Le premier vrai LeBron-stopper était DeShawn Stevenson : retour sur sa rivalité avec le King

Le 03 avr. 2018 à 18:05 par Aymeric Saint-Leger

DeShawn Stevenson
Source image : Youtube

Cela fait désormais 15 saisons que LeBron James est dans la Ligue, et un peu moins d’années qu’il la domine. Face à un tel joueur, des fous courageux se sont toujours dressés, sur le terrain ou en dehors. La légende du King passe par bien des rivalités : KD, Paul Pierce, Lance Stephenson… Mais s’il y en a bien une marquante, où le Cyborg et son vis-à-vis avaient du dédain l’un pour l’autre, c’est bien du côté de DeShawn Stevenson qu’il faut s’attarder, le premier vrai “LeBron-stopper”.

Commençons les présentations. DeShawn Stevenson, originaire de Fresno, en Californie, est né en 1981. Comme c’était monnaie courante dans les années 90-2000, il n’est pas passé par la fac. Il est donc drafté au tout début du nouveau millénaire par le Jazz d’Utah en 23ème position. Gros dunkeur à ses débuts, il s’est ensuite spécialisé sur un profil de 3 and D. Le swingman a passé treize saisons dans la Ligue, pour des moyennes passables : 7,2 points, 2,2 rebonds et 1,6 passe en 22,3 minutes de moyenne en carrière. Il n’a jamais été All-Star, et a rarement été le joueur majeur d’une équipe. Papa Smurf a terminé deuxième du Slam Dunk contest en 2001, à l’époque où il était une bête physique de 1m96 pour 99 kilos. Il a bien gagné une bague NBA, mais nous y reviendrons par la suite. Pourquoi parler d’un ancien joueur qui n’a pas eu d’impact fort tout au long de sa carrière ? On y vient. Il n’a plus joué depuis 2013 avec Atlanta, et a annoncé sa retraite il y a deux ans seulement, à l’âge de 35 ans. DeShawn était un guerrier, un travailleur acharné, le talent n’était pas forcément inné chez lui. Mais quelle volonté, quel état d’esprit. C’est sans doute cela qui lui a permis de tenir tête, des années durant, à un des plus féroces athlètes que la NBA n’ait jamais connu, LeBron James.

Le bien nommé The Locksmith passé par Utah puis par Orlando, signe un contrat minimum de deux ans avec les Wizards, à l’été 2006. Washington avait affronté Cleveland au printemps de cette même année, pour la première participation en postseason de vous savez qui. La première série de Playoffs de l’histoire du King, c’était contre les Wiz, dans une confrontation des seeds 4 et 5. Les Cavaliers s’étaient imposés en six matchs lors d’un duel haletant entre LBJ (35,7 points de moyenne sur la série) et Gilbert Arenas (34 unités par rencontre). Les Games 5 et 6 ont été remportés d’un point par les joueurs de l’Ohio en overtime, dur. La saison suivante, la route des deux franchises se recroise à nouveau au premier tour. Cette fois, les Cavs ont fini deuxièmes de l’Est, ils affrontent donc les septièmes. En l’absence de l’Agent Zéro et de Caron Butler, le combat est déséquilibré, et les hommes de Mike Brown, l’actuel assistant des Warriors, sweepent D.C. malgré un Antawn Jamison leader au scoring sur la série (32 points de moyenne). DeShawn Stevenson n’a rien pu faire pour aider les Sorciers, il ne se passe alors rien de particulier entre lui et LeBron James.

