Kevin Durant, Kyrie Irving et James Harden aux Nets : le Big Three est monstrueux, reste à voir s’il va tout défoncer ou exploser en plein vol

Le 14 janv. 2021 à 14:02 par Nicolas Meichel

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C’est donc finalement devenu une réalité. Le mercredi 13 janvier 2021 restera pour toujours la date de naissance du Big Three Kevin Durant – Kyrie Irving – James Harden, un trio longtemps imaginé depuis que le Barbu a exprimé ses envies de départ il y a quelques semaines, mais qui tardait à se concrétiser. Sur le papier, la triplette fait flipper toutes les défenses de la NBA, reste à voir si ça peut vraiment marcher jusqu’à emmener les Nets au sommet.

Kevin Durant : ailier de 2m10, possédant la mobilité d’un arrière, la précision d’un sniper, et quatre titres de meilleur scoreur sur son CV. Kyrie Irving : magicien de la balle orange, meneur-scoreur au handle dévastateur capable de briser les chevilles de n’importe quel défenseur. James Harden : arrière doté d’une grosse barbe mais surtout d’un énorme talent offensif, génie du un-contre-un, et top scoreur de la NBA ces trois dernières saisons. Trois machines offensives, trois joueurs qui possèdent tout ce qu’il faut dans leur arsenal, trois mecs qui peuvent claquer 30 points en dormant, peu importe qui est en face. Ces trois-là vont donc désormais porter le même maillot, celui de Brooklyn. Une association impressionnante, qui coûte évidemment une blinde (environ 115 millions de dollars) mais qui est aussi excitante qu’intrigante. Clairement, les yeux seront plus que jamais rivés sur Brooklyn, avec des Nets propulsés favoris pour remporter la Conférence Est sous l’impulsion de ce monstre à trois têtes qui devrait mettre la misère à toutes les défenses, à condition que l’entente sur le terrain soit plus ou moins optimale. Parce que oui, aussi folle qu’elle soit sur le papier, cette association soulève également des questions, voire même des doutes que certains ont d’ailleurs déjà exprimés, avant même la réalisation du transfert.

“Quand vous regardez Kyrie, Harden et Durant, ce sera très difficile pour eux de s’entendre. Au niveau des personnalités ça peut le faire, mais sur le terrain ça peut créer des problèmes, ce qui pourrait affecter leur relation s’ils ne décident pas de partager le ballon pour gagner.”

Ces mots proviennent de la bouche de Ray Allen, plutôt bien placé pour parler de sacrifices offensifs et de Big Three, lui qui avait pris un rôle moins important en attaque après son arrivée aux Celtics en 2007, remportant ensuite un titre NBA aux côtés de Paul Pierce et Kevin Garnett. Autre ancien à exprimer des réserves, le Sheed, mister Rasheed Wallace, légende du trashtalking et champion NBA avec les Pistons de 2004, une équipe qu’on pourrait considérer comme l’exact opposé des Nets actuels : pas de superstar mais un énorme collectif, avec comme base l’une des meilleures défenses de l’histoire. Alors pour Wallace, cette association de top scoreurs, elle peut vite rencontrer des problèmes.

“Je ne pense pas que ça puisse marcher. Regardez ces deux joueurs. Vous avez James Harden, c’est une machine offensive, mais il veut avoir le ballon dans les mains, c’est comme ça qu’il est efficace. Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu Harden attendre la balle dans le corner pour tirer à 3-points. Quant à Kyrie, comme il est meneur, c’est plus un facilitateur qu’Harden, mais je ne sais pas si vous pouvez avoir les deux sur le terrain en même temps, car ils ont trop besoin du ballon pour être efficaces.”

Le Sheed soulève un bon point. S’il n’a aucun doute par rapport à Kevin Durant, monstre d’efficacité capable de s’adapter à n’importe quelle situation et de faire très mal sans même avoir beaucoup le ballon dans les mains (il suffit de voir comment il a réussi à bien s’intégrer aux Warriors, et cette association pourrait même être bénéfique pour lui sachant qu’il revient d’une rupture du tendon d’Achille), c’est une autre histoire pour James Harden et Kyrie Irving. La spécialité de ces deux-là, c’est clairement le un-contre-un. Et qui dit un-contre-un dit ballon dans les mains avec les autres joueurs qui regardent. L’objectif pour les Nets, ce ne sera pas d’attaquer à tour de rôle, une fois avec KD, une fois avec Kyrie, une fois avec le Barbu, mais de trouver un bon équilibre collectif en associant les talents de chacun, ce qui n’est jamais facile quand vous avez des joueurs au profil similaire car ça demande une vraie adaptation.

