Charles Barkley : trop petit, trop gros, trop fort, trop puissant mais pas trop titré

Le 20 févr. 2016 à 18:38 par Alexandre Martin

A 15 ans, alors qu’il était en première année au lycée à Leeds en Alabama, Charles Barkley ne mesurait encore qu’à peine 1m80 et pesait déjà quasiment 100 kilos… Ce (très léger) surpoids ne plut pas au coach de basket et “Chuck” ne fut pas sélectionné avec l’équipe de son lycée malgré quelques aptitudes évidentes pour le tripotage de balle orange. Puis, en un an, il grossit un peu mais surtout il grandit d’un bon 15 centimètres ce qui le rendait tout de suite beaucoup plus intéressant “basketballistiquement” parlant… 

Petit à petit les entraîneurs ont réalisé le potentiel du gamin et lui ont finalement offert une place de titulaire pour sa troisième et dernière année. Il devint instantanément le leader d’une équipe qui a gagné 26 de ses 29 matchs et qu’il porta jusqu’en demi-finale du championnat des lycées. Lors de ce match, malgré la défaite des siens, Barkley envoya 26 points dans la tête de Bobby Lee Hurt qui était alors le joueur le plus en vue de tout l’état d’Alabama ce qui ne manqua pas de taper dans l’oeil des scouts universitaire dont un assistant de Sonny Smith le coach d’Auburn qui déclara avoir vu :

“Un gros gars qui joue aussi vite que le vent…”

A la fac d’Auburn où il passa trois ans, l’ami Charles n’était pas le plus assidu des étudiants sur les bancs des amphis mais il faisait sensation sur les parquets. Malgré sa “petite” taille et son surpoids, il évoluait au poste de pivot et étonnait tous les observateurs par sa capacité à cueillir des rebonds en masse et à contrer de manière spectaculaire des gars beaucoup plus grands que lui. Et puis, il pouvait faire se lever toute une salle avec ses fameux coast to coast effectués à la vitesse de la lumière et qui se finissaient toujours par un puissant dunk à deux mains. Barkley n’a pas obtenu le diplôme de son université mais il n’en a que faire déjà à l’époque et encore plus aujourd’hui. D’ailleurs, quand un journaliste – Ernie Johnson, présentateur sur TNT – lui demanda bien après la fin de sa carrière s’il avait été diplômé d’Auburn, Charles se contenta de répondre dans son style si caractéristique :

Non (je n’ai pas été diplômé d’Auburn), mais j’ai deux gars qui travaillent pour moi qui eux l’ont été (diplômés d’Auburn).

Et oui, Charles Barkley n’est pas la moitié d’un provocateur, il l’a toujours été mais il a également été un joueur fabuleux tout au long des seize saisons qu’il a passées à écumer les planches de la NBA. Drafté en cinquième position par les Sixers, il a découvert la vie de professionnel encadré par des gars comme Mo’ Cheeks, Julius Erving et surtout Moses Malone qui devint son mentor. Sous la houlette de Malone, Barkley a appris à bosser pour être en bonne condition physique, à gérer son poids, bref à “devenir un homme” comme il l’a rappelé dans son discours tout aussi drôle qu’émouvant lors de son intronisation au Hall of Fame en 2006. Et quel bonhomme, quel joueur de basket il est devenu ! Un peu plus de 14 points et presque 9 rebonds de moyenne sont venus remplir la ligne de stats de sa saison de rookie. Pour son exercice de sophomore, “Chuck” posa 20 points accompagnés de 4 passes décisives chaque soir et fut même le meilleur rebondeur de son équipe avec 12,8 prises alors que le grand Moses était toujours là à ses côtés ! Cette saison fut la première d’une série de quinze d’affilée en double-double (points/rebonds) ce qui est d’ailleurs un record absolu dans la Grande Ligue sans oublier qu’il sera aussi le meilleur rebondeur de la ligue en 1987 (14,6 de moyenne). Pas mal pour un gars donné à 1m98 mais dont la vraie taille était plutôt 1m94 comme il le dit lui-même dans son livre “I may be wrong but I doubt it” (“J’ai peut-être tort mais j’en doute”).

Avec son physique atypique, son QI basket élevé et ses aptitudes techniques, Barkley pouvait tout faire sur un parquet. Il était un véritable rouleau compresseur en transition ou au poste bas, il pouvait shooter dans le périmètre voire de temps en temps à 3-points. Il distribuait de belles offrandes à ses coéquipiers, n’hésitait pas à jouer les lignes de passes pour intercepter ou à monter au contre pour protéger son cercle. Ce n’était pas si souvent mais quand c’était le cas, ça se voyait…

Et puis, bien sûr, on ne peut pas faire l’inventaire des forces de “Sir Charles” sans évoquer cette invraisemblable capacité à gober les rebonds dans des quantités industrielles. Il n’était pas rare de le voir attraper la balle – après un shoot raté – au milieu d’une foule de big men et de le voir ensuite jouer des coudes pour remonter et écraser la balle dans le cercle. Il n’était pas rare de le voir nous placer son fameux coast to coast après un rebond défensif, il n’était pas rare de le voir enquiller une vingtaine de prises sur un match tout en envoyant 25 ou 30 points… Un énorme scoreur, un rebondeur boulimique et un excellent passeur pour son poste, voilà ce qu’était Charles Barkley. Il fait d’ailleurs partie d’un club extrêmement fermé (5 membres), celui des joueurs à avoir compilé plus de 20 000 points, 10 000 rebonds et 4 000 passes décisives en carrière. Un club dans lequel on retrouve aux côtés du “Chuckster” quelques petits noms de la NBA : Kareem Abdul-Jabbar, Wilt Chamberlain, Karl Malone et Kevin Garnett…

Doublement intronisé au Hall of Fame (en solo et avec la Dream Team 92), doublement médaillé d’or aux Jeux Olympiques (1992 et 1996), MVP de saison régulière en 1993, onze fois All-Star… Charles Barkley n’a pourtant jamais connu le bonheur d’une bague de champion. Il n’est pas passé loin en 1993 lorsqu’au sortir d’une saison monstrueuse (25 points, 12 rebonds et 5 passes décisives de moyenne), il avait emmené des Suns magnifiques – meilleur bilan – vers les Finales en écrabouillant tout sur son passage à l’Ouest en Playoffs. L’Amiral Robinson et Shawn Kemp s’en souviennent encore… Seulement Michael Jordan, Scottie Pippen et un certain John Paxson en avaient décidé autrement et Barkley n’aura pas d’autre occasion.

Pour autant, Sir Charles reste un joueur mythique à la carrière monstrueuse, un joueur que les fans, les observateurs, les adversaires ou les diverses rencontres qu’il a pu faire au cours de sa vie n’oublieront jamais comme l’a un jour très bien dit John W. McDonough de Sports Illustrated :

Quel cadeau pour les fans ! Une des plus grandes personnalités du jeu dans le corps de l’un de ses meilleurs athlètes. Il envoyait un dunk en 360 sur un pivot, mouchait un commentateur deux heures plus tard et ensuite, il envoyait quelqu’un à travers la vitre d’un nightclub dans la nuit suivante.

Quand on vous dit qu’il pouvait tout faire. Croyez-nous, c’était aussi bien sur le parquet qu’en dehors… 

Source image : Sports Illustrated