Et si le titre de MVP donné à Kevin Durant était la meilleure des défaites pour LeBron James ?

Le 06 mai 2014 à 19:39 par Bastien Fontanieu

C’est peut-être ce qu’il fallait de meilleur dans la carrière de LeBron James. Aussi choquant que cela puisse paraitre, ce titre de MVP décerné à Kevin Durant pourrait servir davantage au King de Miami qu’au phénomène d’OKC. Explications.

La compétition, drogue de tous les champions. Se démener comme jamais auparavant pour atteindre un objectif. Et le remplir. Gagner, et encore gagner. S’empiffrer, puis ne plus ressentir de motivation, la fatigue qui s’installe, le ventre trop rempli. Tous les grands sportifs de notre époque, même les légendes les plus intouchables, doivent passer par ce breakdown physique comme psychologique. Un “j’en ai marre” qui trotte dans la tête tous les matins, comme si l’adrénaline de la victoire avait disparu, comme si les motivations qui servent de fioul dans le réacteur de chacun s’étaient transformées en grenadine. Dans notre chère NBA, les années ont montré que la défaite était la meilleure des drogues pour les plus grands compétiteurs. C’est ce goût d’inachevé, cette sensation de frustration qui vous donne envie de vous donner encore plus que par le passé, qui vous permet de dépasser vos limites pour atteindre le St Graal, celui que tout le monde souhaite toucher : le Larry O’Brien Trophy sous les cocotiers.

De Jordan à Kobe en passant par Magic, Bird ou le Shaq, ils ont tous vécu cette tristesse, celle qui vous fait vivre les pires montagnes russes imaginables : ticket gratuit direction le monde de la consternation, aller-simple sans garantie de retour. Michael perd son paternel en Août 93, retraite annoncée en Octobre de la même année. Plus envie de jouer, pas envie de penser au basket, le regard penche davantage vers la batte blanche que pour le ballon orange. Pourtant ? C’est bien ce même Jordan qui se fait chiper le titre de MVP par un certain Charles Barkley cette année-là, injouable avec les Suns de Paul Westphal. La suite, on la connait par coeur : fallait pas piquer Jojo dans son estime, PlayOffs de dingue, Finales contre Chuck, laissez-moi faire car je crois que cette affaire est personnelle. 41 points de moyenne sur sa série, MVP des Finales en poche, merci au revoir. Dans une configuration similaire à celle de Jordan à l’époque, LeBron se retrouve aujourd’hui avec un peu de compétition sur le Mont Rushmore de la NBA. Enfin, parce qu’il fallait bien quelqu’un. Double-MVP de la saison et double-MVP des Finales en titre, ce n’est pas qu’on doutait de la motivation du King à vouloir se donner à fond jusqu’en Juin, c’est simplement qu’il est toujours agréable pour un compétiteur de recevoir des éléments de motivation à conserver dans leur stock. Alors comme ça Kevin Durant est le meilleur joueur de la Ligue ? Pas de problème, on se retrouve à Miami dans un mois.

couverture

Magic avait dû voir Larry se goinfrer de trois titres consécutifs de MVP entre 1983 et 1986, il n’aura fallu attendre que 87 pour voir le meneur génial des Lakers terrasser les Celtics, comme un dernier tacle glissé dans ces années 80 dominées par Boston et Los Angeles. Want some more ? Magic tape Larry en Finale NCAA, le genre de frustration parfaite pour motiver un dingue de travail comme Bird, qui ne se loupera pas lors de ses premières finales face à Johnson. Ping ? Pong. Tu souris ? Je pleure. Et on échange nos rôles. LeBron débarque à Miami en 2011 et clame qu’il remportera entre 4 et 12 titres avec ses potes : sa défaite en Finales face à Dallas sera un tournant dans sa carrière. Car depuis, personne ne domine autant le jeu que le cyborg de Floride, personne ne peut se targuer de réaliser entre 3 et 4 erreurs grand maximum par match. Cette série perdue face aux Texans en antenne nationale aura permis à James de toucher le fond de la piscine, l’intéressé s’enfermant près de deux semaines chez lui pour essayer de comprendre pourquoi, comment, what the fuck ? C’est cette position-là, celle du joueur critiqué et tant attendu, qui nous a permis de voir le LeBron d’aujourd’hui. Avec un Kevin Durant qui truste les panneaux publicitaires et dont les fans raffolent, la scène est parfaitement installée pour James : il n’y a qu’une seule bague pour tous les dominer, et le natif d’Akron a terriblement envie d’en ajouter une troisième à sa collection.

Revenons-en aux légendes. Shaq : maltraité par Olajuwon en 95, puis débarqué dans une équipe des Lakers à la ramasse en 96. Les critiques qui s’accumulent, trop solo, trop gros, très loin des autres pivots dominants dans l’histoire. Un coach aura suffi, et un effectif plus mature aussi : un premier titre face à Indiana pour fermer les bouches, et ensuite le même refrain que pour les autres Hall of Famers. Iverson nommé MVP de la saison ? Pas de problèmes : retrouvailles en Finales, destruction des Sixers qui pensaient trouver un Shaq-stopper en Mutombo. La suivante, c’est Duncan qui repart avec le trophée de meilleur joueur de la régulière, mauvaise idée venant de Tim qui ne fait que motiver le monstre de Los Angeles, troisième titre avant un quatrième à Miami. Son ex-coéquipier, Kobe, profitera justement de LeBron pour se motiver autant que possible. Nommé MVP en 2008, Bryant échouera en Finales face à Boston. Il ne lui faudra que quelques mois pour passer en mode Black Mamba sur tous ses PlayOffs, James remportant son premier titre de Most Valubale Player en 2009 à Cleveland. Les Lakers sont champions, Kobe est au sommet de son art, LBJ ne sait pas encore qu’il changera d’équipe un an plus tard.

Du coup, comment ne pas se réjouir dans les rangs du Heat, et s’inquiéter dans le camp adverse ? Si l’histoire ne s’écrit pas de la même façon pour tous, certains épisodes rassemblent les légendes et permettent de prolonger leur domination quand ils la sentent à bout de souffle. LeBron James ne remportera donc pas de cinquième titre de MVP cette saison, mais que les fans de Miami se rassurent : c’est probablement la meilleure chose qui pouvait leur arriver dans leur quête d’un historique triplé. Le rendez-vous est ainsi pris : LeBron jouera probablement son meilleur basket en carrière dans les semaines à venir…

Source image : FanSided