New York aujourd’hui, Vieux Continent demain : quel avenir pour Kevin Séraphin ?

Le 14 déc. 2015 à 14:01 par David Carroz

Kevin Séraphin

En 2010, Kevin Séraphin débarquait en NBA en tant que dix-septième choix de la Draft, atterrissant chez les Wizards – bien que choisi par les Bulls –  loin d’être des cadors de la Conférence Est. Il rejoignait alors le first pick de la promotion, John Wall, pour servir de doublure aux deux génies Andray Blatche et JaVale McGee. Cinq ans plus tard, c’est le banc des Knicks qu’il squatte et sa carrière peine à décoller. Au point qu’on se demande aujourd’hui si son avenir est toujours de l’autre côté de l’Atlantique.

Pourtant, après une saison rookie d’apprentissage où Kevin Séraphin n’aura que peu joué (10,9 minutes par match, 58 apparitions), il semble trouver ses marques en 2012, doublant son temps de jeu et débutant même vingt-et-une rencontre pour 7,9 points et 4,9 rebonds. Si JaVale quitte le navire, il est remplacé par Nene, mais Kevin s’assure sa place en tant que premier intérieur à sortir du banc, terminant même la saison en boulet de canon en tant que titulaire avec 15,5 pions à 52%, 7 rebonds et 1,7 contre en 32,7 minutes au cours des 15 derniers matchs. On se dit alors que Séraphin a fait son trou et qu’il va s’inscrire dans la durée dans la rotation de Randy Wittman, arrivé en janvier dans la capitale fédérale. Une participation aux Jeux Olympiques avec les Bleus plus tard, on l’imagine franchir un cap à son retour en NBA, de quoi faire de lui par la suite le pivot de l’équipe de France.

Il continue tranquillement sur le même rythme en 2012-2013, derrière Emeka Okafor et Nene. Et c’est peut-être là le problème. Alors que Washington ne sort pas de sa torpeur d’un point de vue collectif, Kevin Séraphin ne semble pas progresser. Un plafond déjà atteint ? Un coach qui ne l’utilise pas à bon escient ? Souvent le technicien des Wizards a été pointé du doigt comme le responsable de la stagnation du Français en lui donnant un temps de jeu fluctuant, comme lors des semaines de mi-février à mi-mars où les minutes de KéKé ont presque diminuées de moitié, avant de reprendre un rythme normal pour la fin de la saison. Et pour s’assurer qu’il grattera encore plus de temps sur les parquets la saison suivante, le pivot refuse de prendre part au stage de l’équipe de France lors de l’été, préférant progresser en s’entrainant aux côtés de Trevor Booker, ce qui lui vaudra une charge mémorable de Jacques Monclar à l’époque.

Kevin sait que je l’adore mais quand j’ai quelque chose à dire, je le dis. Qu’on n’aille pas en équipe de France parce qu’on n’a pas envie ou qu’on ne s’entend pas avec le coach, je comprends. Qu’on dise qu’on progressera plus en travaillant à Washington, je suis sûr que cela n’est pas vrai. Jouer contre des pivots européens, être investi et responsabilisé, surtout si Joakim Noah n’est pas là, et avoir un objectif de médaille d’or, c’est beaucoup plus intéressant que de faire du face-à-face avec quelqu’un dans une salle. Kevin dit qu’il ne veut pas se retrouver « je ne sais pas où ». Mais il y est « je ne sais pas où » ! Les Wizards, c’est la franchise de la loose totale ! Tes minutes, tu les as eues au début et après beaucoup moins ! Je n’ai pas compris pourquoi. Et tu es en vacances depuis le 20 avril. Tu bosses du 20 mai jusqu’au 15 juillet et ensuite viens valider tes progrès avec l’équipe de France et tu en ressors plus fort. Elle était là la bonne histoire. – Jacques Monclar.

Les Bleus sont champions d’Europe en Slovénie, et Kevin Séraphin voit Marcin Gorat venir prendre la place d’Okafor dans la raquette des Wiz. Puis son temps de jeu fondre comme neige au soleil, Trevor Booker, Drew Gooden et Al Harrington passant désormais devant lui dans la hiérarchie intérieure. Et comme Washington relève la tête et se qualifie pour les Playoffs, personne ne regrette vraiment le Français qui disparait lentement mais sûrement des radars à D.C. La saison dernière ne sera pas beaucoup plus glorieuse, Nene et Gorat bouffant la majorité des minutes dans la raquette, même si Kevin Séraphin passe un quart d’heure par rencontre sur les parquets. Pas suffisant pour être conservé, Kevin Séraphin se retrouve agent libre et se barre à New York, pour un contrat d’un an, persuadé de pouvoir faire son trou.

