LeBron James, l’empereur solitaire de l’Est : itinéraire d’un roi obligé de forcer son destin
Le 14 juin 2018 à 19:17 par Clément Hénot
Cela n’a échappé à personne, LeBron James a atteint les Finales pour la huitième fois consécutive et pour la neuvième fois de sa carrière. D’ailleurs, c’était un joyeux bordel sur notre planète la dernière fois que LeBron matait les Finales depuis son sofa. Neuf Finales à 33 ans et en 15 ans dans la Ligue, c’est une statistique assez exceptionnelle. Et si on revenait ensemble sur le parcours l’Elu ?
Après ses deux premières saisons sans Playoffs, LeBron découvre enfin la postseason en 2006 mais doit s’arrêter en demi-finales de Conférence face aux Pistons, on se dit alors que la machine est lancée et que le jeune prodige continue son ascension logique vers les sommets.
2007 : la claque de bienvenue
Nous sommes désormais en 2007, LeBron James n’a que 22 ans et fête sa quatrième saison dans la Ligue. Après avoir pris sa revanche en Finale de Conférence Est sur ces mêmes Pistons en six matchs, les Cavs, ses Cavs atteignent déjà les Finales NBA pour la première fois de leur histoire, aucun joueur de l’effectif n’a disputé le moindre match à ce stade de la compétition. L’intégralité, LeBron compris, va donc connaître son dépucelage. En face, se dressent les Spurs de notre Tony Parker national, ils ne sont pas encore considérés comme “trop vieux” c’est pour dire !
LeBron James se bat comme un beau diable, ce n’est rien de le dire, mais malgré des moyennes de 22 points, 7 rebonds et 6,8 passes, il ne shoote qu’à 35,5% et 20% du parking. En faisant 4/16 au premier match, 9/21 au second, 9/23 au troisième et 10/30 au quatrième, LeBron James a clairement dévissé. Pouvait-on cependant lui en demander plus avec Zydrunas Ilgauskas, Drew Gooden, Daniel Gibson et Sasha Pavlovic qui l’accompagnent dans le 5 ? Il mériterait même un titre spécial pour avoir emmené ce squad à ce stade de la compétition. Seuls Gooden et Gibson dépassent les 10 points de moyenne. Le score est sans appel : 4-0 pour les Spurs qui passent un coup de Swiffer sans jamais avoir donné l’impression d’être inquiétés et s’en vont. Tony Parker est élu MVP des Finales et Tim Duncan déconne avec LeBron dans les couloirs de la Quicken Loans Arena.
“Cette ligue va t’appartenir, c’est cool de nous l’avoir laissée cette année.”
Sauf qu’en attendant, ce sont les Celtics de Paul Pierce, Kevin Garnett et Ray Allen qui se dressent sur sa route, LeBron James doit s’incliner 4-2 au second tour face au futur champion en 2008, l’année suivante, c’est Orlando qui stoppe net le parcours de LeBron et ses sbires en Finales de Conférence, toujours sur le score de 4-2 malgré un impressionnant buzzer beater lors du Game 2 devant son public. 2010 ressemble étrangement à 2008 : défaite 4-2 face à Boston. LeBron James enlève son maillot à la fin du Game 6 et les spéculations vont déjà bon train quant à son avenir.
2011 : la cagade inexplicable
Quatre ans après ses premières Finales, LeBron James est de retour mais il porte cette fois-ci les couleurs du Heat de Miami. Ce choix controversé d’avoir formé une superteam avec ses potes Dwyane Wade et Chris Bosh est extrêmement controversé et lui confère une vague incroyable de haters. LeBron est seul contre tous et parvient à se hisser en Finales NBA après avoir écarté les Bulls 4-1. Dallas se présente face au Heat pour un remake de la Finale de 2006.
Miami gagne son premier match mais doit céder l’avantage du terrain sur la seconde manche, ils parviennent tout de même à le récupérer dès le premier match disputé à Dallas. Toutefois, LeBron paraît emprunté, comme tétanisé par tous ses haters qui ne réclament que sa chute lors de ces Finales, pour maudire un Roi qui a quitté ses terres. James semble vouloir trop bien faire et ne pas vouloir tirer la couverture à lui, alors que c’est justement son rôle. Le Game 4 est un enfer pour le King : 8 points à 3/11 aux tirs et 4 pertes de balle avec la défaite en prime, incontestablement l’un de ses pires matchs en carrière. Le score est de 2-2 mais les Mavs prennent les deux matchs suivants et donc le titre NBA. L’ogre tombe face au collectif texan et LeBron perd une nouvelle fois. Il ne score “que” 17,8 points par match mais le plus choquant est sa moyenne de tirs tentés : 15 en moyenne par rencontre (90 au total). Ses détracteurs s’en délectent, de toutes ses Finales perdues, 2011 semble la seule où LeBron James a réellement beaucoup de choses à se reprocher, mais il est écrit que l’Elu ne peut pas en rester là.
