1993-94, la saison où Scottie Pippen a prouvé qu’il était plus qu’un lieutenant : retour sur une campagne de MVP
Le 25 sept. 2017 à 16:19 par Nicolas Meichel
Membre du Hall of Fame depuis 2010, Scottie Pippen est incontestablement l’un des meilleurs ailiers à avoir foulé un parquet NBA. Mais malgré ce statut, son nom sera toujours associé à celui de Michael Jordan, qu’il a parfaitement secondé à Chicago durant les années 90. En d’autres termes, l’ancien numéro 33 des Bulls a cette étiquette de lieutenant ultime collée à la peau, ce qui est à la fois un compliment et une critique. Du coup, TrashTalk a estimé nécessaire de faire un zoom sur sa formidable saison 1993-94, où il a montré qu’il était bien plus que ça…
6 octobre 1993. Ce jour-là, la planète basket subit un séisme de magnitude 23 sur l’échelle de Naismith avec la retraite officielle de Michael Jordan. La mort de son père, associée à une perte de motivation suite à trois titres NBA consécutifs, poussent le meilleur joueur du monde à raccrocher les sneakers. Evidemment, le choc est énorme, en particulier pour les Bulls, qui viennent de perdre leur leader, leur magicien, leur alpha dog. Que vont devenir les Taureaux sans MJ ? Comment vont-ils s’en sortir ? Vont-ils s’effondrer ? Vont-ils immédiatement disparaître de la carte NBA ? Pour les experts de l’époque, le départ de Jordan est synonyme de fin de règne pour Chicago. Nombreux d’entre eux pensent même que les Bulls sont incapables d’accrocher les Playoffs sans le grand numéro 23. Quand vous retirez un phénomène qui vaut plus de 30 points par match et qui collectionne les récompenses de MVP, on s’attend logiquement à une régression importante au niveau des résultats. Mais l’implosion annoncée des Bulls n’est jamais arrivée. Et l’une des raisons à cela, c’est le niveau de jeu exceptionnel de Scottie Pippen durant la campagne 1993-94.
En effet, cette saison-là, le lieutenant de Jordan devient le leader de l’équipe. Comme un symbole, il prend le vestiaire de MJ suite à son départ, afin de montrer à tout le monde qu’il est prêt à porter ses couilles et assumer de nouvelles responsabilités. Cependant, les choses ne se déroulent pas très bien pendant les premières semaines de la saison régulière. Pippen est blessé à la cheville, les Bulls débutent avec sept défaites en 12 matchs, et une année galère semble se dessiner pour Chicago. Mais à partir du mois de décembre, on assiste à un changement radical. De retour après ses petits pépins physiques, Scottie joue un basket de rêve et transforme son équipe en rouleau compresseur. Que ce soit à travers ses points marqués, ses qualités de playmaker ou sa défense de malade mental, Pippen porte les Bulls et démontre son immense talent, le tout dans son nouveau costume de numéro un. Résultat, Chicago se retrouve avec 34 victoires et 13 défaites au compteur au moment du All Star Weekend !
“Scottie n’essaye pas d’être ce qu’il n’est pas. Il ne tente pas d’inscrire 30 points par match. Il joue simplement de la façon dont Scottie Pippen joue, il distribue le jeu. Les grands joueurs rendent les autres meilleurs. Et c’est réellement ce que fait Scottie.” – John Paxson, coéquipier de Pippen entre 1987 et 1994 (via le livre de Phil Jackson, “Eleven Rings”).
En plein sur sa lancée, l’homme à tout bien faire des Taureaux domine le match des étoiles, qui voulait encore dire quelque chose à l’époque. Il marque 29 points, prend 11 rebonds et vole quatre ballons, avec un joli 9/15 au tir en prime et les fameuses Nike Air Maestro II rouges aux pieds. Il est logiquement nommé MVP, et confirme ainsi qu’il est passé dans une nouvelle dimension. Suite à ce week-end glorieux, les Bulls de Scottie traversent une période de turbulences mais parviennent à rebondir pour terminer la saison régulière avec un bilan inespéré de 55 succès et 27 revers, ponctué par une très belle troisième place au sein de la Conférence Est. Bref, la franchise de l’Illinois a fait mentir tout le monde en ne gagnant que deux matchs de moins par rapport à l’année précédente, et les experts NBA ont tout simplement sous-estimé l’excellent collectif des Bulls, le coaching de Phil Jackson, et les qualités de leadership de Scottie Pippen. Ce dernier termine la saison avec des moyennes de 22 points, 8,7 rebonds, 5,6 passes décisives et 2,9 interceptions par match, à 49,1 % de réussite au shoot. Grâce à ses exploits et son all-around game exceptionnel, Pip’ termine troisième dans la course au MVP et est nommé dans la première équipe All-NBA, ainsi que dans la meilleure équipe défensive. Du très, très lourd !