Là où le conflit commence à préchauffer, c’est lors de la saison régulière suivante. Les deux joueurs ont un ami en commun, Drew Gooden, joueur de Cleveland à cette époque. D’après ce qu’aurait confié ce dernier à son ami DeShawn (avec qui il fait un concours de barbe), LeBron aurait eu de mauvais propos envers lui, d’ordre pro et perso. Ensuite, en mars 2008, les Wizards reçoivent les Cavaliers dans leur Verizon Center. Les locaux sont devants de deux points lors de l’ultime possession. Le roquet de D.C. défend sur BronBron, qui prend un pull-up du parking à 45 degrés, c’est court, game over. Les deux équipes se quittent, en direction des traditionnelles interviews d’après-match. Ici, Stevenson a confié ce qu’il pensait du gamin d’Akron. Peu de mots, mais le message est assez clair :

“Il est surcoté. Et vous pouvez dire que j’ai dit ça. […] Si vous regardez des matchs, et ce qu’il s’y passe, je sais quand je vais aller me coucher que nous devons jouer contre LeBron James. Quand je vais dormir et que je sais que je dois affronter les Lakers, je sais que la nuit va être longue. C’est la différence entre Kobe et LeBron. Je ne dis pas qu’il n’arrivera jamais à ce niveau, mais voilà ce que je pense.”

La réponse du King ne se fait pas attendre longtemps, et elle est cinglante :

“Avec DeShawn Stevenson, c’est assez drôle. (Si je lui réponds) c’est presque comme si Jay-Z disait quelque chose de méchant à Soulja Boy. Il n’y a pas de comparaison possible, assez parlé.”

Taquin le Cyborg. Désolé pour nos amis qui aiment le crank, mais Jay-Z a eu une carrière légendaire à côté de Soulja Boy, et la comparaison est loin d’être flatteuse pour Papa Smurf. La tension monte alors d’un cran, et ces personnalités vont entrer en jeu, lors de la postseason 2008. En toute fin de saison régulière, DeShawn Stevenson se confie, il espère jouer Cleveland. Il compte faire venir Soulja Boy lors de la série entre Cavaliers et Wizards, et escompte lui faire porter un maillot tamponné du numéro 2 de D.C. Ça trashtalke dans tous les sens, il balance à LeBron de faire venir Jay-Z, d’arrêter de le copier (pour la barbe).

Les vœux de l’arrière/ailier de Washington sont exaucés. Et c’est parti pour le show. Non pas un concert de Nadiya mais bien une guerre psychologique, qui va se poursuivre sur et hors des parquets. Heureusement que Twitter n’était pas prédominant à cette époque, la toile aurait explosé. Les deux premiers matchs de la série, dans la Quicken Loans Arena, sont dominés facilement par BronBron et les siens. Mais c’est bien au Game 3 que la rivalité de 2008 prend tout son sens. Soulja Boy est bien dans la salle, avec le maillot de DeShawn Stevenson. Le mec n’y connait rien au basket, mais est venu. De quoi motiver le guerrier des Wizards, qui plante cinq shoots du parking sur la tête de LBJ, dans la large victoire de son équipe 108 à 72. Caron Butler danse le “crank that” de Soulja Boy assis sur le parquet, normal. En après-match, LeBron nie toujours le fait qu’il y ait une rivalité entre lui et DeShawn :

“C’est juste un plaisantin anonyme.”

DeShawn Stevenson n’a pas manqué une occasion de répondre :

“Hey, peut-être qu’un plaisantin anonyme peut gagner.”

Cependant, Jay-Z décide de s’en mêler, le jour d’après. Il est très proche de James, et vient souvent voir ses matchs avec sa compagne Beyoncé. Le propriétaire de Tidal pose donc un petit freestyle sur le son old-school de Too Short : Blow The Whistle. Et une petite punchline rappelle le conflit entre les deux joueurs NBA :

“Qui est putain de surcoté ? Si on doit dire quelque chose, il est sous-payé”.

