Back 2 the Roots : Russell Westbrook, une carrière en hommage à son meilleur pote
Le 12 nov. 2018 à 20:53 par Nicolas Meichel
Bien avant la NBA, bien avant la Draft et même l’université, les grands noms du basket ont tous une histoire, souvent méconnue du grand public qui reste habituellement limité à leurs exploits sur les différents parquets US. Du coup, TrashTalk a décidé de revenir sur les origines des stars actuelles, afin de vous faire découvrir leur parcours à un moment où leur blaze n’était encore connu de personne. Au programme aujourd’hui, le roi du triple-double Russell Westbrook.
S’il y a bien un mec en NBA aujourd’hui qui ne laisse personne indifférent, c’est Russell Westbrook. Pour certains, il est avant tout une machine à stats qui ne fait pas forcément gagner son équipe ou progresser ses coéquipiers. Pour d’autres, il est un véritable phénomène capable de porter les siens à travers des performances historiques et une rage de vaincre contagieuse. Bref, le meneur du Thunder d’Oklahoma City fait partie de ces joueurs qui font débat. Même en dehors du terrain, il fait beaucoup parler à travers son style vestimentaire, que l’on peut considérer comme très excentrique. Il est comme ça Russ. Il vit sa vie à fond, il croit en lui, il fait ce qu’il veut, que ça plaise ou non. Il adopte à 200 % sa devise, “Why Not?”. Pourquoi pas intégrer la prestigieuse université de UCLA ? Done. Pourquoi pas devenir un joueur NBA ? Check. Pourquoi pas devenir un All-Star, voire le MVP de la Ligue ? Double check. Pourquoi pas devenir le deuxième joueur à finir une saison en triple-double de moyenne et effacer le grand Oscar Robertson des tablettes ? Bingo. Cette mentalité, c’est sa marque de fabrique. Evidemment, Westbrook est un monstre athlétique qui explose les statistiques et qui remplit les Top 10. Mais ce qui le caractérise en premier lieu, c’est cette rage, cette volonté de tout donner chaque soir. Ce n’est pas un hasard si des légendes comme Michael Jordan, Kobe Bryant ou Allen Iverson le kiffent. Pour faire court, il n’y en a pas deux comme lui dans la NBA actuelle. Parfois, cet état d’esprit de warrior s’explique par un environnement hardcore durant l’enfance qui développe certaines qualités, ou alors un traumatisme qui bouleverse l’individu. Dans le cas de Russell, il faut remonter à l’adolescence, période durant laquelle il a vécu une tragédie qui marque à vie.
Nous sommes en mai 2004. Westbrook a 15 piges et évolue au lycée de Leuzinger, situé à Lawndale dans le comté de Los Angeles. Régulièrement, Russ et ses potes se retrouvent au gymnase du Los Angeles Southwest College pour participer à des pick-up games face à des joueurs talentueux et plus âgés. Pour la progression, c’est l’idéal. Parmi eux, il y a un mec qui sort du lot. Forcément, on pense tout de suite à Brodie. Erreur. Le gars dont on parle, c’est son coéquipier Khelcey Barrs III, un énorme talent qui est en avance sur les gamins de son âge, Westbrook inclus. A seulement 16 ans, il est capable de dominer face à des universitaires. Il a tout ou presque. Il est grand, il est long, il est athlétique. Il sait dribbler, passer, scorer, shooter. Il peut aussi avoir un vrai impact de l’autre côté du terrain, grâce notamment à sa capacité de bâcher tout ce qui bouge. The real deal, the complete package comme ils disent aux States. Vu le potentiel du prodige, de nombreuses universités commencent à s’intéresser à lui et il semble promis à une carrière NBA. Sauf que dans la vie, rien n’est jamais acquis. Après avoir joué plusieurs matchs en ce jour de mai, Khelcey Barrs III s’écroule sur le côté du parquet alors qu’il était en train de délirer avec ses amis. Il reprend d’abord conscience quelques minutes plus tard, avant de tomber une seconde fois. A ce moment-là, Russell n’est plus dans le gymnase. Il est déjà rentré chez lui, mais il apprend très vite la terrible nouvelle. Transporté d’urgence à l’hôpital Centinela d’Inglewood, KB3 ne parvient pas à s’en sortir et décède d’une hypertrophie cardiaque.
