Linsanity – 10 ans plus tard : meneur des Beijing Ducks, acteur Netflix… qu’est-il devenu ?
Le 17 mars 2022 à 09:37 par Arthur Baudin
Dix ans, déjà. Cela fait dix ans que la tempête est passée. Cela fait dix ans que l’indécence a laissé place aux souvenirs. Que garde-t-on de la folie Linsanity ? Que garde-t-on de cette brève période passée à écarquiller les yeux devant la révélation d’un sans-grade venu d’Harvard ? Pour célébrer la plus courte et intense des culminances en NBA, plongeons tête la première dans la pensine, direction le monde de Jeremy Lin.
Mars 2012, le déclin est acté, Jeremy Lin tombe dans l’irrégularité. Dix ans plus tard, en mars 2022, qu’est-il devenu ?
Il était une star interplanétaire. Pendant trois semaines, d’accord, mais il l’était quand même. Qu’est donc devenu Jeremy Shu-How Lin ? Mène-t-il une vie paisible, sans vagues, retiré en province ? On s’est bien renseigné sur la nouvelle vie de celui qui a fait passer un chouette mois de février 2012 au Madison Square Garden. Il suffit de le suivre sur Instagram, c’est une vraie pipelette. L’Américano-Taiwanais n’a pas encore pris sa retraite et joue aujourd’hui pour les Beijing Ducks. L’équipe est 7ème du championnat chinois avec 23 victoires pour 12 défaites, et Jeremy Lin – du haut de ses 33 ans – surfe sur des moyennes de 13 points, 3,6 rebonds, 4,7 assists et 1,2 interception à 41% au tir dont 38% du parking. C’est propre mais, si l’on se fie à ses dernières saisons, celle-ci marque le déclin du sportif. Il devient un role player tout juste constant au sein d’un effectif qui ne le place plus au premier plan. Ce n’était pas le cas non plus en NBA, mais là, alors qu’il posait 20 points de moyenne avec les Santa Cruz Warriors l’an passé, Jeremy Lin lève le pied dans un championnat mineur. En dehors des parquets, il a conservé cette mentalité un peu coach sportif, un peu LinkedIn. On voit que son crash post-Linsanity l’a marqué et qu’il bosse aujourd’hui sur le développement personnel. Pour célébrer les 10 ans de sa folie sous le maillot des Knicks, le meneur a posté un long message sur Instagram, rappelant que même s’il a vécu des moments forts en émotion, le plus difficile se tramait derrière les caméras. Le genre de punch qu’aurait pu reprendre une page Insta « millionnaire » ou « motivation » avec du Ludovico Einaudi en fond.
« À quelle vitesse 10 ans passent-ils ? Je ne me souviens presque plus de ce que c’était que d’être ce jeune homme de 23 ans aux yeux écarquillés, de passer du jour au lendemain de dormir sur le canapé de Landry, inquiet d’être viré, à être soudainement reconnu partout et à avoir mon nom inventé un terme comme Linsanity. […]
Les moments forts sont galvanisants et peuvent nous inspirer de belles manières. Mais la majorité de nos vies sont faites d’instants en instants, au jour le jour. Ce sont les entraînements quand personne ne regarde. Le travail que l’on fait, même s’il ne donne pas de résultats immédiats. Les investissements que vous faites dans ceux que vous aimez, même s’ils ne l’apprécient pas pleinement. Dans chacun de ces moments qui semblent souvent banals, nous avons la possibilité de créer un changement positif puissant. »
Un phrasé émouvant que l’on ne peut contredire, mais tellement représentatif du bonhomme qu’était et qu’est toujours Jeremy Lin. Il n’a jamais retiré son costume de bosseur, ce même costume qui l’a aidé à surmonter les critiques quand les performances ne suivaient plus. Il a toujours ce brin de lucidité pour affronter une péripétie. Sur sa chaîne YouTube, Jeremy Lin n’a plus posté de vidéo depuis plus d’un an. Ce genre d’absence, ses abonnés y sont habitués. L’ancien d’Harvard n’accorde qu’une infime partie de son temps et de son énergie à YouTube. Parmi ses deux dernières vidéos, l’une s’appelle « Covid-19 Response : Be the light ». Il y appelle ses abonnés à se montrer solidaire en ces temps de pandémie et se sert, une fois de plus, de sa notoriété pour lever des fonds. La saison passée, en février 2021, Jeremy Lin s’était fait insulter de « coronavirus » au cours d’un match de G League avec les Santa Cruz Warriors. Quand il appelle à la « solidarité » et à « ne pas blâmer les autres » dans sa vidéo, il parle en connaissance de cause. Il n’a jamais dénoncé le joueur qui l’a insulté pour ne pas le poser devant le tribunal d’internet. « Quel intérêt dans cette situation de faire tomber quelqu’un ? Cela ne garantit pas la sécurité de ma communauté et ne résout aucun de nos problèmes de racisme à long terme », écrit-il sur son compte Instagram. S’il a dénoncé les propos tenus sans afficher publiquement le coupable, c’est pour traiter le problème dans sa globalité. Pour que les futurs américains d’origine asiatique n’aient pas à se soucier d’autre chose que du jeu. C’est aussi pour cela qu’en dépit de son prime trop éphémère, Jeremy Lin est considéré comme un pionnier. Et toute l’Asie lui en est reconnaissante. Dans Ronny Chieng takes Chinatown, un épisode de Netflix Is A Joke sorti il y a un peu plus d’un mois, Jeremy Lin joue son propre rôle, celui du basketteur le plus populaire du continent. C’est la première fois qu’il enfile le costume d’acteur. De quoi hypothétiser un après-carrière aux côtés d’Alain Chabat et Gérard Darmon, pour une petite carioca.
C’est la fin de la série Linsanity – 10 ans plus tard. Un dernier épisode gratté sur le tard, histoire de bien recouvrir toute la période Linsanity, son apogée comme son déclin. On a tendance à l’oublier mais ce joueur était – et est toujours – un exemple d’humilité et d’engagement. Si ces quelques lignes ont pu lui rendre hommage, c’est tant mieux.