Boris Diaw et le basket c’est fini pour de bon : sa carrière fut unique, et l’homme l’est encore plus
Le 06 sept. 2018 à 21:47 par Giovanni Marriette
A vrai dire, ce n’est pas vraiment une surprise. Mais quand même… Boris Diaw ? Qui range définitivement son énorme short au placard ? Les mots nous viennent par dizaines. Déception évidemment, tristesse oh bien sûr, mais également mélancolie, respect, merci, pourquoi, bravo, chapeau, légende. Alors mettez ça dans l’ordre que vous voulez, rajoutez-y vos propres impressions et aidez-nous à accepter cette nouvelle, une breaking news terriblement libératrice pour lui mais au moins aussi dure à avaler pour toute sa fanbase, aka tous les gens qui aiment le basket, le vrai basket, le beau basket. Pfiou.
La nouvelle est donc tombée, et elle est tombée à la manière d’un véritable coupe-gorge. Alors oui, Boris Diaw n’était évidemment pas dans son prime, très loin de là. Il avait déjà dit un très probable adieu à la NBA il y a quasiment un an jour pour jour, le 17 septembre dernier. Nous nous en étions ému, comme tellement de fans de la balle orange, mais certains privilégiés avaient eu par la suite la chance de le voir évoluer encore un tout petit peu sous les couleurs de Levallois. Ce que le monde du basket ne savait pas encore, c’est que cette saison 2017-18 en France était en fait son farewell tour à lui. Une tournée d’adieu en mode pépère, cumulant les triple écrans et les triple cheese, cumulant les triple menaces et les triples sourires. Comme un clin d’œil à l’un des ses surnoms, 3D, à une époque où les triple-doubles en NBA l’intéressaient plus que les 3D’s de Benenuts. Revenir sur la carrière de Boris en osant arguer qu’on n’oubliera rien ? No way. Car la carrière du “Président” préféré des Français ne se résume pas en quelques lignes. Nous y reviendrons évidemment en long et en large quand les larmes n’inonderont plus nos claviers, mais il faudrait surtout y revenir dans une série de dix bouquins de 500 pages. Pour l’heure nous nous suffirons à un hommage discret, comme Boris le joueur aimait l’être et comme Boris l’homme aime encore plus l’être, sur son bateau ou dans ses caves bordelaises.
La NBA ? Une story comme notre ligue préférée sait tant les fabriquer, mais alors grosse dédicace quand c’est un Français qui en est le héros. Une Draft discrète en 2003, contrairement à quelques gros loulous débarqués la même année que lui en NBA, et des débuts timides avec les Hawks, car les États-Unis n’ont alors pas encore compris quel genre de bijou ils avaient dans les mimines. Vous qui connaissez le Babac 2018, on préfère vous prévenir : vous ne le reconnaitriez pas. Car ce gamin est alors l’un des joyaux de la formation à la française, du Centre Fédéral tout d’abord puis de Pau-Orthez par la suite, car c’est alors un poste 3 taillé comme un fil de fer avec quelques greffes de muscle ça et là. Mais ce poste 3 qui ne shoote pas trop n’est pas trop la tasse de thé des consommateurs de highlights que l’on connaît aux States, alors Boris stagne et l’explosion attendra. Elle n’attendra mais pas si longtemps que ça, car deux ans plus tard la vie de basketteur de Boris va basculer sur un banal trajet entre Atlanta et Phoenix. Un bout d’autocar qui va faire de l’ancien Hawk l’un des joueurs les plus… importants de la Ligue. Car les Suns sont alors l’une des place to be en NBA, et si Steve Nash et Amar’e Stoudemire font tourner la boutique, Boris Diaw va tout simplement devenir l’intendant de la boîte. L’homme à tout faire et surtout à tout – très – bien faire devient alors une véritable machine, un couteau suisse que l’on se gardera pourtant bien chez nous en France, mais ça on y reviendra quelques lignes plus bas. Les résultats collectifs sont au rendez-vous, les stats également, et les triples-doubles pleuvent pour un mec capable d’être un délicieux point forward distributeur aussi bien qu’une menace incroyable au poste. Du talent plein les mains mais qui devient une arme atomique grâce à un QI Basket estimé autour du milliard. Pas de titre, pas encore, mais un trophée de MIP historique pour un joueur français, historique mais tellement mérité. Pardon ? Ah oui asseyez-vous, car la suite est encore plus belle. La page Suns refermée, c’est celle des Bobcats qui s’ouvre. Charlotte qui aurait pu offrir un rôle de leader à Boris mais ça le Captain n’en voulait pas spécialement. Divergences d’opinions et de projets avec le coach, petite dépression sportive, poulets avalés par douzaines et Boris n’est plus que l’ombre de lui-même, une ombre sacrément imposante mais qui pèse malheureusement plus sur la balance que sur la Grande Ligue. Mais no worries l’histoire est bien faite, puisque ce sont son poto Tony Parker et son gourou Popovich qui viendront hélitreuiller Bobo. Débarquement à San Antonio, comment ça l’un des plus gros cerveaux de la planète basket qui rejoint le programme le plus léché au monde nous a fait échapper un