Back 2 the Roots : Kawhi Leonard, au nom du père

Le 21 sept. 2017 à 08:23 par Nicolas Meichel

Kawhi Leonard
Source image : YouTube

Bien avant la NBA, bien avant la Draft et même l’université, les grands noms du basket ont tous une histoire, souvent méconnue du grand public qui reste habituellement limité à leurs exploits sur les différents parquets US. Du coup, TrashTalk a décidé de revenir sur les origines des stars actuelles, afin de vous faire découvrir leur parcours à un moment où leur blaze n’était encore connu de personne. Au programme aujourd’hui, le joueur que beaucoup considèrent comme le meilleur two-way player de la ligue, Kawhi Leonard.

Champion NBA, MVP des Finales, deux fois Défenseur de l’année et All-Star à deux reprises. A seulement 26 ans, Kawhi Leonard détient déjà un palmarès aussi grand que ses mains. Sans aucun doute, il fait aujourd’hui partie de l’élite de la ligue, lui qui a terminé troisième de la course au MVP en 2017 derrière les monstres Russell Westbrook et James Harden. Bref, on parle d’une véritable référence du basket actuel. On parle d’un mec capable de donner la leçon des deux côtés du terrain. On parle d’un joueur ultra complet qui n’a quasiment pas de points faibles dans son jeu. Pourtant, malgré tous ses accomplissements et toutes ses qualités, le joyau des Spurs n’est pas du genre à se mettre en avant et à se prendre pour une célébrité. Au contraire. A l’image de son ancien coéquipier et futur Hall of Famer Tim Duncan, Kawhi possède des caractéristiques qui ne correspondent pas vraiment à la définition du mot “superstar”. En effet, le numéro 2 de San Antonio brille par son humilité, sa classe, son efficacité. Il ressemble à ce gars qui débarque discrètement au playground du coin le dimanche après-midi, et met la misère à tout le monde sans dire un mot avant de rentrer chez lui. Silencieux, introverti mais tueur à l’intérieur, voici ce qui définit le mieux Leonard, lui qui est toujours le dernier pour montrer la moindre émotion. A une époque où certaines stars NBA s’affichent non-stop sur les réseaux sociaux afin de mettre l’attention sur eux et ainsi toucher le plus de fans possible, Kawhi préfère rester dans l’ombre, à l’abri des regards.

« Je pense que la chose la plus importante, c’est de le laisser être lui-même. C’est une perte de temps d’essayer de changer quelqu’un. Si vous essayez de rendre Manu Ginobili non compétitif, vous n’allez pas y arriver. Si quelqu’un est silencieux, c’est comme ça. Vous n’allez pas réussir à rendre Avery Johnson silencieux. » – Gregg Popovich

Evidemment, chaque individu possède sa propre personnalité. Celle-ci est notamment un produit de l’environnement dans lequel évolue ou a évolué cet individu, de l’éducation qu’il a reçue, mais aussi le résultat des différents événements ayant animé la vie de ce dernier. Dans le cas de Kawhi, une tragédie qui s’est déroulée lorsqu’il avait seulement 16 ans explique peut-être en partie son caractère très réservé. Le vendredi 18 janvier 2008, son père Mark Leonard est froidement abattu à Compton, ville du comté de Los Angeles tristement célèbre pour ses histoires de violence et de drogue. Ce jour-là, l’homme de 43 ans prend plusieurs balles devant sa propre station de lavage automobile. A l’heure de ces lignes, le tueur et le mobile du meurtre restent inconnus, et les chances de retrouver le coupable sont quasiment nulles. Ce drame a forcément été très traumatisant pour Kawhi, surtout qu’il était proche de son père pendant l’adolescence. Les deux passaient des journées entières à nettoyer des voitures, ce qui a renforcé les liens entre eux et inculqué les valeurs du travail au jeunot. De plus, Mark Leonard était le genre de papa à pousser son fils, en particulier quand il s’agissait de sport, et à l’encourager pendant ses matchs. Autrement dit, il était présent pour lui et faisait son maximum pour emmener Kawhi sur le droit chemin. Malheureusement, sa vie s’est brutalement achevée ce maudit 18 janvier, et celle de son fils a immédiatement basculé.

« J’avais l’impression que le monde s’était arrêté. Je ne voulais pas y croire, cela ne semblait pas réel. Je ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé. Je sais juste que quelqu’un est venu à la station et lui a tiré dessus. » – Kawhi Leonard, à propos de la mort de son père.

