La Dream Team 1992 – 30 ans après : les Américains auraient pu perdre, on vous explique comment
Le 23 août 2022 à 16:21 par Arthur Baudin
C’était il y a trente ans. Déjà. Trente ans que les États-Unis obtenaient l’autorisation d’envoyer des joueurs NBA participer aux Jeux olympiques. Trente ans que, de ce fait, la « Dream Team » était créé. Trente ans qu’une simple équipe de basketball prenait une dimension jusqu’alors jamais vue. Records, légendes, influence… cet été TrashTalk a décidé de revenir avec vous sur toutes les histoires qui ont fait de cet effectif l’un des plus mythiques de l’histoire du sport. Sortez vos Hoverboard, montez dans la Delorean et lancez Johnny B. Goode sur l’autoradio car il est temps de revenir en 360 degrés sur ce qu’il s’est passé il y a… 360 mois. Dixième épisode ? Un peu de fantaisie, et beaucoup d’histoire.
« L’union, même de la médiocrité, fait la force ». Par ces mots, le père anonyme de l’une des citations les plus reprises – puisqu’inspirante – introduit la réflexion de ce papier : et si les États-Unis n’avaient pas remporté le tournoi de basket des Jeux olympiques de 92 ? Tous les meilleurs Amerloques de l’époque, Michael Jordan, Magic Johnson, Larry Bird, Karl Malone, John Stockton, Charles Barkley, Patrick Ewing, Scottie Pippen, Chris Mullin, Clyde Drexler, David Robinson et Christian Laettner, réunis dans une même quête de médaille d’or, quatre ans après le bronze des jeunes universitaires aux Jeux olympiques de Séoul, remportés par l’URSS d’Arvydas Sabonis. À chaque fois qu’est contée l’histoire de la Dream Team 92, la force collective de cette équipe prime sur tous les autres paramètres qui auraient permis ce succès. À la lecture de cette phrase, certains s’étonnent peut-être même de l’existence de ces « autres paramètres ». Il est toujours délicat d’attirer le regard ailleurs que sur un groupe de légende qui – sur l’ensemble de la compétition – a tenu un écart moyen de 43,8 points contre ses adversaires. Mais l’union triomphe seule, ou aidée de la désunion. On aurait pu gratter 1000 mots sur un scénario imaginaire dans lequel un Portoricain claque 57 points en quart de finale, escalade Pat Ewing et sort une Dream Team que l’on n’aurait finalement jamais connu sous ce qualificatif. On a préféré laisser le burlesque de côté, pour tenter de tisser un lien entre le factuel et ce qu’il a empêché.
La carte ci-dessous est celle de la Yougoslavie en 89. Certains visages vous sont probablement familiers : Toni Kukoc, Vlade Divac, Dino Radja, Predrag Danilovic, Drazen Petrovic, Zarko Paspalj ou encore le légendaire entraîneur Dusan Ivkovic. Tous sont Yougoslaves, issus de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, et ne peuvent donc jouer/coacher que pour la sélection nationale yougoslave. Jusque-là, rien de bien compliqué. Mais en 91, la Croatie et la Slovénie, suivies par la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, proclament leur indépendance. C’est la guerre. Sur le plan basket, les joueurs qui faisaient le succès de cette sélection empruntent des chemins différents. Toni Kukoc, Dino Radja et Drazen Petrovic – tous trois nés sur le territoire croate – choisissent la Croatie, tandis que Vlade Divac, Zarko Paspalj, Predrag Danilovic et Dusan Ivkovic restent sous l’étiquette de la République fédérale de Yougoslavie, qui ne regroupe plus que la Serbie et le Monténégro. Petito problemo, l’ONU bannit cette équipe des Jeux olympiques de 92 et la Croatie, en seul reste de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, se rend à Barcelone avec une belle équipe, toutefois amputée d’excellents éléments qui ont permis à la Yougoslavie de rafler l’Euro 89 et 91, ainsi que le Mondial 90. C’est-à-dire ? C’est-à-dire qu’à l’Euro 91, Vlade Divac et Toni Kukoc sont tous deux nommés dans le cinq majeur de la compétition. L’été suivant, ils ne jouent plus sous le même maillot, ni pour le même pays. Vous l’aurez donc compris – à moins d’une incapacité à faire des liens rendus évidents par d’excellents rédacteurs – il existe un monde parallèle dans lequel en 92, les meilleurs joueurs des Balkans interrompent la balade de santé de la Dream Team. La faire tomber ? Boarf, difficile de pousser l’imaginaire jusqu’à sortir la meilleure équipe qui n’ait jamais foulé un parquet, mais il y aurait eu match.
La guerre nous a-t-elle volé l’un des plus grands matchs de basket-ball de tous les temps ? Sur le papier, sans nul doute. Avec le contexte, tout pareil. Imaginez un peu, la première Team USA composée de joueurs NBA, se déplacer à Barcelone pour y affronter la machine à trophées qu’était alors la Yougoslavie. De 1961 à sa réduction en 1991, la République fédérale socialiste de Yougoslavie a remporté cinq fois l’Euro (73, 75, 77, 89 & 91), trois fois le Mondial (70, 78 & 90) et une fois les Jeux olympiques (80). Elle a même continué sans – mais surtout contre – la Croatie de Petrovic, Radja et Kukoc, à rafler tout ce qu’il était possible de rafler. Et ce, dès son retour aux compétitions internationales en 95, avec un succès ô combien symbolique à l’Euro d’Athènes. Aucun joueur de l’équipe dans le cinq majeur de la compétition, mais une victoire finale basée sur une osmose collective telle que la Yougoslavie a gagné les deux Mondiaux suivants. Une finale remportée en 98 face à la Russie, elle-même victorieuse d’une “Dream Team” dépecée de stars NBA à cause du lockout. Puis bis repetita quatre ans plus tard en 2002, avec un tabassage en règle d’une nouvelle “Dream Team”, cette fois composée de noms comme Reggie Miller, Baron Davis, Paul Pierce, Ben Wallace ou encore Jermaine O’Neal. « Ouai mais TrashTalk, vous dites “Yougoslavie”, “Yougoslavie”, mais vous ne citez pas beaucoup de joueurs issus de cette équipe ? ». Tout simplement car c’est la notion de « groupe » que l’on retiendra de cette sélection. Et aussi car pour les plus jeunes, Aleksandar Djordjevic évoque davantage un ancien avant-centre du FC Nantes, que l’un des meilleurs basketteurs européens de l’histoire. À ce point-là ? Oh oui.
Dites « Yougoslavie » à la nouvelle génération et elle fera les gros yeux en cherchant ce mot dans les trends TikTok. Les puristes, amoureux du béton armé et qui se réveillent chaque matin avec Requiem pour un fou dans les oreilles, eux, savent à quel point le basket-ball est passé à un conflit géopolitique de l’un des plus beaux affrontements de son histoire. Qui aurait pu… ? On laisse vos imaginaires manier cette hypothèse.