“Scottie Pippen était un leader incroyable cette année-là, et méritait probablement le titre de MVP de la ligue. C’était une année où il avait montré à tout le monde à quel niveau de qualité il pouvait évoluer, et son équipe a très bien joué, de manière très altruiste.” – Phil Jackson, en référence à la saison 1993-94 de Scottie Pippen.
La suite, c’est évidemment les Playoffs 1994. Au premier tour, Scottie élève encore son niveau de jeu et permet à Chicago de balayer Cleveland 3-0. Ensuite, place aux Knicks de Patrick Ewing, John Starks, Charles Oakley et Cie, qui veulent profiter de l’absence de Jordan pour battre enfin ces Bulls. Pour rappel, Chicago a dégagé New York les trois années précédentes malgré les efforts et le jeu hardcore de la bande à Pat Riley. Durant cette série, Pippen va connaître des hauts et des bas. D’abord, il y a ces deux défaites au Madison Square Garden, où Scottie ne joue pas forcément au niveau espéré. Mais surtout, il y a ensuite cet incident lors du Game 3, qui vient tâcher sa formidable campagne. A égalité avec les Knicks 102-102 alors qu’il ne reste qu’1,8 seconde au chronomètre, les Bulls ont l’opportunité de remporter la rencontre sur un dernier shoot. Le coach Phil Jackson décide de créer un système pour libérer Toni Kukoc, avec Scottie Pippen à la remise en jeu. Pip’ voit rouge et reste assis au bout du banc, frustré de ne pas pouvoir prendre le tir décisif, finalement marqué par le jeune Croate. Cette réaction radicale, qui ne lui ressemble pas du tout, est fortement critiquée par les médias, mais elle a le mérite de montrer une bonne chose. Sans Jordan, Pippen ne se considère plus comme un lieutenant, et ce choix de Jackson est selon lui un manque de respect par rapport à sa très belle saison.
Après cet épisode, Scottie présente ses excuses devant ses coéquipiers, logiquement déçus par son comportement égoïste. Quant au Zen Master, il fait honneur à son surnom et décide de passer l’éponge. Pippen rebondit de la meilleure des manières lors du Game 4, où il mène les siens à la victoire en alignant 25 points, huit rebonds et six passes décisives. Mais dans la rencontre suivante, il connaît une nouvelle déception en fin de match. Devants au score 86-85 à sept secondes du buzzer final, les Bulls sont tout proches de prendre le contrôle de la série au Madison Square Garden. Les Knicks ont une dernière possession pour repasser en tête, et donnent le ballon à John Starks sur la remise en jeu. Ce dernier, voyant la défense de Chicago se refermer sur lui, ressort la gonfle pour Hubert Davis, ouvert face au panier. Pip’ tente alors de contester le shoot et se précipite sur l’arrière new-yorkais. Le tir est parti, la balle rebondit sur le cercle, mais l’arbitre Hue Hollins craque son slip donne un coup de sifflet aussi discutable que controversé (surtout à l’époque) et envoie Davis sur la ligne des lancers francs. Switch, switch, 87-86 Knicks, game over ! Voici le tournant de la série, et de la saison pour les Taureaux. Ces derniers parviennent certes à égaliser lors du sixième match, où Pippen se venge en martyrisant Patrick Ewing et en ordonnant à Spike Lee de poser son cul sur sa chaise, mais New York remporte la manche décisive et file en Finales de Conférence. C’est ainsi que la magnifique saison de Pip’ et des Bulls s’arrête.
Dans l’ombre de Michael Jordan pendant une grande partie de sa carrière, Scottie Pippen a montré cette saison-là à quel point il pouvait être exceptionnel. Sans aucun doute, la campagne 1993-94 de Pip’ est un petit chef-d’oeuvre en matière de leadership et de polyvalence. Malheureusement, cette version de Pippen n’a pas duré très longtemps, puisque MJ est revenu dès mars 1995. Mais au moins, l’ailier des Bulls a réussi à prouver qu’il était beaucoup plus qu’un simple lieutenant !