peu de salive. Et si on l’avait imaginé dans nos rêves les plus fous, la réalité reprendra le lead et de quelle manière… Défaite déchirante en Finales NBA face à Freezer, Cell et toute leur bande, revanche la saison suivante. Sauf que Kawhi Leonard (qui ça ?) est devenu un homme, sauf que Gregg Popovich a un honneur, sauf que Tim Duncan veut gagner une dernière fois, sauf que Boris Diaw est redevenu The Brain. Utilisé au poste 5, Babac contribue grandement au cinquième titre de l’histoire de sa franchise et partagera donc à jamais une bague avec Tony Parker, eux qui ont tout connu depuis… chu chut, on y vient également. La dernière escale de Capitaine Boris l’emmènera ensuite à Salt Lake City, où porter le maillot du Jazz servira surtout de leurre pour apprendre la life à un certain Rudy Gobert, transmettre son savoir étant également l’un des chevaux de bataille de notre héros du jour. Et on y vient enfin, même si on ne sait pas vraiment si l’expression “des chevaux de bataille” est bien française…
Français Boris l’est bien, et c’est une véritable bénédiction. Débarqué en l’an de grâce 1998 au Centre Fédéral, qui pouvait prédire à ce moment là que le chauve de l’année en annonçait un autre d’un acabit bien différent… INSEP donc, avec un certain Tony Parker, avec un certain Ronny Turiaf, avec une dénommée Céline Dumerc. Les années folles, c’est Hélène et les Garçons mais sans les caméras, mais avec pas mal de basket quand même entre les cours. En 2000 surviendra non pas le bug mais les premier émois, et on ne parle pas de nanas mais bien de ballon, puisque Boris deviendra champion d’Europe à Zadar, avec Tony et Ronny, avec Mickaël Pietrus, Yakhouba Diawara et toute une sacrée bande de potes. Lé début d’une histoire exceptionnelle avec les Bleus, qu’il ponctue aujourd’hui du haut de ses 247 sélections. 247, exactement comme… Elizabeth Diaw-Riffiod, “maman de” et accessoirement l’une des plus grandes joueuses de basket de l’histoire de notre douce France. On est d’accord, ça y est, tout le monde chiale ? Bouge pas Tonton ça commence seulement. Les années avec les A se suivent ensuite et se ressemblent plus ou moins, entre génération montante mais pas encore assez virile, et déceptions lorsque le roster vend du rêve. 2003, 2005, les crises de nerfs et de larmes sont trop nombreuses. Jusqu’aux années 2010 où l’on commence à rentrer dans le vif du sujet. Marre de se faire botter le train par les Espagnols notamment, il est l’heure de gagner. Les JO 2012 laisseront les filles se parer d’un bronze mérité, et c’est en 2013 que Babac et ses troupes (il est évidemment devenu entre-temps le logique capitaine de la sélection) vont accomplir leur plus bel acte. Une demi-finale historique face à l’ennemi ibérique, on se rappelle de ta faute sur Sergio Llull Boris, on se rappelle, le discours de Tony à la mi-temps, et une victoire finale face à la Lituanie, victoire qui propulse nos Bleus sur le toit de l’Europe et qui signifie dans le même temps l’apogée de la carrière en Bleu de Boris, Tony, Florent et Mickaël Gélabale. Une médaille d’or européenne qui sera suivie du bronze mondial un an plus tard en… Espagne, après avoir tapé… l’Espagne chez elle. Boris est alors pressenti pour devenir roi… d’Espagne, mais le troisième acte tant espéré en 2015 en France sera finalement une déception incommensurable. L’Espagne tout entière s’est vengée, Boris est Boris mais il n’est pas Pau Gasol. Cette défaite sonnera, on ne le sait pas encore, le glas de la génération Diaw/Parker et les Jeux de Rio un an plus tard ne seront qu’un médoc donné à pépé aux soins palliatifs. On ne vous fait pas un dessin concernant la nationalité des chirurgiens, on s’est compris. C’est à ce moment-là que Tony Parker, Flo Pietrus et Mickael Gélabale décideront de concert de tirer un trait sur leur histoire sous le maillot bleu, mais ça Boris n’en veut pas. Il n’en veut pas encore car on l’a dit plus haut, Boris souhaite transmettre. Et il aime trop le basket. Un adieu à la NBA et un game winner à Bourg-en-Bresse plus tard, Boris s’en ira donc définitivement, filant sur son bateau à la vitesse qui l’a si souvent caractérisé : tran-quille mais sûr de ses forces. Le clap de fin fera d’ailleurs honneur à deux de ses best, comme quoi les liens qui l’unissent aux copains auront été présents de la première à la dernière seconde de sa carrière…
Son tour du monde en bateau, sa passion pour l’œnologie et de manière générale pour tout ce qui est bon et agréable, ses safaris-photos, ses dîners entre potes, un peu de basket à la télé et qui sait un jour dans des bureaux (#BorisDiaw2022 on arrive), voilà ce qui attend désormais Boris. Il était temps, on s’y attendait, mais la nostalgie nous envahit ce soir comme Boris Diaw nous a envahi de son talent depuis vingt ans. Alors bon vent Boris, de la part – on se permet – de tous les français qui kiffent la balle orange. Parce que quand on aime le basket, on aime Boris Diaw.