Lenny Wilkens : le joueur est Hall of Famer, le coach aussi… et par deux fois
Le 28 oct. 2018 à 13:10 par Alexandre Martin
En 1996, pour fêter son cinquantième anniversaire, la NBA mit en place un panel de votants composé de journalistes, d’anciens joueurs et d’entraîneurs afin de désigner les 50 meilleurs joueurs de son histoire. Ce qu’on oublie souvent, c’est que ce Top 50 était accompagné d’un Top 10 des meilleures équipes et surtout des meilleurs coachs de tous les temps. Et ce qu’on aurait tendance à oublier encore plus, c’est qu’un seul bonhomme faisait partie de cette mythique équipe de 50 joueurs et des 10 coachs sélectionnés. Un certain Lenny Wilkens…
Joueur, Leonard Wilkens dit “Lenny” était un meneur gaucher assez petit (1m85) mais bien costaud, rapide, bon dribbleur, adepte des drives finis dans toutes les positions et surtout un leader, un général des parquets doublé d’un excellent passeur. Sur 15 saisons passées à écumer les planches de la Grande Ligue, Wilkens fut élu All-Star à 9 reprises. Cinq fois sous le maillot des Hawks (de Saint-Louis à l’époque) où il formait une paire intérieur-extérieur magnifique avec le rebondeur boulimique Bob Pettit. Une fois en tant que Cavalier pendant les 3 saisons qu’il passa à Cleveland, après avoir été étoilé 3 fois en 4 exercices avec le jersey des Supersonics de Seattle sur les épaules de 1968 à 1972, période durant laquelle il brillait à coup de plus de 20 points par match assaisonnés de 8 ou 9 caviars et 5 ou 6 rebonds. Sauf qu’après avoir quitté les Hawks en 1968, il ne reverra plus les Playoffs et n’aura jamais l’occasion de faire campagne pour aller chercher cette bague qui lui a toujours échappé pendant ses années à Saint-Louis (Les Celtics, Bill Russell, tout ça tout ça…). Mais il en fallait bien plus pour décourager ce gros bosseur qu’était Lenny d’atteindre son rêve :
“J’ai appris très tôt que si je voulais réussir quoi que ce soit dans le vie, je devrais le faire moi-même.”
Un bosseur, c’est ce que Wilkens était sur le terrain et c’est une des notions principales qu’il va chercher à inculquer à ses joueurs en tant que coach pendant de longues années. Car l’ami Lenny va très vite se voir confié les rênes d’une escouade de ballers. Il n’aura même pas à attendre la fin de sa carrière de joueur en fait puisque, de 1969 à 1972, il sera non seulement le meneur de jeu des SuperSonics mais aussi leur head-coach. C’est ainsi qu’il fera ses grands débuts sur un banc NBA. Sur les saisons 1969-70 et 1970-71, Wilkens sera donc All-Star sous sa propre direction. Pas banal ça, d’ailleurs, seuls Dave DeBusschere (Pistons), Bobby Wanzer (Royals) et Bill Russell (Celtics) peuvent se targuer d’en avoir fait autant ! Lors de son passage aux Cavs (de 1972 à 1974), il sera “juste” joueur, avant de retrouver cette double-casquette chez les Blazers lors de sa dernière saison sur les planches en short et jersey. A la fin de l’exercice 1974-75, après 1077 matchs de régulière et 64 en Playoffs, il raccrochera définitivement les sneakers afin d’enfiler pour de bon son costume d’entraîneur. Le temps d’une saison, il restera chez les Blazers mais sans parvenir à emmener le groupe en Playoffs. Il prit une année de repos et de recul avant de revenir là où tout avait commencé pour lui en tant que coach : à Seattle.
Les Sonics viennent de voir Bill Russell partir (pas de Playoffs en 1977) et le remplacer par son assistant Bob Hopkins. Mais, très vite dans l’exercice 1977-78, Hopkins sera remercié et remplacé par ce bon Lenny. C’est à partir de ce moment que Wilkens va vraiment pouvoir exprimer son talent de meneur d’hommes. L’escouade verte et jaune est sérieuse et articulée autour du trio Jack Sikma – Fred Brown – Gus Williams. Wilkens ne va pas traîner à imposer son style et à y faire adhérer des SuperSonics qui finiront avec la troisième meilleure défense de la saison. S’appuyant sur cette solidité, ils iront jusqu’en Finales où il tomberont les armes à la main – en 7 matchs – face aux Bullets d’Elvin Hayes, Bob Dandridge et Wes Unseld. Mais vous l’aurez compris, Lenny Wilkens n’est pas du genre à s’effondrer devant le premier obstacle venu et cette défaite cruelle en Finales va lui faire comprendre que le but n’est pas si loin et le motiver encore plus. Les Sonics de 1978-79 auront la défense la plus imperméable de la ligue. Wilkens va faire du jeune Dennis Johnson (24 ans) son premier relais sur le terrain. Il va le responsabiliser, lui faire bénéficier de toute son expérience et en faire un All-Star, le joueur clé de son équipe, toujours entre Gus Williams et Jack Sikma.
“Si vous échouez une première fois, c’est juste une chance de tout recommencer.” – Lenny Wilkens
La brigade de Lenny va retourner en Finales en 1979, pour y retrouver les Bullets. Et cette fois-ci, il n’y aura pas vraiment de suspense. Les Sonics seront champions (4-1), Dennis Johnson sera MVP des Finales et Wilkens aura enfin cette bague après laquelle il courait depuis 19 ans. Dès lors, il va enchaîner les saisons au bord du terrain. A Seattle jusqu’en 1985, puis à Cleveland pendant 7 ans avant de se permettre un petit retour aux sources chez les Hawks – alors installés à Atlanta. Là-bas, il sera coach de l’année en 1994 et restera jusqu’en 2000 avant de passer par les Raptors puis les Knicks pour conclure, en 2005 et à 68 ans, une carrière copieusement remplie. Car même si Lenny Wilkens n’est pas parvenu à gagner d’autres bagues malgré tous ses efforts, il aura été le 1er coach de l’histoire à totaliser 1000 victoires en carrière et est encore aujourd’hui le deuxième entraîneur le plus victorieux de l’histoire (derrière Don Nelson) avec 1332 matchs gagnés depuis le banc. Pour 1155 défaites, ce qui équivaut donc à 53,6% de wins sur 2487 matchs coachés ! Longévité, travail, talent et autorité, voilà des adjectifs qui collent très bien à la peau de Monsieur Lenny Wilkens. En 1989, il sera intronisé au Hall of Fame en tant que joueur. En 1998, ce sera pour sa carrière de coach que la grande salle de Springfield lui fera honneur une deuxième. Puis, en 2010, ce bon Lenny montera une troisième fois sur l’estrade mythique avec tout le staff de la Dream Team 92 dont il faisait partie sous la direction de Chuck Daly.
Triple Hall of Famer, Lenny Wilkens aura donc donné 45 ans – quasiment sans discontinuité – à la balle orange de son premier pas sur un parquet en tant que joueur (en 1960) à sa retraite définitive en tant que coach (en 2005). Il est l’un des personnages les plus sous-estimés de l’histoire NBA, un de ces piliers qu’on ne voit plus et dont on ne parle que trop rarement. Un monument auquel il ne faut pas oublier de rendre hommage…