Comment les joueurs NBA qui pratiquent le Ramadan s’adaptent-ils physiquement au jeûne ?

Le 31 mars 2023 à 11:07 par Nicolas Vrignaud

Kyrie Irving Mavericks 9 février
Source : NBA League Pass

Entamé depuis le 23 mars dernier cette année, le Ramadan concerne plusieurs joueurs en NBA. Si le jeûne est avant tout une tradition religieuse, il est – pour les sportifs de haut niveau – un véritable défi physique. La grande ligue n’échappe pas à cette règle, étant très intense et nécessitant une routine ultra élaborée. Alors, comment font les athlètes de NBA pour combiner performance et respect de la foi ? 

Un mois durant lequel il est interdit de manger et boire entre le lever et le coucher du soleil, un mois de modification drastique des habitudes des joueurs NBA de confession musulmane pour respecter leur foi. Le Ramadan est pratiqué par plusieurs figures de la ligue, comme Kyrie Irving et Jaylen Brown pour ne citer qu’eux. Cette année encore, le mois inclura le début des Playoffs. À l’heure où la ligue revêt sa plus belle tenue et que l’intensité sur le terrain augmente, le défi est d’autant plus grand.

On pourrait se dire qu’un tel bouleversement des habitudes alimentaires quotidiennes ne pourrait entraîner qu’une chute des performances. C’est en partie vrai, mais cela ne concerne pas l’ensemble du mois. Habitués à tenir des régimes spéciaux et des routines millimétrées, les organismes des sportifs NBA s’adaptent très vite, selon la spécialiste Qanta Ahmed, docteure à l’École de médecine de Long Island qui a étudié l’impact du jeûne sur les sportifs de haut niveau.

“L’ajustement est rapide car une fois qu’ils [les joueurs] ont établi une routine, qui inclut le sommeil, les calories et l’hydratation limitée… le choc sur leur corps se fait principalement la première semaine. Au delà, l’organisme s’adapte vite et tout se passe assez bien” – Qanta Ahmed

Surentraînés, les athlètes encaissent donc bien le choc. Ce qui n’empêche pas de parfois casser le jeûne pour reprendre des calories. Ce fût notamment le cas de Kyrie Irving l’année passée, avec une banane. La foi musulmane ne considérant pas le Ramadan comme une sanction mais comme une preuve de foi, manger durant la journée n’est pas systématiquement vu comme une faute d’un point de vue religieux. Les circonstances doivent primer. Qanta Ahmed s’exprime d’ailleurs en ce sens.

“Il faut bien comprendre que le Ramadan n’est pas supposé être pénible, et si les athlètes sentent qu’ils sont fatigués, qu’ils ont faim ou soif, cela empiète sur leur performance. Leur métier est de performer sportivement. C’est donc une décision personnelle.” – Qanta Ahmed

Et les sportifs, ils en pensent quoi ? Pour Kyrie Irving, c’est avant tout important d’un point de vue religieux. Le joueur reconnaît qu’il s’agit d’un défi physique, mais que de se savoir soutenu par une communauté toute entière l’aide beaucoup. Il confiait d’ailleurs en 2021 ne pas chercher d’excuses dans son jeûne pour justifier des moindres performances éventuelles.

“Je ne suis pas seul dans cette épreuve. Oui je fais le ramadan, comme beaucoup de mes frères et sœurs musulmans. C’est un vrai défi, c’est tout ce que je peux dire. Je dois rester engagé dans ma foi envers Dieu… mais je dois aussi continuer à faire mon travail. C’est la bonne chose à faire et je suis juste heureux de faire le ramadan avec ma communauté” – Kyrie Irving

Maintenant, si l’on prend le cas de Jaylen Brown, autre joueur effectuant le Ramadan, on s’aperçoit que les apports statistiques lors de l’année passée ne baissent pas en comparaison du reste de la saison, qu’il s’agisse de minutes sur le terrain comme de points. Bien sûr, difficile de généraliser l’impact d’une pratique individualisée. Les facteurs rentrant en compte sont nombreux : fatigue globale, habitudes nutritionnelles hors Ramadan, adaptation du corps… mais aussi force mentale. En son temps, Hakeem Olajuwon parlait pour le Los Angeles Times d’un sentiment de meilleure forme physique due à la pratique du jeûne religieux.

Je me sens vraiment mieux. Plus léger, plus rapide, et plus concentré. Quand Dieu vous prescrit quelque chose, c’est dans votre meilleur intérêt” – Hakeem Olajuwon, 1996.

Pour Enes Kanter, qui effectue également le Ramadan, le fait de jouer est au contraire quelque chose qui détourne de la volonté de manger ou de boire. Un moyen de se concentrer sur le jeu, à sa manière. L’objectif est également de donner l’exemple aux plus jeunes.

“Une fois que le match est commencé, vous ne pensez plus que vous avez soif, vous ne pensez plus que vous avez faim […] Je veux être un exemple pour les enfants, en leur montrant que vous pouvez réussir en étant mis en difficulté, via le jeûne du Ramadan, par exemple, mais surtout en l’effectuant pendant les Playoffs NBA” – Enes Kanter

Ce que l’on peut en conclure ? Que performer au plus haut niveau en respectant une telle tradition religieuse est un défi de très haut niveau. La récompense n’en est que plus belle pour les croyants qui l’effectuent : renforcer leur foi tout en aidant l’équipe. Pour autant, on se rend également compte qu’il n’existe pas de vérité universelle concernant l’adaptation des organismes à la pratique du jeûne. Chaque corps gère du mieux qu’il peut, et l’on se doute que ce qui compte à la fin, c’est surtout de faire au mieux dans le meilleur respect de ses convictions personnelles.

Source : ESPN, Los Angeles Times, NPR.org. 


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