Steve Francis a galéré en fin de carrière, mais pas que : il en a aussi chié dans sa jeunesse

Le 10 mars 2018 à 13:38 par Aymeric Saint-Leger

Steve Francis
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Steve Francis, c’était beaucoup de talent, et au moins autant de problèmes. Très fort joueur des années 2000, il a été brisé par une maladie, dite de Ménière, par des blessures, et par le manque de confiance des franchises par lesquelles il est passé en fin de carrière. On retiendra malgré tout ses neufs saisons dans la Ligue, son concours de dunk en 2000, son exubérance, son trashtalking et son charisme. Il a galéré une fois sa carrière terminée, c’est malheureusement connu de tous. Ce qui est plus méconnu, c’est son parcours avant la NBA. Retour sur une enfance minée de soucis, et sur un récit bouleversant. 

Quand le doux nom de Steve Francis résonne, de beaux souvenirs reviennent en tête. Celui d’un joueur électrisant, avec des drives si rapides, des dunks surpuissants, des crossovers dévastateurs. Triple All-Star, Stevie Franchise a passé la plus belle partie de sa carrière à Houston, où il vit encore aujourd’hui. Celui qui a malheureusement été une étoile filante dans la Ligue est passé d’un rêve à une toute autre réalité, une fois sa carrière terminée. Il a tenté de multiples come-backs, sans succès, et a eu des problèmes, notamment avec l’alcool. Il semble aller un peu mieux aujourd’hui, puisqu’il a pu se confier, en écrivant une lettre concernant une toute autre période de sa vie, celle avant la NBA, de son enfance à son adolescence, jusqu’à sa Draft et sa saison rookie, en 1999. Dans ce récit, Steve-O revient sur des moments flippants, touchants, qui ont forgé son caractère, mais qui l’emmenaient surtout à l’opposé de la possibilité de fouler ne serait-ce qu’un parquet NBA, un jour, là où ses idoles, Gary Payton et Hakeem Olajuwon font leur show. Steve Franchise a eu une situation familiale compliquée, entre le décès prématuré de sa mère, son père qui croupit en prison des décennies durant, le suicide de son beau-père. Il est malgré tout parvenu à s’en sortir, avec de la persévérance et du hustle, à l’image de ce qu’il était sur un terrain de basket. Dans son long texte dans The Players Tribune, intitulé “I got a story to tell”, l’ancien meneur explosif est revenu sur son parcours semé d’embûches :

“Quatre ans avant que je me trouve dans cet avion avec Hakeem qui me disait qu’on allait acheter des costumes en cachemire ensemble – quatre ans avant que je sois sur le point de jouer contre Gary Payton – j’étais au coin de la Maple Avenue, à Tahoma Park, dans le Maryland, vendant des drogues devant le restaurant chinois. Ma mère venait de mourir. Mon père était dans un pénitencier fédéral. Nous étions 18 personnes à vivre dans le même appartement. Pas d’études. Pas de baccalauréat. Rien. […] C’est l’année 95 ! Je regarde Allen Iverson déchirer à Georgetown, pas loin de là ou je suis, et je me tiens debout au coin de la rue toute la journée, construisant mon petit empire de la drogue, en essayant juste de ne pas me faire voler. Puis la nuit j’allais jouer au basket au sous-sol d’une caserne de pompiers. […] Peu de personnes connaissent ma vraie histoire. Des fois je me demande même ‘Mec, comment en es-tu arrivé jusqu’à dans cet avion avec Dream [Hakeem Olajuwon, ndlr] ?'”

“Je n’essaie pas de glorifier le trafic de drogues. Il n’y a aucune gloire là-dedans. Mais vous devez comprendre d’où je viens, et de quelle époque. J’ai grandi à D.C. dans les années 80, pendant l’épidémie du crack. Ne l’appelez jamais l’ère du crack. C’était une épidémie. Le crack a dévasté notre communauté entière. C’était comme un fléau. Je l’ai vu. Je l’ai vécu. J’en ai vendu.”

Steve Francis a ensuite rappelé le premier souvenir de son enfance, quand il a rendu visite à son père avec sa mère. Ils l’ont déshabillé. Lui s’en fichait, mais c’était pour vérifier qu’ils ne faisaient pas entrer de drogue. La situation était comme cela à D.C., et le père de Stevie Franchise était un caïd :

“Il était un homme très connu à D.C. Ça en était de même pour mes grands frères. C’était juste ma réalité. Mais j’étais très petit, et quand ma mère et mon père se sont séparés, le message de ma mère à mes frères était toujours ‘Pas Steve. Jamais Steve. Cela doit se passer différemment pour lui.'”

