Renaissance Center, complexe réunissant pas moins de sept gratte-ciel appartenant à l’entreprise General Motors. Son héritage musical, à travers notamment le célèbre label Motown qui a lancé des légendes comme Michael Jackson et Marvin Gaye. Et puis bien sûr ses équipes sportives, dont les Pistons et les Lions.

Si le sport prend une place tellement importante dans une ville, que ce soit à Detroit ou ailleurs, c’est souvent parce qu’il représente une extension de cette dernière. Dans les années 1980 avec les Bad Boys ou dans les années 2000 avec l’ère “Goin’ to Work”, les Pistons pratiquaient un basket défensif et rugueux (voire carrément dangereux dans le cas des Bad Boys) qui collait bien avec la culture ouvrière de la ville, avec la population “cols bleus” de Detroit.

Le sport peut aussi être source de fierté, source d’espoir, et une échappatoire quand le quotidien se montre difficile. C’est ce que représentait le légendaire running back Barry Sanders durant les années 1990, lui qui a illuminé les fans des Lions grâce à ses incroyables qualités de vitesse et d’agilité.

Aujourd’hui, les Detroit Lions sont un peu tout ça à la fois.

It’s a beautiful site #spiritofdetroit pic.twitter.com/pRhcJJpJbE

— _A_ (@Swiftieboy33) January 16, 2024

Au cours des quinze dernières années, en compagnie des Pistons, les Lions ont longtemps été le symbole d’un Detroit en totale perdition, qui a fait faillite en 2013 après la terrible crise financière de 2008 et des décennies de déclin. Mais ces dernières saisons, contrairement aux Pistons, la franchise NFL a su se reconstruire de façon efficace pendant que Motor City renaissait de ses cendres. Le centre-ville est redevenu dynamique en même temps que les Lions commençaient à rugir sur les terrains.

C’est pourquoi une qualification pour le Super Bowl ce dimanche représenterait bien plus qu’un exploit sportif. Si les terribles Pistons restent source de misère, les Lions ont l’occasion de symboliser de la plus belle des manières la renaissance de Detroit.

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20 ans pile-poil après le titre des Pistons, Stanley Marshall rêve de vivre la même chose avec les Lions.

Bien sûr, beaucoup de choses ont changé entre-temps : Stan est passé de l’ado boutonneux au père de famille hyper fier. Il s’est trouvé un bon job chez Stellantis, usine d’assemblage de Jeep au pays de l’automobile, après avoir eu quelques difficultés à trouver sa voie. Mais une chose est toujours restée : sa passion pour ses équipes favorites, malgré tous les hauts et les bas qu’il a pu vivre en tant que supporter des Pistons et des Lions.

Alors ce dimanche 28 janvier 2024, Marshall sait déjà ce qu’il va faire.

En début d’après-midi, Stanley ira à la Little Caesars Arena – où il est abonné à l’année – pour voir le match entre les Pistons et le Oklahoma City Thunder, qui a été avancé à 14h par la NBA pour éviter tout conflit de calendrier avec le match des Lions le soir. “Adam Silver a pensé à moi !” ironise Marshall.

Ensuite, une fois rentré chez lui vers 17h, Stan laissera son maillot de Cade Cunningham pour enfiler celui du quarterback de Detroit Jared Goff. Il mettra les bières au frais, la pizza au four, avant de se poser devant la télé. Dans une heure et demie, le match 49ers – Lions commencera à l’autre bout du pays, du côté de San Francisco, avec en jeu une place pour le Super Bowl.

“Ce serait incroyable de voir les Lions se qualifier pour le Super Bowl. J’ai vu les Pistons perdre 28 matchs de suite cette saison. J’ai vu les Lions perdre 16 matchs sur 16 en 2008. J’ai vu mes deux franchises de cœur gagner exactement zéro match de Playoffs pendant 15 ans. Vous n’avez pas idée de ce qu’une victoire représenterait pour moi ce soir.”

Passé par toutes les émotions ces derniers mois, Stanley Marshall sait qu’il connaîtra peut-être l’une de ses plus belles victoires ce dimanche… ou l’une de ses plus grosses déceptions.

Telle est la vie d’un fan de Detroit.

Lions fan bingo is INCREDIBLE 😂

(🎥: kellyaburke/tt) pic.twitter.com/CVQS0gh0MB

— DraftKings (@DraftKings) January 23, 2024


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