2012 : la consécration !
En 2012, LeBron James revient une nouvelle fois avec les crocs. toutefois il est très proche de voir de nouveau les Celtics lui barrer la route lorsqu’il est mené 3-2 par la Green Nation. Cependant, LeBron est héroïque et renverse la tendance pour l’emporter 4-3 et accéder à ses troisièmes Finales. En face se dresse le Thunder de Kevin Durant, Russell Westbrook et James Harden, destiné à être la nouvelle force de l’Ouest et dont le potentiel peut clairement tout détruire (si tu es fan du Thunder, pose immédiatement ce whisky), ces derniers vont remporter le premier match, mais ne verront plus la lumière du jour ensuite, si KD assume son statut, son marsupilami de coéquipier a beaucoup plus de mal tandis que The Beard passe carrément à côté de ses Finales.
Une aubaine que Miami n’attendait même pas, cette fois-ci, LeBron James écrase tout ce qui a le malheur de se trouver sur sa route : 28,6 points à 47% aux tirs, 10,2 rebonds et 7,4 passes décisives de moyenne et un premier titre, que l’opinion publique trouvera controversé du fait de la superteam qu’il a sciemment contribué à construire, mais amplement mérité d’un point de vue individuel tant LeBron roule sur la Ligue.
2013 : des suées, mais un doublé !
LeBron est donc de retour l’année suivante (on va souvent utiliser cette phrase jusqu’à la fin de l’article, on prévient) face aux Spurs de Tony Parker, qui cette fois, ont vraiment vieilli. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que lesdits vieux vont pousser LeBron et ses amigos dans leurs derniers retranchements. Game 1 remporté in extremis par les Spurs sur un shoot clutch de Tony Parker qui fait sortir LeBron de son short. Le Game 2 est remporté par le Heat après un incroyable 33 à 5 passé par la franchise floridienne. Le Game 3 est disputé jusqu’à la mi-temps mais les Spurs infligent finalement une branlée au Heat sous l’impulsion de… Gary Neal et Danny Green. LeBron semble de nouveau emprunté et ses vieux démons de 2011 ressurgissent mais ce Game 4 vient rassurer tout le monde : 33 points à 15/25 aux tirs, 11 rebonds, 4 passes et une seule balle perdue pour le King qui revient à égalité. Le Game 5 est remporté à domicile par les Spurs, le Heat est mené 3-2 mais a une nouvelle chance à la maison.
Et une partie d’histoire s’écrit sur ce match : LeBron joue à l’époque avec un bandeau mais le perd en cours de match, oubliant ses superstitions, il ne le remet pas en cours de match et livre un dernier quart-temps absolument dantesque pour remettre Miami, qui accusait 10 points de retard à l’aube de l’ultime période, à flot. Mais cela semble encore insuffisant, les Spurs gagnent de 5 points à 28 secondes de la fin, LeBron a une occasion à 3-points mais se loupe, Mike Miller chope miraculeusement le rebond et la rend au cyborg qui ne manque pas sa cible deux fois de suite. Miami est à 2 points et San Antonio prend son dernier temps-mort, Kawhi Leonard est envoyé aux lancers, le premier est loupé mais le second est dedans. 95-92, les Texans restent à portée de tir. La suite appartient à Ray Allen qui remet tout le monde d’accord d’un shoot qui n’a plus de secret pour personne. Le Heat va forcer un Game 7 dans cette prolongation après un ultime block de Chris Bosh et l’emporter au bout du suspense. LeBron vient là de disputer les Finales les plus haletantes de sa carrière et de loin. Le doublé est dans la poche pour le Roi, qui voit déjà sa cote de popularité remonter un petit peu. Sinon Timmy, tu te souviens de ce que tu disais six ans plus tôt ? Bah on arrive.
Pendant ce temps, les Cavaliers sont toujours dans les méandres du classement à l’Est mais continuent de se reconstruire.
