Flashback : Wang Zhizhi, “le grand rebond en avant” de la Chine en NBA
Le 05 avr. 2024 à 17:16 par Julien Vion
En NBA, le tournant de l’an 2000 rime avec Shaquille O’Neal, Tim Duncan ou Allen Iverson. Mais beaucoup plus loin des projecteurs, il rime aussi avec Zhizhi. Wang Zhizhi de son nom complet, ou 王治郅 en version originale, est le pionnier du basketball chinois dans la plus grande ligue du monde, avant même Yao Ming.
La National Basketball Association, comme son nom l’indique, était à l’origine quasi-exclusivement américaine. Dans les premières décennies, on compte quelques Canadiens ici et là, une petite poignée d’Européens mais assez peu de nations représentées au total. En cause, les turbulences liées à la guerre froide entre les États-Unis et les pays de l’autre côté du rideau de fer.
Peu à peu, surtout à partir des années 1990, la NBA s’internationalise, sous l’impulsion des travaux de David Stern. Et c’est en 2001 que le premier joueur chinois de l’histoire foule les parquets, non sans peine et négociations. Celui dont le prénom signifie “roi” en mandarin n’a eu cesse de faire des aller-retour entre la Chine et l’Amérique, et sa trajectoire est aussi sinueuse qu’avant-gardiste.
“Le chemin parcouru par Wang Zhizhi est bien plus tortueux et difficile que tout ce que la plupart des athlètes chinois ont jamais connu.” – Yao Ming
De la province du Zhejiang au Texas, la révolution culturelle
Wang naît en Chine le 8 juillet 1977, dans un pays en plein bouleversement un an après la mort de Mao Zedong. Entre une mère d’1m93 et un père d’un peu plus de 2m, tous deux basketteurs professionnels, son adolescence lui réserve une belle croissance. Très jeune, il est habitué des parquets et est envoyé à 13 ans dans l’Armée populaire de libération. En plus d’une éducation militaire, il y reçoit la meilleure formation de basket du pays.
En 1995, année de la création de la Chinese Basketball Association (CBA), il rejoint les Bayi Rockets du haut de ses 2m13. Il est l’une des stars de la nation, dominant outrageusement les raquettes et gagnant des titres à la pelle dans l’équipe basée à Ningbo dans la province du Zhejiang. À 17 ans, il devient le plus jeune joueur de l’histoire du pays à intégrer l’équipe nationale.
Il affiche en 1999 son ambition de rejoindre la NBA et fait le choix de le déclarer publiquement. Pour la Chine, historiquement très protectrice envers ses athlètes, c’est presque une surprise quand les Dallas Mavericks appellent son nom avec le 36è choix.
April 5, 2001: Dallas Mavericks C Wang Zhizhi became the 1st Chinese-born player to play a NBA game in history pic.twitter.com/YJXlGDQ9bb
— Pro Sports Outlook (@PSO_Sports) April 5, 2021
Son équipe des Bayi Rockets, puis la direction de la CBA, refusent catégoriquement de laisser partir le pivot. Impossible pour eux de voir l’une des étoiles montantes du basketball chinois rejoindre les États-Unis. S’ensuivent alors des mois de négociations pour trouver un compromis.
“La NBA me semblait à portée de main. J’avais l’impression que si je tendais les mains, je pouvais l’atteindre, mais en même temps je sentais que mes bras n’étaient pas assez longs”.
– Wang ZhiZhi
Entre-temps, la Chine et sa doublette Wang Zhizhi – Yao Ming dispute les Jeux Olympiques en Australie. Au premier tour, Zhizhi se dresse contre la France d’un grand Antoine Rigaudeau (29 points), mais ne parvient pas à l’emporter malgré 9 points et 10 rebonds de Wang. Il affiche toutefois un bon niveau pendant le tournoi et termine meilleur scoreur de son équipe avec 13,5 points.
Finalement, au mois d’avril 2001, la CBA accepte de laisser partir le pivot sous conditions. Il devra notamment répondre à tous les appels de l’équipe nationale. Presque 2 ans après sa draft, il foule les parquets NBA pour la première fois le 5 avril 2001. Il inscrit 6 points en 8 minutes face aux Hawks, petite révolution.
