L’inévitable gifle qui attend Stephen Curry : après la gloire, comment sera la chute ?

Le 07 mars 2016 à 21:08 par Bastien Fontanieu

Adoré, adoubé, respecté voire vénéré, le meneur des Warriors transporte son sport à des hauteurs inimaginables actuellement. Mais comme pour chaque phénomène transcendant, il devra bien y avoir une chute : comment sera celle de Stephen Curry, lorsqu’on évolue à une telle altitude ?

Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à ce type de tsunami médiatique, dans le monde de la balle orange. Même si les contextes et acteurs principaux furent différents, cette adoration globale d’un talent générationnel a déjà été aperçue dans la Ligue, créant par la même occasion un schéma-type tout à fait rationnel concernant la perpection de ce dernier. En effet, tel un bon film cainri du vendredi soir sur RTL9 dans lequel la tête d’affiche accède à la gloire et vit ses meilleurs instants, sur une bande-son généralement orchestrée par un membre huileux du Top 10 des charts, la montée vers les sommets est un passage à la fois obligatoire et jouissif de toute base scénaristique. On se prend d’amour pour le personnage, sa réussite est un aimant d’une puissance inégalable, on crée une attache sentimentale forte envers lui, au point de ne plus concevoir autre chose que des éléments de succès. Cependant, cette montée rayonnante est également préparatoire d’une suite nettement moins appréciable. Aussi frustrant et incompréhensible que cela puisse paraître quand on voit le niveau de jeu actuel proposé par le pyromane de la Baie, il y aura un jour où la Terre redeviendra son lieu de domiciliation officiel, planète hostile où l’attendront de nombreux fans armés de fourches aiguisées.

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Car s’il y a bien une page du scénario évoqué à l’instant qui voit ses lignes se dérouler dans l’ombre du personnage victorieux, c’est celle de la chute. Oui, une véritable chute, créant un point final sur la courbe de progression de l’acteur en question. L’altitude maximum est alors atteinte dans une célébration collective indescriptible, puis le retour à la réalité débarque telle une claque moralisatrice. Et dans le cadre du meneur des Warriors, il se peut que celle-ci soit d’une violence tout autant historique que son élévation actuelle, pour la simple et bonne raison que l’homme aux mains dorées ose jongler avec les éléments les plus brûlants de la sphère sportive. L’incompréhension, l’irrationel -puisqu’on parlait de rationnel un peu plus haut-, l’arrogance de ses célébrations et la rupture d’un modèle historique établi sont plus ou moins des bidons de nitroglycérine au milieu desquels Stephen Curry fait son manège. D’où, et c’est là un point fondamental à mentionner, cette vague de critiques qui lui tombe actuellement dessus. Face à l’inconnu ? Le premier réflexe est de sortir ses griffes. On ne connaît pas et on ne comprend pas, donc “forcément”, on n’aime pas. Chacun dans son coin, caca mou, grimace. C’est très con, mais c’est à respecter car c’est comme ça. Et ainsi, c’est une armée grandissante qui installe actuellement sa base dans les sous-sols de la Ligue, possédant pour seul plan de bataille la destruction détaillée et rationnelle du meneur. Ce qui, entre nous, représente un effort merveilleusement stupide sachant que Curry et rationnel sont des éléments aussi homogènes que l’huile et un verre d’eau. Mais plutôt que de vouloir analyser cette distribution de petits tacles appuyés fort sympathiques, retournons à notre téléfilm et surtout notre acteur principal.

Nous parlions de chute, cette chute inévitable qui attend Curry. Pour certains, la question est de savoir quand. Une date ? Impossible à prédire. Entre la création de son propre modèle et celui de son équipe tout simplement légendaire, un nuage épais se forme autour de l’heure d’atterrissage. Pour nous, la question sera plutôt de savoir comment. Car en atteignant une altitude actuelle que seul le satellite américain MJ23 a connu par le passé, Stephen s’offre un voyage dans l’histoire ainsi qu’un potentiel ticket pour l’enfer. Oui, son adoration restera unique en son genre grâce à un mélange qu’on peut croire scientifiquement conçu : sa taille qui le rend humain (souvenirs de l’adoration pour Allen Iverson, l’homme du peuple), son culot qui nous permet d’en douter, son profil de citoyen modèle, la joie qui transpire dans son jeu, les chiffres, le nom, les couleurs, le croisement avec une époque obnubilée par les réseaux sociaux. Tous ces éléments font le succès actuel de Curry et lui permettront de devenir une future légende appréciée du jeu, par des observateurs qui auront -au moins une fois dans leu existence-, pris leur tête à deux mains en voyant l’artiste rentrer des tirs venus d’ailleurs. Mais comme nous l’avions évoqué par le passé avec le cas LeBron, le modèle que Stephen va devoir inévitablement affronter sera celui du numéro 23. Mécanisme institutionnel systématiquement enclenché, le meneur aura droit à la comparaison -si ce n’est pas déjà le cas- avec Jordan. Combien de titres de suite, combien de MVP, quelle place dans l’histoire, quels records individuels et collectifs, l’oeuvre complète sera analysée à la loupe malgré notre envie croissante de vouloir séparer chaque individu. Michael sur sa planète, James aussi, tout comme Curry. Pire encore, en osant regarder la bête légendaire dans les yeux et en mettant des claques aux anciens, le meneur des Warriors prépare déjà -involontairement- une milice braquée sur lui, qui n’attendra que le premier signe de faiblesse pour le remettre ‘à sa place’.

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Et c’est là que l’évolution des habitants de la planète basket sera intéressante à observer, en voyant la chute logique qui attendra le numéro 30. Car devant un joueur mélangeant autant d’éléments d’absurdité, brisant les barrières du schéma habituel et jonglant avec l’égo de chacun, nombreux seront ceux qui pourront se réjouir de sa défaite. Plus que jamais auparavant, nombreux seront ceux qui, actuellement accroupis dans leur coin et marmonnant quelques virulentes critiques, pourront refaire surface avec joie. Trop insolent, pas assez complet, bien entouré voire “chanceux”, le garçon donne autant de joie qu’il rassemble les détracteurs. Ce qui -au passage- représente une caractéristique type du génie, même sportivement parlant. Mais face à un acteur devenu roi au théâtre de l’absurde, les réactions ne font pas que se diviser, elles décuplent aussi en intensité. Un mélange à la fois spectaculaire et bouleversant, explosif et repoussant, face auquel tout le monde doit avoir sa propre opinion. Au moment où ces lignes sont écrites, Curry est au sommet d’un jeu qu’il domine, qu’il pousse vers des frontières inconnues, qu’il ose bousculer avec un culot indescriptible. L’envie de le tacler en démange certains ? Soit, respectons-la comme il se doit. Mais autant prévenir les téléspectateurs, le long-métrage est loin d’être fini. En pleine ascension, Stephen est parti pour repousser sa date de retour sur Terre aussi loin que possible, et c’est tant mieux ainsi.

On ne conseille donc qu’une chose, à ceux ou celles qui connaîtraient des soucis personnels face à l’évolution du jeu ou attendent la chute du joueur qui viendra inévitablement. Sit back, relax, and try to enjoy the damn show. Car parfois, un phénomène sportif ne s’explique pas : il s’apprécie comme tel, comme un bon film cainri du vendredi soir sur RTL9.

Source image : BET