J’ai l’impression d’être là depuis 5 ans. Je ne voulais pas me retrouver dans la même situation que l’an dernier où je ne savais pas quand j’allais jouer ou non. Parfois, on a l’impression de tout faire comme il faut mais que ça ne suffit pas. J’en étais arrivé à un point où j’avais besoin d’une équipe où on me fait jouer. Je ne me suis pas senti assez apprécié. […]Ils aiment ma capacité à scorer dans la peinture. Dans le jeu en triangle, c’est important. Je suis facile à vivre et plutôt cool, c’est ce qu’il faut aussi. Si je fais tout ce que l’on attend de moi, j’aurai ma chance, c’était le deal. – Kevin Séraphin.

Un pari sans grand risque pour les Knicks qui paient l’intérieur un peu moins de trois millions de dollars pour une seule saison, mais un défi plus grand pour le Français dont le futur NBA s’écrit en pointillés. En effet, si on peut bien entendu considérer qu’il est toujours en phase d’adaptation dans son équipe, il n’est pour l’instant que la quatrième voire cinquième solution dans la raquette des Knicks. Robin Lopez et Kristaps Porzingis sont bien ancrés dans le cinq majeur et pour l’instant Lance Thomas et Kyle O’Quinn jouent plus que lui, sans compter les minutes que Carmelo Anthony ou Derrick Williams peuvent passer poste quatre. Parmi les Frenchies évoluant dans la Ligue, seul le newbie Damien Inglis passe moins de temps sur les parquets. Sur les dix-neuf rencontres auxquelles Kevin Séraphin a pris part, dix fois il est resté moins de dix minutes sur le parquet. Pourtant, on a cru après sa prestation remarquée du 15 novembre face aux Pelicans (14 points à 6/8 en 14 minutes), suivie deux jours plus tard d’une nouvelle belle sortie face aux Hornets (10 points à 5/10 en 21 minutes) que sa saison serait lancée. Sauf qu’il ne passera plus que 31 minutes au total sur les quatre rencontres suivantes, avant de nouveau de retrouver du temps de jeu pour six matchs. Bref, les montagnes russes encore cette saison pour Kevin Séraphin qui ne sait toujours pas sur quel pied danser quant à son rôle dans la rotation de Derek Fisher, tantôt premier intérieur à sortir du banc, tantôt condamné à mater ses coéquipiers se débrouiller pratiquement l’intégralité de la rencontre sans lui.

Alors que faut-il attendre pour Kevin Séraphin ? Peut-il vraiment percer ? Les questions se posent et il sera tant à la fin de la saison d’imaginer potentiellement un retour en Europe. Une hypothèse que les joueurs français laissent souvent de côté, préférant rester en NBA alors qu’ils pourraient se relancer sur le Vieux Continent ou même y réaliser une belle carrière. Alexis Ajinça a certes fait un passage par Strasbourg avant de retrouver une place à la Nouvelle-Orléans, mais le succès n’est pas vraiment au rendez-vous. Nando De Colo lui a laissé de côté le rêve américain et se régale maintenant à Moscou, ayant franchi un vrai palier comme on a pu le voir cet été lors de l’Euro. Oui, l’EuroLeague, c’est aussi du très haut niveau, et jouer régulièrement en Europe est bien plus intéressant que cirer le banc aux Etats-Unis. Les Espagnols l’ont bien compris, à l’instar de Sergio Rodriguez ou Rudy Fernandez (qui jouaient pourtant plus que Kevin Séraphin lors de leur ultime campagne NBA) qui ont préféré avoir un rôle majeur au Real plutôt que d’être des joueurs de rotation parmi les autres dans une franchise NBA.

Surtout qu’on a vu lors du lock-out que Kevin Séraphin pouvait jouer à ce niveau-là dans la meilleure compétition européenne, sous le maillot du Caja Laboral, apportant son écot grâce à sa technique offensivement et grattant des rebonds en faisant de la place dans la raquette avec l’aide de son postérieur. Si aucune franchise US ne souhaite s’appuyer de manière constante – sans dire qu’il mérite d’être titulaire bien entendu – sur les forces du pivot, pourquoi ne pas aller voir ailleurs s’il n’y a pas d’autres gros matchs à jouer ? Que vaut-il mieux : jouer les utilités en NBA ou être un taulier en Europe ? Faire une carrière à la Johan Petro ou tenter de revivre à la Nando De Colo ? Tout cela, Kevin Séraphin devra y penser si d’aventure sa saison new-yorkaise ne débouchait pas sur la réussite qu’il attend.

Il lui reste encore de nombreux matchs pour s’imposer à Big Apple et on espère pour le natif de Cayenne qu’il n’aura pas à se poser ces questions-là. Mais si jamais il doit le faire, un retour ne serait pas forcément un mauvais choix, ni un échec. Demandez à Nando ce qu’il en pense. Et si Kevin Séraphin veut faire de même et exploser pour cartonner ensuite avec les Bleus, on prend tout de suite.

Source image : NBA League Pass


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