Entre expérience tronquée en NBA et rupture avec la Chine
A cause du calendrier et des longues négociations, sa première “saison” ne comporte que 10 matchs avant quelques minutes en Playoffs. L’intégration à sa nouvelle vie est tout sauf évidente et la barrière de la langue pose rapidement problème. Entre interprète et hochements de têtes, le challenge est immense.
Dans une équipe qui compte Dirk Nowitzki, Steve Nash ou Michael Finley, il n’y a pas non plus beaucoup de place offensivement, qualité première du pivot. Alors que sa saison 2001-02 cristallise les attentes et les défis, l’élan est brisé après un petit coup de téléphone venant d’Asie. Les Bayi Rockets ont besoin d’un coup de main en Playoffs nationaux, et en vertu des conditions posées l’année précédente par la CBA, Wang Zhizhi doit obtempérer. Il manque ainsi les premières semaines de compétition et revient sur les parquets NBA le 8 décembre alors que Dallas a déjà joué 14 matchs.
S’adapter à un style de jeu, évidemment très différent, et à ses coéquipiers n’est pas tâche facile, et le Chinois plafonne à un peu plus de 10 minutes par match. Il se fait toutefois un peu remarquer en fin de saison, notamment grâce à son shoot. Zhizhi est plutôt adroit pour sa taille, un des premiers “stretch five” à son échelle.
Il envoie 12 points à 4/6 derrière l’arc face au Heat le 2 mars 2022, avant une perf à 18 points à 4/4 du parking en sortie de banc trois semaines plus tard. Wang est le géant qui sommeille dans l’effectif des Mavs.
Mais tout bascule l’été suivant.
Son contrat avec Dallas arrivé à expiration, l’avenir du Chinois en NBA est incertain. Souhaitant s’accrocher à son rêve américain, il a conscience du frein que représentent les conditions CBA. En dehors des compétitions estivales, qu’il veut honorer, il veut pouvoir disputer une saison complète, camps d’entraînements inclus.
C’est ainsi qu’il désobéit et décide de sécher la préparation pour les jeux d’Asie au profit de la NBA Summer League 2002. Après une nouvelle bataille intense avec la ligue chinoise, il signe finalement en tant qu’agent libre avec les Los Angeles Clippers au mois d’octobre. Conséquence directe, Wang Zhizhi est exclu de l’équipe nationale et considéré comme un traître par les médias chinois.
Il n’a pas d’autre choix que de baisser la tête et de se consacrer à 100% à sa nouvelle aventure californienne. Néanmoins, il n’aura pas beaucoup plus de réussite qu’à Dallas. Il alterne entre les soirées sans bouger du banc et les matchs de 10 minutes quand il est appelé. Malgré une perf à 21 points et 6 rebonds à 9/12 au tir en mars 2003 face aux Nuggets, il ne convainc pas le coaching staff. Il est envoyé au Heat l’année suivante, et son rêve NBA se termine en 2005 sans davantage de réussite.
Malgré une réputation au plus bas dans son pays natal, il décide d’y rentrer au mois d’avril 2006, avec un objectif de rédemption. Il déclare en arrivant :
“Je suis désolé, j’ai fait une erreur. S’il vous plaît, pardonnez-moi et donnez-moi une chance de recommencer. Je ne vous laisserai pas tomber.”
Zhizhi est réintégré à l’équipe nationale et joue le match d’ouverture de la Coupe du Monde 2006 face à Team USA avec le maillot rouge. Malgré quelques tensions sous-jacentes, le succès continental au tournant des années 2010 permet un pardon plus facile. Le pivot annonce sa retraite en 2014 et est finalement récompensé dans son pays pour sa contribution.
China’s own & former 5-year NBA pro Wang Zhizhi gives a special gift to Dirk Nowitzki! #NBAChinaGames #ThisIsWhyWePlay 🎸 pic.twitter.com/GSWMISxi1C
— NBA (@NBA) October 5, 2018
Par son parcours, il a été un exemple et un pionnier du basket chinois au États-Unis. Dans son sillage, Mengke Bateer (2002) puis Yao Ming (2003) connaitront eux aussi cette expérience et leurs lots de négociations.
Malgré une carrière NBA relativement courte et délicate, Wang restera dans l’histoire du basketball pour sa résilience dans la poursuite de ses ambitions. Zhizhi n’est pas le plus grand, mais bien le premier chinois de l’histoire de la NBA.
Source texte : MavsMoneyBall, ESPN, News China Mag, NBA, Basketball Reference,