Comme un air de déjà-vu : la corrida n’est pas encore d’actualité chez les Bulls

Le 08 nov. 2015 à 19:20 par David Carroz

En virant Tom Thibodeau pour donner les clefs de la boutique à Fred Hoiberg, le duo Gar Forman – John Paxson se débarrassait d’un coach avec qui le ressort était cassé et dont ils ne supportaient plus le caractère, les méthodes et le style de jeu pour mettre en place un homme de confiance, plus malléable et dont les systèmes correspondent à la mode actuelle en NBA. Bref, une révolution était d’actualité. Pour l’instant, on attend toujours de voir.

Alors oui, seuls 7 matchs ont été joués et nous n’allons pas tirer de conclusion hâtive. Même pas 10% d’une saison marathon, on va rester calme avant de critiquer l’ancien d’Iowa State et de sonner l’alarme dans l’Illinois. Pour autant, un premier constat en guise de rappel est nécessaire : si le jeu plus rythmé, basé sur le mouvement et l’attaque prôné par Hoiberg se met doucement en place, les résultats ne sont pas encore concluants et les reproches adressés aux hommes de Thibs l’an dernier sont toujours d’actualité. Le premier d’entre eux ? Un manque de régularité dans l’intensité et la qualité des prestations, le tout sans avoir encore trouvé le bon équilibre entre les deux côtés du parquet. La même impression de ne pas exploiter complètement le potentiel de l’effectif, à défendre par intermittence ou encore à ne pas assez alterner offensivement.

Si le rythme est en effet plus enlevé (99,91 possessions pour 48 minutes contre 95,35 l’an dernier), tout est loin d’être parfait lorsqu’il s’agit de mettre le ballon dans le panier. Les progrès existent et on sent l’équipe plus menaçante, mais cela ne se traduit pas concrètement, comme les chiffres le prouvent. En effet, les Bulls ne disposent que de la 19ème moyenne de points par match (100), contre la 15ème en avril 2015 avec 100,8 pions. C’est encore plus criant si on regarde l’offensive rating, où la franchise de l’Illinois est loin des cadors (23ème avec 97 points pour 100 possessions) alors qu’avec les horribles systèmes de Thibodeau, Derrick Rose et ses comparses en scoraient 104,7 pour 100 possessions, soit la 10ème moyenne de la Ligue. Défensivement, les brèches entrevues l’an dernier sont toujours bien présentes, la forteresse bovine est loin d’être imprenable et d’offrir des garanties pour aller loin, avec 101,4 points encaissés par rencontre (18ème, pour un defensive rating de 98,8, 15ème de la Ligue) alors qu’il y a quelques mois, les adversaires des Bulls plantaient 97,8 points (10ème, pour un defensive rating de 101,5, 11ème en NBA). Pas mieux donc, et comme on a vu qu’offensivement ce n’est pas encore la fête et bien Chicago n’impressionne pas et ne décolle pas.

Pire que ces difficultés qui confirment d’une part que Tom Thibodeau n’était pas forcément le responsable de tous les maux à Windy City contrairement à ce que Pax et Forman ont voulu nous faire croire, et d’une autre qu’il faudra du temps pour que Fred Hoiberg impose son style, c’est l’absence de régularité et de détermination qui commence à agacer. Seulement 7 rencontres, et Jimmy Butler a déjà élevé la voix, après la défaite à Charlotte. Certes c’est la défense collective qu’il a pointé du doigt, mais ce sont des mots qui résonnaient déjà dans les travées du United Center l’an dernier, en particulier lors de contre performances face à des franchises moins huppées. En 2014-15, les Taureaux ont perdu 32 matchs. 14 de ces défaites ont été concédées contre des équipes n’ayant pas vu les parquets après le mois d’avril. Alors on attendra de voir si les Hornets, les Pistons et les Wolves seront en Playoffs cette saison, mais aucune de ces franchises n’est un candidat au titre. Par contre quand il s’agit de se frotter aux Cavs ou aux extra-terrestres du Thunder en antenne nationale, là il y a du monde pour se sortir les doigts. Pas question cette saison d’accorder aux Chicagoans l’excuse de l’équipe qui saura élever son niveau de jeu en post season lorsqu’il y aura toujours de l’enjeu, on a bien vu ce que cela avait donné en mai dernier. La consistance, c’est dès les premières semaines qu’elle se construit en prenant de bonnes habitudes.

