Le cas LeBron James : meneur cette saison, ailier toute sa carrière, ailier-fort par domination, il fallait trancher
Le 20 avr. 2020 à 15:35 par Giovanni Marriette
Qui dit Top 6 par poste dit classement à établir, débats houleux et hurlements sur les réseaux sociaux. Quoi ? Derrick Rose n’est pas dans les dix meilleurs meneurs de NBA cette saison ? Alors oui, mais non. Et justement, avant d’établir ces fameux classements, il a d’abord fallu trancher et déterminer… quel joueur mettre à quel poste. D’où le cas LeBron James, cyborg d’une polyvalence historique, ailier de toujours devenu meneur.
C’est l’histoire d’un sport tout simple, dont les règles sont toutes simples, et dont les équipes sont à la base formées le plus simplement du monde. Un meneur de jeu, souvent le plus petit, doté de capacités intéressantes à la passe et d’un QI Basket censé lui donner le rôle officieux de capitaine d’équipe ; un arrière, quelques centimètres en plus, capable de filer un coup de main à son meneur, souvent le mec dont tu jalouses l’adresse en secret, et on ne parle pas du 437 Faubourg Victor Hugo ; l’ailier, homme à tout faire, physique parfait du basketteur ; l’ailier-fort, on commence à dépasser aisément le double-mètre et à avoir une belle collection de skills dans la raquette ; puis enfin le pivot, le poste 5, le plus grand et le plus costaud, celui qu’on met là en DM3 parce qu’il n’a pas de tir extérieur, mais surtout en NBA en mec capable d’enfoncer des portes fermées à la force de son popotin. Cinq postes, cinq positions sur un parquet, quelques switchs défensifs au gré des matchs mais oh, c’est quand même pas bien compliqué.
Sauf qu’en réalité c’est évidemment plus compliqué que ça, car au fil des années rendant la NBA toujours plus parfaite, des exceptions sont arrivées par dizaines pour confirmer les règles. Un Magic Johnson passé de la mène au poste 5 le temps d’un match légendaire, un Dennis Rodman ou un Charles Barkley dont les aptitudes physiques les ont conduit à passer de 3 à 4 et de 4 à 3 car leur régime alimentaire n’était pas le même, plus près de nous des Arvydas Sabonis, Joakim Noah, Draymond Green ou Nikola Jokic qui révolutionnent leur poste car aujourd’hui un pivot peut avoir une jauge passes plus élevée qu’un meneur de jeu. Et qu’en est-il de la taille problématique (pour les autres, évidemment) d’un Kevin Garnett ? De celle d’un Kevin Durant ? Comment expliquer que James Harden fait partie des trois meilleurs meneurs de la Ligue lors de sa seule saison jouée… en tant que meneur ? Et plus près de nous, que penser de la carrière de Boris Diaw, fantastique preuve française que ces postes ne veulent plus dire grand-chose ?
Voilà où on en est, et tout ce blabla n’est pas tombé là par hasard, on sait que vous êtes de vrais spécialistes. Non, si aujourd’hui on a décidé de vous parler de cette disposition géographique sur les parquets de NBA… c’est parce que vous n’êtes pas sans savoir que la rédaction s’est lancée dans l’exercice périlleux de Top 6 par poste sur la saison en cours. Et là… c’est le drame. C’est le drame car rapidement quelques débats vont venir envenimer un quotidien pourtant bien terne. Luka Doncic ? Un meneur, bien évidemment. Shai Gilgeous-Alexander ? Un meneur… mais cette saison titulaire au poste 2, allez, poste 2. Giannis Antetokounmpo ? Un poste 3, bien évidemment, Giannis est un poste 3 on le sait, et sa seule présence en attaque dans les raquettes adverses s’est signalée cette saison encore sur des drives ou des rebonds offensifs. Oui mais les Bucks cette année, hum… ah bah tiens, Brook Lopez poste 5, Bledsoe/Matthews/Middleton pour les petits et donc Giannis poste 4. Merci Coach Bud, on avait oublié que certaines franchises en NBA jouaient avec quatre extérieurs. On a donc placé le Greek Freak avec les ailiers-forts, parce qu’on allait quand même pas inventer un poste. Même problème avec Paul George tiens, et cette saison de blessure/load-management/strip clubs nous sauve la mise car aujourd’hui Paul George est bel et bien un poste 3, malgré son décalage officieux en 4 lorsque lui et Kawhi sont tous deux starters. Et ça pourrait bien continuer pendant des heures, dans cette NBA où le meneur de jeu Ben Simmons ne prend pas de tirs à 3-points alors que le pivot Joel Embiid en envoie une demi-douzaine par match, dans cette NBA où les Rockets sont allergiques aux joueurs de plus d’1m98, dans cette NBA où un Kristaps Porzingis de 2m20 est plus agile, plus rapide et plus adroit que certains arrières un peu arrondis.
