David Thompson : un phénomène, une inspiration, une désillusion

Le 13 juil. 2016 à 17:01 par Alexandre Martin

Nous sommes le 10 septembre 2009, Michael Jordan monte sur l’estrade de la grande salle Naismith Memorial Basketball de Springfield pour effectuer son discours d’intronisation au Hall of Fame. Dennis Rodman, Scottie Pippen, Toni Kukoc, David Robinson, John Stockton, Jerry Sloan, Isiah Thomas, Steve Kerr et bien d’autres sont présents dans la salle et applaudissent chaudement Sa Majesté Jojo 1er. Mais celui qui gravit les quelques marches avec le grand Mike pour s’installer sur scène avec lui n’est autre que David Thompson…

Ce n’est pas rien d’être celui que le meilleur de tous les temps choisit pour être avec lui lors de son intronisation dans le Saint des Saints ! Et entamant son discours – non sans une forte émotion – Jordan ne tardera pas à expliquer son choix :

Pendant les quatres dernières semaines, j’ai reçu beaucoup de questions. Beaucoup m’ont demandé : ‘Pourquoi as-tu choisi David Thompson ?’ (Mike fait une petite grimace, la salle rit) Je sais pourquoi. David sait pourquoi. Et peut-être que vous ne savez pas pourquoi mais alors que je grandissais en Caroline du Nord, j’avais 11 ans en 1974 il me semble quand vous avez gagné le championnat les gars (Mike s’adresse ici à Thompson qui a remporté le titre NCAA avec les Tar Heels cette année-là). Et j’étais un anti North Carolina, je détestais UNC. Et j’ai fini à UNC… Mais j’adorais David Thompson. Pas juste en termes de jeu mais au niveau de ce qu’il représentait. […] Nous passons tous par des épreuves et des tribulations et il (David Thompson) l’a fait. (Jojo a les larmes au yeux) Et il m’a inspiré. (Thompson acquiesce du regard). Et quand je l’ai appelé pour lui demander d’être là avec moi aujourd’hui, je sais que je l’ai choqué ! (tant il ne s’y attendait pas / Rires dans la salle). Mais il fut très sympa avec moi et me dit : ‘Oui, je vais le faire.’

David Thompson – aucun lien de parenté avec Klay ou Tristan – n’est pourtant pas le nom le plus connu du basktball. Mais il a eu une carrière peu banale et suffisamment brillante pour inspirer quelques très grands joueurs dont le plus grand de tous, Michael Jordan. Et quand on s’intéresse d’un peu plus près au bonhomme, ce n’est pas si surprenant. Car ce bon David dominait largement en NCAA, lors de son court passage en ABA (une saison en 1975-1976) avec Denver, avant de démarrer sur les chapeaux de roues sa carrière NBA toujours à Denver, avec les Nuggets à partir de la saison 1976-1977. Et, après la saison 1977-1978, David Thompson signa un contrat de 4 millions de dollars sur 5 ans avec les Denver Nuggets ce qui était alors le plus gros contrat jamais signé par un basketteur professionnel.

Il faut dire que ce swingman haut de 193 centimètres venait d’envoyer ses deux premières saisons dans la Grande Ligue à 26 et 27 points de moyenne toujours accompagnés de presque 5 rebonds et de plus de 4 passes décisives. Pas tout mal pour un petit jeune qui débarque ! Les Nuggets venaient déchouer en Finales de Conférence contre les Supersonics mais l’espoir de tenir un véritable joyau était bel et bien là dans le Colorado. Notons au passage que, le 9 avril 1978, celui qu’on appelait “SkyWalker” à cause sa détente phénoménale – environ 1m15 – avait également fini la saison régulière par une performance à 73 points contre les Pistons. Oui, vous avez bien lu. Il y a bien écrit SOIXANTE TREIZE, soit la quatrième plus grosse feuille de scoring de tous les temps. De toutes façons, c’est bien simple, dans ces années-là – ces trois premières en NBA – Davd Thompson était dominant. Il a d’ailleurs toujours fini dans le Top 10 de la course au MVP à cette époque.

Mais cette période de domination ne fut que beaucoup trop courte. Car quand on vous dit que la cocaïne est une drogue plus que vicieuse et absolument destructrice, David Thompson en est un exemple de plus. En 5 années, de 1979 à 1984, la poudre blanche – assaisonnée de tout breuvage alcoolisé – va faire passer Thompson de “SkyWalker” à “Plus bas que terre”. Il se dit qu’il a sombré très tôt dans la dépendance à ce genre de produits car il n’arrivait pas à supporter les critiques liées à sa soudaine médiatisation. Il était le joueur le plus explosif de la Ligue, il va progressivement baisser athlétiquement. Petit à petit, les drogues vont le bouffer aussi bien physiquement que mentalement tout en faisant bien évidemment chuter le niveau de qualité de ses performances sur les terrains NBA. Et le pic de cette déchéance interviendra au Studio 54, un club de Manhattan, quand – complètement sous “influence” – il chuta du haut des escaliers et se brisa le genou.

J’avais l’opportunité de devenir un des plus grands basketteurs de l’histoire… Et je l’ai gâchée. — David Thompson

Voyant ses stats baisser drastiquement, les Nuggets vont échanger leur ex-joyau aux Supersonics mais il n’y restera qu’à peine plus d’une saison (deux en fait mais seulement 19 matchs pendant la deuxième). Il raccroche définitivement en 1984. Terrible destin que celui de David Thompson donc et les drogues le suivront encore après qu’il ait quitté les parquets. Seul un engagement religieux très rigoureux lui permettra de s’en sortir pour de bon et d’être présent aux côtés de Michael Jordan en ce soir de septembre 2009.

Fascinante et frustrante est la carrière de David Thompson. Frustrante car elle n’a duré que 9 saisons. Fascinante car il fut tout de même intronisé au Hall Of Fame en 1996 et laisse derrière lui une ligne de stats bien rondelettes – 22,7 points, 4, 1 rebonds, 3,3 passes décisives et 1 interception de moyenne – que beaucoup de joueurs aimeraient être capables de poser ne serait-ce que sur une saison. Cocaïne ou pas… Voici un joueur oublié par la NBA moderne mais qui reste un des plus grands talents à avoir foulé les planches de la Grande Ligue. 

Top 10 Dunks de ce bon David

Source image : Dick Raphael/NBAE via Getty Images