Au moment du décès de son père, Kawhi Leonard évoluait au lycée Martin Luther King, situé dans la ville de Riverside en Californie. Il était alors dans son année junior. Deux ans auparavant, lorsqu’il était freshman dans un autre établissement, à Canyon Springs, il n’avait pas joué une seule minute au basket puisqu’il ne faisait même pas partie de l’équipe ! La raison ? Il avait raté les tryouts car sa mère, Kim Robertson, était au boulot et ne pouvait donc pas l’emmener sur place. Kawhi a bien tenté d’expliquer sa situation au coach de l’époque, mais ce dernier n’a rien voulu entendre. Du coup, Leonard a joué au football américain durant sa première année de high school, au poste de safety et de receveur. La saison suivante, il décida de laisser définitivement de côté le ballon ovale pour se consacrer pleinement à la grosse balle orange, avant de changer de lycée en 2007. C’était le début d’une ascension fulgurante pour Kawhi, et la mort de son père n’allait pas empêcher cela. Comme un symbole, le 19 janvier 2008, soit seulement 24 heures après la terrible tragédie, Leonard se retrouvait sur le terrain avec ses coéquipiers de la Martin Luther King High School pour affronter Compton Dominguez. Ce soir-là, malgré toute la tristesse et l’émotion qui habitaient Kawhi, il est parvenu à inscrire 17 points lors d’une défaite 68-60, avant de craquer et fondre en larmes dans les bras de sa mère.

« Le basket est ma vie, je voulais être sur le terrain et penser à autre chose. C’était vraiment triste. Mon père était censé être à ce match. » – Kawhi Leonard, concernant la rencontre du 19 janvier 2008.

Durant les semaines qui suivent le meurtre de Mark Leonard, les performances sportives de Kawhi sont logiquement affectées. Mais la douleur laisse ensuite place à la motivation et la volonté de rendre son père fier, même s’il n’est plus là. Lors de sa saison senior, il rebondit et devient une véritable machine de guerre. Avec l’aide de Tony Snell, qui joue aujourd’hui aux Milwaukee Bucks, Leonard guide les King High Wolves à un excellent bilan de 30 victoires en 33 rencontres (22,6 points, 13,1 rebonds, 3,9 passes décisives et 3 contres par match). Résultat, il remporte carrément le titre de California Mr. Basketball, qui couronne le meilleur lycéen de l’Etat de Californie ! Et ça, ce n’est pas rien lorsqu’on connaît la concurrence et le réservoir de talents qui existent dans ce coin-là des States. Le site Rivals.com, considéré comme une référence dans l’évaluation des jeunes joueurs, voit alors en lui un prospect quatre étoiles sur une échelle de cinq et le place à la 48ème position au classement des meilleurs joueurs du pays en 2009.

Kawhi choisit ensuite de rejoindre l’université de San Diego State, où il va continuer sa progression sous les ordres du coach Steve Fisher à travers deux saisons pleines. Leonard tourne à 12,7 points et 9,9 rebonds de moyenne lors de sa campagne freshman, puis 15,5 points et 10,6 rebonds en tant que sophomore. D’un point de vue collectif, les Aztecs remportent la Mountain West Conference (MWC) deux années de suite, et participent à chaque fois au tournoi NCAA. En 2011, ils arrivent même jusqu’au Sweet 16, mais s’inclinent face au futur champion Connecticut. Dans le même temps, Kawhi collectionne les récompenses individuelles, avec notamment deux nominations dans la première équipe All-MWC et une nomination dans la deuxième équipe All-America. La suite, on la connaît. Il se présente à la draft 2011 et est sélectionné par les Indiana Pacers à la 15ème position, avant de se faire transférer dans la foulée aux Spurs contre George Hill. Le reste fait partie de l’Histoire comme ils disent de l’autre côté de l’Atlantique.

Avec son tatouage « R.I.P. Dad » sur le bras droit, Kawhi Leonard ne joue pas seulement pour l’amour du jeu, mais aussi et surtout pour son papa. Et ce qui est vraiment spécial dans cette histoire, c’est qu’il a remporté sa bague de champion et le titre de MVP des Finales le jour de la fête des pères, le 15 juin 2014. Sans le moindre doute, Mark Leonard serait très fier de son fils s’il était encore de ce monde…