2014 : la partition parfaite des vieux
Un an plus tard, les deux mêmes équipes se retrouvent. LeBron James veut son three-peat, mais les Spurs veulent laver l’affront de la seule défaite de leur histoire en Finales NBA. Le King joue à un niveau incroyable : 28,2 points, 7,8 rebonds et 4 passes de moyenne à des pourcentages dantesques : 57% aux tirs et 52% depuis South Beach. Sauf qu’en face, il y’a un collectif tout simplement ahurissant. Tim Duncan et Tony Parker retrouvent leurs jambes de 20 ans, Manu Ginobili se rattrape de ses Finales abominables de l’an passé, et en plus, le monde assiste à l’avènement de Kawhi Leonard qui fait un travail monstre des deux côtés du terrain et qui finira MVP des Finales. Les Spurs offrent une leçon de collectif à laquelle même le meilleur joueur de la planète ne peut rien : il doit s’incliner 4-1 et demeurer admiratif d’une telle partition. Les Spurs ont évolué à un niveau collectif bien trop élevé pour que l’individualité de LeBron James, insuffisamment épaulé par Dwyane Wade et Chris Bosh.
2015 : le roi isolé
Durant l’été 2014, LeBron James décide qu’il est temps de revenir chez lui, à Cleveland, pour reprendre ce qu’il avait entrepris en 2003 : y ramener un titre. Depuis le temps, les Cavs ont pu commencer une reconstruction en draftant Kyrie Irving, Tristan Thompson, Anthony Bennett (oui oui…) et Andrew Wiggins, ces deux derniers sont envoyés à Minnesota pour rapatrier Kevin Love.
Les Cavs sont de nouveau compétitifs et vont même retrouver les Finales NBA dès l’année où LeBron James revient sur ses terres. En face, les Warriors emmenés par leur infernal Stephen Curry qui ne savent (peut-être) pas encore qu’ils vont écraser la Ligue pour les prochaines saisons. Sauf qu’une tuile arrive très vite sur ces Finales : Kyrie Irving se craque le genou, Finales évidemment terminées, LeBron va encore se retrouver à porter tout le monde sur son dos, car Kevin Love est aussi sur le flanc après s’être fait déboîter l’épaule par une prise d’UFC de Kelly Olynyk au premier tour.
James a beau se démultiplier en signant 35,8 points, 13,3 rebonds et 8,8 passes, il est réellement trop seul pour espérer quoi que ce soit et doit de nouveau s’incliner. A ce moment précis, il en est à 2 victoires pour 4 défaites en Finales.
2016 : la rédemption !
Un an plus tard, on peut dire que c’est le début d’une vraie rivalité entre Golden State et Cleveland, qui se retrouvent pour la deuxième fois en autant de Finales. Cette fois, ce sont les Warriors qui sont touchés par les blessures avec Stephen Curry diminué, puis Andre Iguodala et Andrew Bogut qui voient leurs Finales tronquées. Golden State semble tout de même en très bonne voie pour faire le back-to-back en menant 3-1, sauf que Draymond Green est suspendu pour le Game 5 après un accrochage avec James et la série va complètement basculer à cet instant. Les Cavs reviennent à 3-2 mais Golden State a encore deux occasions, dont une à domicile de plier ça, mais Cleveland fait le boulot à la maison et force un ultime match à l’Oracle Arena.
Sans Andrew Bogut, avec Iguodala et Curry pas à 100% et un momentum inversé, Cleveland attaque ce Game 7 avec un ascendant psychologique, et cela va se confirmer, après un 6/24 du parking des Splash Brothers, Golden State va lâcher prise, d’abord sur “The Block” de LeBron James sur Andre Iguodala, puis sur “The Shot” de Kyrie Irving qui mystifie Stephen Curry alors que le score est de 89 partout. LeBron James finit le boulot aux lancers, Golden State ne s’en relève pas : la meilleure franchise de l’histoire de la saison régulière est tombée, LeBron James ne retient pas ses larmes et exulte, il a réussi son objectif, celui qu’il s’était fixé à son entrée dans la Ligue il y a 13 ans : ramener un titre à Cleveland. Le Roi a forcé son destin, il a dû quitter ses terres pour engranger deux titres mérités du côté de Miami pendant que Cleveland se construisait grâce à la Draft étant donné les piteux résultats depuis le départ de son messie. En quittant ainsi le navire, LeBron James a donné aux Cavs la possibilité de se renforcer significativement, chose que n’a pas su faire son management, n’attirant que des joueurs de seconde zone.
2017 : victime d’une dynastie
Un an plus tard, les deux franchises se préparent pour la belle, sauf qu’entre temps, les Warriors ont enregistré la venue de Kevin Durant dans la baie d’Oakland pour noircir un peu son palmarès. Les Warriors sont donc un immense monstre à quatre têtes et Cleveland ne peut tout simplement pas rivaliser malgré un LeBron James qui a une nouvelle fois tout tenté pour vaincre son adversaire.