Ce son passe alors dans une boîte de nuit de D.C. le vendredi soir, alors que Caron Butler est dans le club à ce moment-là. Outré, le Sorcier quitte le lieu de la soirée organisée par James. DeShawn Stevenson n’était pas sur place. Malgré tout, en bon trashtalkeur, il remercie Jay-Z pour la chanson et prend ça pour un compliment. Arrive ainsi le Game 4, théâtre du basculement de la série. Cleveland s’impose 100 à 97, après de nombreuses fautes flagrantes, dont celle où The Locksmith heurte The Chosen One au visage, et lui ôte symboliquement son bandeau. BronBron s’est beaucoup plaint en fin de match, en disant que les Wizards voulaient le blesser. Brendan Haywood, le pivot de la capitale, rappelle qu’ils ne sont pas les Bad Boys, LeBron devrait arrêter de se plaindre. Et paf, un des surnoms mythiques de la NBA naît : Crybaby. Il y a alors 3-1 pour les joueurs de Mike Brown. Washington va arracher un succès 88 à 87 au Game 5, pour entretenir la flamme, mais le King est trop fort, et plie la série en 6 avec 29,8 points, 9,5 rebonds et 7,7 assists, aux côtés de Wally Szczerbiak et de Zydrunas Ilgauskas. La marche était trop haute pour les Wizards mais le duel Stevenson – LeBron a tenu les fans en haleine sur et en dehors du terrain.

Et puis, plus rien, si ce n’est quelques mots doux dans la presse. Du moins, plus rien jusqu’en 2011. DeShawn a alors trente ans, lorsqu’il va participer aux Playoffs avec les Mavericks de Dirk Nowitzki. Son rôle est un peu moins important, mais il est toujours ce défenseur acharné, cet homme de devoir, capable de planter des ficelles du parking. Dallas va loin, très loin, jusqu’en Finales NBA, où ils affrontent le Heat. Qui est arrivé cette année-là à Miami ? LBJ. Alors que l’on aurait pu s’attendre à un revival de ce feud entre James et Stevenson, le swingman semble vouloir calmer la tension avant que les débats attaquent :

“C’est toujours là [la tension, ndlr], mais c’était avec mon ancienne équipe. Je pense que c’est plutôt terminé.”

Il préfère garder cela pour le terrain, où il n’est pas tendre avec le King. Ceci dit, chassez le naturel, il revient au galop. Au terme du Game 3, remporté par le Heat 88 à 86, Stevenson ne peut s’empêcher de tailler un tutu aux joueurs de Spoelstra :

“Ils sont de superbes acteurs. Si vous les touchez, ils sont tellement dramatiques que vous pouvez obtenir une faute flagrante 2.”

Les Texans étaient trop forts, cette année-là. Ils remporteront les trois oppositions suivantes pour aller décrocher le trophée Larry O’Brien. DeShawn Stevenson aura été moins important qu’à l’époque de Washington, mais il a eu de très bons passages sur LeBron James en défense, bien relayé par Shawn Marion. Ce n’est donc pas l’ancien Wiz qui a vraiment arrêté BronBron a lui tout seul, mais le symbole est là, il a réussi à retarder l’échéance du premier titre obtenu par le Cyborg. Assez calme, car plus expérimenté pendant le temps de la série contre les Heatles, The Locksmith a pu enfin exprimer sa joie pour son premier et seul titre NBA. Il a d’ailleurs bien fait savoir au Chosen One qu’il était heureux, en se pavanant avec un t-shirt, marqué d’une des plus grosses punchlines all-time de la Ligue : “Lebron, how’s my Dirk taste ?” On vous laissera apprécier le jeu de mot à sa juste valeur. Grande classe.

Beaucoup ont essayé, peu y sont arrivés. Stopper LeBron James, c’est quasiment impossible. Pour le limiter, c’était bien DeShawn Stevenson qui avait la clé. Ce dernier aura fait des émules. Mais seul un quasi homonyme, avec le même profil physique (et peut-être quelques troubles mentaux) est parvenu à l’imiter, en limitant le King à sept points lors d’un match de Playoffs. Lance Stephenson n’avait pu empêcher BronBron de passer au tour suivant. Le prochain LeBron-stopper ? Il se nommera Olafur Stefansson, ou quelque chose du style. Cependant, le tout premier, si ce n’est le seul, à avoir jamais réussi dans cette mission suicide, c’est DeShawn Stevenson, à qui on peut aujourd’hui souhaiter un joyeux 37ème anniversaire.

Sources texte : sbnation.com, Youtube/sbnation, ESPN