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Le choc est immense pour sa famille, ses amis et la communauté de Leuzinger, d’autant plus que personne n’était au courant de ses problèmes de cœur. Westbrook est particulièrement touché par la perte de Barrs, qui représentait bien plus qu’un coéquipier pour lui. En effet, les deux gamins étaient comme des frères. Ils ont grandi ensemble du côté de Hawthorne, une ville de 80 000 habitants au sud-ouest du comté de Los Angeles. Ils habitaient l’un en face de l’autre et étaient tout simplement inséparables. Que ce soit pour jouer à la grosse balle orange, aller en cours ou tout simplement passer du bon temps, Russ et Khelcey ne se quittaient plus. Surtout, ils partageaient les mêmes rêves. Enfiler le maillot de la grande université de UCLA, puis rejoindre la NBA. Pourtant, à l’époque, Westbrook évoluait dans l’ombre imposante de son pote. KB3 était considéré comme l’un des joueurs les plus prometteurs de l’Etat de Californie, tandis que Russell n’était que remplaçant lors de ses deux premières années de high school car il n’était pas encore assez développé sur le plan physique. UCLA et USC s’intéressaient de près à Barrs et l’université de DePaul lui avait déjà offert une bourse d’études. Dans le même temps, Westbrook devait se contenter des appels de Loyola Marymount, Creighton ou encore Kent State, à savoir des écoles de seconde zone. Cette différence de reconnaissance n’a cependant jamais pesé sur leur amitié, au contraire. Les deux se sont toujours soutenus afin de pouvoir accomplir leurs désirs les plus fous. Malheureusement, la tragédie de mai 2004 a brisé cette magnifique complicité.
Après la mort de Khelcey, Russ est devenu un autre animal, celui qu’on a l’habitude de voir aujourd’hui. Déterminé, enragé, inarrêtable. Il avait déjà la dalle avant la perte de son meilleur ami, mais ce drame a réveillé quelque chose en plus chez lui. Comme un pouvoir enfoui qui est finalement devenu exploitable. Il a pris conscience que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain, de façon cruelle. Il a pris la responsabilité de tout donner pour son pote parti beaucoup trop tôt, sur le terrain mais aussi en-dehors, puisqu’il n’hésitait pas à faire des corvées pour soulager la grand-mère de KB3. Le basket était soudainement devenu un moyen pour lui rendre hommage, le rendre fier, et perpétuer sa mémoire. Cette évolution mentale de Westbrook a été accompagnée d’une évolution physique, lui qui a atteint les 190 centimètres au moment de commencer sa dernière saison au lycée. Au cours de celle-ci, il a affolé les compteurs et a guidé son équipe vers un bilan de 25 victoires pour quatre défaites. Résultat, l’entraîneur de l’université d’UCLA Ben Howland, qui était initialement intéressé par Barrs, a pris son téléphone pour offrir une bourse d’études à Russell. Sans surprise, ce dernier a choisi de porter le maillot des Bruins, comme c’était prévu dans son plan commun avec Khelcey. Remplaçant derrière Darren Collison au cours de sa première année universitaire, Westbrook a profité de la blessure de l’actuel meneur d’Indiana pour prendre la place de titulaire et remporter le titre de meilleur défenseur de la Conférence Pac-10 lors de sa saison sophomore. Il a ainsi fortement aidé UCLA, avec la complicité de Kevin Love et Luc Mbah a Moute, à se qualifier pour le Final Four pour la deuxième année consécutive. La suite, c’est une sélection à la quatrième position de la Draft 2008 par les Seattle SuperSonics, et la carrière NBA exceptionnelle que l’on connaît.
“Russell vit son rêve pour son ami. Je crois que l’énergie de Khelcey réside dans Russell et le pousse à être le MVP de la Ligue. Ce qu’il s’est passé avec Khelcey, je suis sûr à presque 100% que cela lui donne une motivation supplémentaire, encore aujourd’hui. Il n’a pas le droit d’abandonner rien qu’à cause de cela.”
– Chris Young, coach assistant de l’équipe de Leuzinger entre 2003 et 2010 (via Vice Sports).
Encore aujourd’hui, Russell Westbrook rend hommage chaque soir à Khelcey Barrs III. Avant chaque rencontre, il enfile un bracelet avec les initiales de son pote et le numéro qui le caractérisait, KB3. Sur ses chaussures Jordan Brand, on peut retrouver l’inscription RIP KB3. Mais au final, la meilleure manière de lui faire honneur, c’est en jouant à fond et en donnant son maximum. C’est pourquoi Brodie débarque tout le temps avec le couteau entre les dents, avec la volonté de tout casser. Sans cette tragédie, Russ ne serait peut-être pas le phénomène qu’il est aujourd’hui, à savoir un multiple All-Star, un MVP, un champion olympique et un joueur qui a déjà marqué l’histoire de la NBA en réalisant deux saisons de suite avec un incroyable triple-double de moyenne.
“Il était mon meilleur ami. Il vivait de l’autre côté de la rue et on était tout le temps ensemble. Quand il est mort, cela m’a fait réfléchir à la vie et cela me pousse à tout donner sur le parquet car il jouait toujours à 100%. Vous ne pouvez pas prendre la vie pour acquis.”
– Russell Westbrook (via ESPN).
Quand on voit l’énergie déployée par Russell Westbrook à chaque fois qu’il évolue sur un parquet NBA, on se demande souvent où est-ce qu’il puise ses ressources. La perte de son meilleur pote alors qu’il n’était qu’un gamin explique en grande partie cette intensité de tous les instants. Il joue pour sa mémoire et grâce à lui, Khelcey Barrs III n’est pas oublié. RIP KB3.