Le jeune Steve avait un rôle bien particulier lorsqu’il traînait dans les rues de Tahoma Park. Mais c’est aussi à ce moment-là qu’il a développé des compétences basketballistiques :

“Quand j’avais dix ans, j’ai eu mon premier travail, en tant que ‘phone boy’. Vous savez tous de quoi il s’agit ? C’était simple. J’attendais en dehors du restaurant chinois, et je m’asseyais sur le bord du trottoir, à côté de la cabine téléphonique, l’air innocent, et dès que le téléphone sonnait, je répondais. C’était toujours des gens qui cherchaient de la drogue, des prostituées, ou quoi que ce soit. Je leur disais où rencontrer les dealers, et c’était fini. Toute la journée, toute la nuit. Il y avait 50 dealers à un coin de rue, 50 à un autre. Et le petit Steve, posté prêt de la cabine téléphonique. […] Il n’y avait rien d’autre à faire, donc pour passer le temps j’avais l’habitude de shooter un ballon de basket dans le toit de la cabine téléphonique. On avait arraché le toit, et il y avait juste assez d’espace pour qu’une balle rentre dans la cabine par le haut. Mais c’était carré, donc il fallait faire un swish parfait avec une courbe très arrondie, et même si vous le faisiez, ça rebondissait souvent sur les côtés de la cabine.”

La passion pour la balle orange de Stevie Franchise l’a fait connaître dans son quartier comme “Lil Steve With the Basketball”. Entre le décès de sa mère, ses galères pour jouer au basket au lycée (il n’aura disputé que deux matchs) et tant d’autres soucis, le chemin du meneur de Houston a été plus que complexe. Sa porte de sortie a été une université, loin de chez lui :

“Ça trottait dans ma tête. Je ne pouvais pas arrêter d’y penser. J’avais une porte de sortie, ce n’était pas Duke, disons-le comme ça. C’était l’université de San Jacinto… au Texas. Un de leurs coachs m’a vu jouer à un tournoi AAU, et ils ont dit qu’il y avait une place pour moi dans l’équipe. Une université junior, sérieusement ? Et qu’est ce que je connais du Texas ? […] Mais ma grand-mère m’a convaincu que c’est ce que ma mère aurait voulu pour moi, et j’y suis allé. J’ai eu mon diplôme [équivalent au baccalauréat, ndlr], ma grand-mère m’a donné 400 dollars et un billet d’avion à Houston. Les coachs de San Jacinto sont venus me chercher au même aéroport où les coachs de Houston étaient venus chercher Dream quand il est arrivé du Nigeria. Et honnêtement, j’étais aussi choqué que ce qu’il a été. Il y avait 30 000 blancs et moi, Steve. Un choc de cultures total. Mais finalement j’ai trouvé de la stabilité, un lit, une place dans l’équipe. En ayant ça, je vous le dis, j’y suis allé et j’ai déchiré.”

À partir de là, Steve a commencé son élévation. Plusieurs coachs de facs prestigieuses l’ont repéré, lui ont fait passer des interviews, mais Francis a fini par retourner à la fac du… Maryland, à l’âge de 21 ans. Un an après, il était drafté en NBA, en seconde position derrière Elton Brand, en 1999. On connaît la suite de l’histoire, co-rookie de l’année, etc… Quoi qu’il en soit, Stevie Franchise a rédigé un superbe texte, poignant, dépeignant un contexte si dur. Avec franchise, avec honnêteté, il parle fort, lâche des mots durs, et cela permet de saisir tout ce qu’il a traversé, à travers maintes et maintes anecdotes sur son enfance, sur son adolescence. Le meneur All-Star des Rockets n’était clairement pas prédestiné à venir jouer en NBA un jour. Entre la drogue, le contexte familial, le lieu, sa petite taille lorsqu’il était jeune, tout semblait aller contre lui. Mais Steve-O a fait ce qu’il a toujours réalisé, et ce qu’il fera encore sans doute à l’avenir : se battre, lutter, pour progresser ou remonter la pente. Alors même que c’était inattendu pour lui, ça a fini par payer, et il résume parfaitement le changement de monde qu’il a vécu entre la rue dans le Maryland et la célébrité, la richesse à Houston :

“À 18 ans, je vends des sachets [de drogue, ndlr] dans un coin de rue à Takoma Park, et je me fais voler, menacé par des pistolets. À 22 ans, je suis drafté dans la National Basketball Association, et je serre la main de David Stern.”

En quatre ans, la vie de Steve Francis a complètement changé. Il a eu un destin compliqué, avec des pics de bonheur, et des moments de détresse. Que ce soit à 3 ans, à 25 ans ou bien actuellement, c’est ça, Steve Francis : un battant qui est allé chercher tout ce qui lui est arrivé de bien dans la vie. Il le décrit bien dans ce texte, où il parle aussi de Houston, de son après-carrière, de Hakeem Olajuwon et tant d’autres choses. Ça vaut largement le détour.

Source texte : The Players Tribune