Voilà pour le constat. Etonnant ? Pas forcément car les joueurs – même si les rotations ont évolué – sont toujours les mêmes, leurs qualités et leurs défauts ne s’étant pas envolés durant l’été. Il en est par contre un qui manque à l’appel, et non des moindres. Mike Dunleavy soigne toujours son dos et il ne devrait pas revenir avant la fin du mois.  Quoi, l’absence de Mike Dunleavy une explication aux soucis des Bulls ? Oui monsieur, car en terme de dureté, “Thugleavy” ne donne pas sa part au chien et son expérience sert de liant au 5 majeur. Pas convaincu ? 19 matchs sans ce bon Mike l’an dernier, 10 défaites et la période la plus compliquée dans l’Illinois lors de la saison. Mais ce n’est pas tout, comme écrit plus haut il s’agit d’UNE seul explication, et non une excuse. Entre Snell et McDermott, dans des registres différents du vétéran, les Bulls ont suffisamment de ressources pour masquer cette absence pendant quelques semaines, surtout avec la qualité des autres joueurs cadres.

Mais ce n’est pas tout, car il y a des secteurs de jeu où les hommes de Fred Hoiberg sont défaillants et cela n’a rien à voir avec l’absence de leur ailier titulaire. On pense en particulier à la stat qui fait mal surtout après les années Thibodeau : alors que l’an dernier Chicago prenait 51,3% des rebonds (5ème meilleure équipe), l’équipe se contente de 47% des prises depuis le début de la saison (27ème place). Quand on connait l’importance de ce domaine, que ce soit pour priver l’adversaire de secondes chances ou en offrir à son équipe, impossible d’être ambitieux. Cette lacune peut surprendre quand on voit que Joakim Noah ou Pau Gasol trainent dans la raquette, sans oublier les qualités athlétiques de Derrick Rose ou Jimmy Butler, bons rebondeurs pour leurs postes. En réalité, elle est évidente quand on s’y penche de plus près. Mirotic + Gasol ensemble dans la peinture = fin des écrans de retard. Et ça se paie cash, Al Jefferson, Andre Drummond et Karl-Anthony Towns se sont gavés : 17 points et 12 rebonds dont 5,6 offensifs de moyenne pour les trois pivots, et encore Big Al était en sous-régime. La doublette espagnole est très douée, dispose de skills bien au dessus de la moyenne mais elle pêche clairement dans ce secteur. Ce qui amène une question importante : faut-il continuer avec Pau et Nikola titulaires ? On le savait depuis la prise de fonction de Fred Hoiberg, les rotations intérieures seront un casse-tête dans l’Illinois, avec 4 joueurs qui pourraient jouer 30 minutes par rencontre dans la quasi-totalité des franchises NBA.

Corollaire de cette interrogation : aussi grand joueur que soit Pau Gasol, est-il vraiment un bon fit dans cette équipe des Bulls ? Cela peut paraitre saugrenu de remettre en cause le joueur qui a réalisé le plus de doubles doubles la saison dernière et qui vient de marcher sur l’EuroBasket, mais ne serait-il pas mieux de le faire sortir du banc pour exploiter au mieux ses qualités et libérer le reste de l’équipe ? On le sait, Pau est une vraie bête au poste, capable de scorer face à n’importe quel autre intérieur. Mais son 1,9 contre depuis son arrivée à Chicago ne masque pas ses lacunes en défense, entre les box out déjà évoqués et son manque de mobilité. Sans compter que sur ce début de saison, on sent que l’Espagnol a tiré sur la corde cet été et qu’il n’est pas au top de sa forme, probablement un peu cramé d’avoir tant donné pour la Roja. A 35 ans, les excès se paient vite et faire glisser Pau Gasol dans la second unit serait une manière aussi de l’économiser. Et de rééquilibrer les forces dans les rotations pour avoir deux 5 plus complémentaires et certainement plus efficace. Imaginez un peu, les titulaires qui mettent du rythme et cavalent via les cannes de Derrick Rose et Jimmy Butler, avec Noah et Mirotic. Un Jooks déterminé et capable de donner le La en défense à toute l’équipe et transmettre toute sa hargne, qui n’aura pas à scorer puisque les 4 autres joueurs (Tony Snell complétant ce 5 en attendant Dunleavy) peuvent le faire. Puis vient le moment de faire tourner, et là on peut alterner au niveau du style en abreuvant le secteur intérieur composé de Pau Gasol et Taj Gibson, Snell et McDermott s’assurant d’apporter une menace extérieure et Aaron Brooks dans un rôle de feu follet capable d’accélérer si Taj et Pau sont verrouillés. Cela peut paraitre incongru comme raisonnement, mais avec Rose et Butler pour scorer d’entrée, le pivot catalan peut être plus une gêne au bon fonctionnement de l’attaque des Bulls s’il reste aligné à leurs côtés, alors qu’il serait une arme de destruction massive s’il était employé différemment.

Un tel changement est-il possible ? À Fred Hoiberg de trancher, mais en le faisant, il serait sévèrement burné. Il est encore tôt dans la saison et cet ajustement comme d’autres peuvent encore être mis en place pour que les Bulls attaquent les Playoffs dans les meilleures conditions possibles. Rien d’alarmant encore, mais une petite tape sur la main pour dire au groupe de se réveiller.

Source image : nwitimes.com