Tout ça pour quoi ? Pour vous dire qu’on en a chié, tout simplement, et on en a d’ailleurs chié particulièrement pour un homme : un certain LeBron James. Un certain LeBron James qui a poussé ses qualités d’organisateur parfait jusqu’à devenir cette année le meilleur passeur de la Ligue tout en gardant son merveilleux niveau global. La line-up la plus souvent vue cette saison chez les Lakers ? Avery Bradley – Danny Green – LeBron James – Anthony Davis – JaVale McGee. Jusque-là aucun problème, même si l’on peut sourire en pensant aux qualités de gestionnaire de l’ancien combo des Celtics. Parce qu’il y a aussi ce terme bâtard, le “combo”, mais reprenons avec nos moutons et non nos chèvres (…), on parlait donc de LeBron James. Présenté poste 3 toute la saison mais ceux qui ont opté pour la case Lakers cette saison sur le League Pass l’ont bien remarqué, le vrai meneur des Lakers s’appelait LeBron. Le genre de situation qu’on connait sur toutes les fins de match, lorsque la star locale décide du scénario et donc du final du film, mais cela tout au long de ses 35 minutes quotidiennes en short. Option 1, je bourrine et je finis au cercle, bien souvent avec la faute ; option 2, je bourrine et la prise à trois me permet de servir un shooteur dans le corner ; option 3, je me prends pour un shooteur que je suis devenu avec le temps et je stoppe mes appuis avant de punir mon défenseur à 5, 6 ou 10 mètres, et option 4, j’envoie l’une des mes girafes au alley-oop, merci AD, JaVale et Dwight pour les sept mètres de barbaques en cumulé. Dans le ressenti LeBron a donc bien évolué en tant que meneur, comme un Scottie Pippen ou un Larry Bird pouvait aussi le faire à leurs heures perdues, mais les qualités physiques du King nous ont souvent rappelé… qu’il restait un implacable et bien souvent indéfendable ailier, le joueur qui sait tout faire, espèce d’alliage parfait entre corps parfait, basketteur parfait et cerveau parfait. Lara Fabian chantait la différence ? LeBron sublime la-po-ly-va-lence. Et LeBron est donc un poste 3 qui s’est mué en fantastique meneur, mais il reste un poste 3 et sera donc traité comme tel dans les prochaines semaines. Quelques PLS à la rédaction, des non mais attends qui répondent aux t’es pas sérieux, mais la démocratie l’emporte et on tranche finalement en laissant LeBron James sur le trône sur lequel il est assis depuis plus de quinze ans, celui de meilleur poste 3 au monde. Et zou.
Pour conclure ? LeBron est un ailier, qui jouait meneur cette saison. Mais comme les votes du All-Star Game l’ont bien montré, LeBron reste un forward, dont les responsabilités sont celles d’un meneur. On aurait tout aussi bien pu placer LeBron en compagnie des ailiers-forts, car on rappelle que le small-ball l’a obligé à évoluer auprès de trois ou quatre petits à de nombreuses reprises durant son dernier passage à Cleveland ou Miami. Pas cette saison, car les Lakers 2019-20 ont décidé de prendre le problème à l’envers en jouant très grand, mais on attendra en tout cas de voir ce que donne le LeBron version fin de carrière avant de clamer haut et fort qu’il est devenu un meneur de jeu exclusif. Pfiou, respiration.