Sauf qu’avec Kevin Durant donc, ajouté à Stephen Curry, Klay Thompson et Draymond Green, le potentiel offensif comme défensif est effarant, la seule victoire de Cleveland dans cette série est dûe à une adresse tout simplement insolente au Game 4 pendant que Golden State dévisse (52% au tir et 53% à trois points pour les Cavs, 45% au tir et 28% du parking pour les Warriors).
Au match précédent, Cleveland pensait avoir sa chance, mais c’était sans compter sur KD qui crucifie ses adversaires d’un 3-points assassin plein de sang froid pour faire passer ses Warriors à 113-110 et transformer la Q Arena en cathédrale. LeBron rend une nouvelle fois les armes sur le parquet de l’Oracle Arena, au match 5, épuisé par tous ses efforts mais fier d’avoir jeté toutes ses forces dans une bataille déjà très déséquilibrée d’avance, les Warriors sont champions, mais cela semble comme une logique implacable tant cette équipe est un incroyable rouleau compresseur…
2018 : victime de sa propre équipe
De plus, cette bataille va de nouveau se déséquilibrer après le séisme provoqué par Kyrie Irving : le meneur demande son transfert, désireux d’être le numéro 1 et de ne plus vivre dans l’ombre du roi avec qui il a beaucoup appris (trois Finales et un titre NBA). Résultat des courses : Uncle Drew fait ses valises direction… Boston, qui est à LeBron James ce que Régis est à Sacha du Bourg-Palette, son grand rival ! Jae Crowder, Ante Zizic et surtout Isaiah Thomas font le chemin inverse. Le plus surprenant reste de voir que les deux principales forces à l’Est font leurs petits arrangements.
Isaiah Thomas souvent blessé, la mayonnaise ne prend pas à son retour et James réclame du changement à son front office qui s’exécute, de peur de le voir de nouveau quitter Cleveland à l’issue de la free agency. Ainsi, Isaiah Thomas est bazardé chez les… Lakers, en compagnie de Channing Frye pour faire venir Jordan Clarkson et Larry Nance Jr., un second trade à trois équipes permet à Cleveland de se délester d’Iman Shumpert, parti à Sacramento, puis Derrick Rose et Jae Crowder, transférés au Jazz. Dans cette manoeuvre, les Cavs récupèrent George Hill et Rodney Hood. Les Cavs new look ont une belle gueule mais cela ne suffira pas à éviter un sweep cinglant lors duquel les recrues n’ont malheureusement pas tenu leur rang.
Ces Finales ont basculé dès le premier match : George Hill se retrouve aux lancers, Cleveland est mené 106-107, l’ancien blondinet convertit le premier mais le second est un peu court, Gérard parvient à prendre le rebond et n’a plus qu’à tenter sa chance, sauf que le cerveau subit un court-circuit et Smith se précipite derrière la ligne à 3-points, pensant que son équipe est devant, il tente de trouver Hill qui catapulte le ballon en catastrophe mais trop tard, les Warriors finissent le boulot en prolongation. En revenant vers son banc, LeBron demande à Tyronn Lue s’il lui restait un temps-mort, ce dernier lui répond par la positive et le Roi est dépité devant tant d’amateurisme, si bien qu’il se fracassera la main après le match, ce qui l’a fortement handicapé.
LeBron James a donc dû se battre pendant tant d’années contre ses haters, il devait également se battre contre une incroyable dynastie qu’est en train de devenir celle des Warriors, mais jamais il pensait devoir se battre contre sa propre équipe. Les Cavs se font sweeper avec une facilité déconcertante et un constat cruel : Cleveland s’est affaibli à l’issue de cette deadline des transferts… Cet été va réellement être long dans l’Ohio.
Au final, dans chacune de ses défaites en Finale, seule celle de 2011 semble réellement impliquer la responsabilité du King. Ce passage à Miami lui a permis de débloquer son compteur, LeBron a choisi une voie controversée, mais les titres sont là. De plus, en son absence, les Cavs ont pu drafter du beau monde et monter des échanges pour faire une équipe compétitive dès son retour, avec en point d’orgue ce titre de 2016, qu’il s’était promis de rapporter. Chose qu’il n’aurait sûrement pas pu faire sans quitter sa franchise de toujours pour mieux la retrouver. Maintenant la question que tout le monde se pose est de savoir où il disputera ses prochaines Finales NBA, les dixièmes déjà !