Après huit saisons en étant indiscutablement l’option numéro un des Rockets en attaque, avec un usage rate (le nombre de possessions utilisées par un joueur) parmi les plus importants de la NBA (dans le Top 10 pendant sept saisons, cinq fois dans le Top 3 lors des cinq dernières années dont deux fois leader) et où il est plus que jamais devenu le maître de l’isolation, James Harden possède sa propre façon de jouer au basket et on se demande s’il est encore capable de s’adapter à un autre environnement à 31 ans. Pas qu’il manque de talent hein, mais plus au niveau de l’approche du jeu. On parle d’un mec qui tenait véritablement les rênes de la franchise texane, prête à tout pour répondre à ses demandes pendant de nombreuses années. Pas vraiment le genre de gars à vouloir changer de style de jeu, et un gars au professionnalisme parfois douteux comme on a pu le voir récemment, de quoi se poser des vraies questions sur son intégration. Peut-il lâcher plus la gonfle et toujours se montrer aussi efficace, avec du catch & shoot et du mouvement sans ballon ? Chez les Rockets, il avait tendance à se transformer en plot une fois que la balle n’était plus dans ses mains, après une prise à deux par exemple. On a vu lors des derniers Playoffs que cela pouvait permettre aux défenses de le limiter en le trappant, quitte à laisser des opportunités aux coéquipiers d’Harden. Quand Ramesse évoluait au Thunder au début de sa carrière, en troisième option offensive derrière un certain Kevin Durant et Russell Westbrook, il était dangereux sans ballon tout en apportant un combiné scoring – playmaking stabilisant bien l’équipe. On ne va pas lui demander de redevenir sixième homme comme à l’époque mais peut-il s’inspirer de son ancienne expérience à Oklahoma City pour maximiser la prochaine à Brooklyn ? Absolument, et de toute façon il faudra sacrifier des munitions offensives pour que tout cela fonctionne. Cela vaut aussi pour Irving bien entendu, mais en tant que meneur, en tant que joueur qui peut faire mal autant avec la gonfle qu’en tant que spot-up shooteur, l’adaptation sera moins violente et vu ses déclarations du début de saison, il semble dans le bon mood pour partager.

“Cela fut un long chemin pour en arriver là, pour maîtriser cet art et se rendre compte que l’objectif n’est pas de faire du ‘hero basketball’, mais que le plus important c’est la qualité de l’équipe. À plusieurs reprises dans ma carrière, je me suis enfermé là-dedans, à essayer de faire du ‘hero basketball’, alors que c’est le succès de l’équipe qui détermine votre grandeur en tant qu’individu et votre capacité à respecter votre rôle.”

Un joli discours prononcé après la large victoire des Nets lors de l’Opening Night face aux Warriors. Reste à voir si c’est encore d’actualité car on sait qu’il se passe beaucoup de choses dans la tête de Kyrie Irving, toujours éloigné du groupe pour “raisons personnelles”. Une absence qui pèse de plus en plus du côté de Brooklyn en marge du transfert d’Harden, avec une incertitude constante qui laisse place à des spéculations, certains journalistes de New York allant jusqu’à indiquer que l’ami Kyrie serait actuellement “furieux” envers la franchise des Nets par rapport au choix de prendre Steve Nash en tant que coach, et plus distant avec son grand copain Kevin Durant. Ça ressemble beaucoup à une téléréalité tout ça et il faut rester prudent par rapport à ce genre de bruits de couloir, mais disons que ça peut rajouter des doutes concernant le fonctionnement de cet énorme Big Three. Un Big Three qui sera dans un premier temps un Big Two sachant qu’Irving pourrait continuer à être absent, et nul ne sait quand il reviendra. L’arrivée d’Harden est en quelque sorte aussi une façon pour Brooklyn d’assurer ses arrières, sachant que Durant peut déjà revenir sur le marché de la Free Agency en 2022, il ne faut pas l’oublier.

Des doutes sur leur cohabitation en attaque, des doutes sur l’ambiance au sein de la franchise, des doutes aussi sur la profondeur de l’équipe (Joe Harris est toujours là mais Caris LeVert et Jarrett Allen sont partis, Taurean Prince et Rodions Kurucs également, tandis que Spencer Dinwiddie est blessé pour toute la saison, à voir si les Nets vont recruter, eux qui possèdent quelques options), et surtout des doutes concernant la défense. Car si le trio Durant – Irving – Harden est peut-être le plus flippant de l’histoire offensivement, aucun des trois n’est particulièrement réputé pour sa contribution défensive (bien que KD soit globalement sous-estimé mais ça c’est un autre débat) et les Nets font plutôt peur de ce côté-là du terrain, dans le mauvais sens du terme. En ce début de saison, on a vu à quel point Brooklyn pouvait galérer pour défendre son panier, et ça ne devrait pas changer de sitôt, surtout que le jeune pivot Jarrett Allen vient de faire ses valises pour Cleveland dans le cadre du transfert de mercredi. Les Nets ont sacrifié des jeunes et des role players pour accueillir une troisième star et transformer une attaque déjà redoutable en attaque potentiellement injouable, mais l’équilibre global de l’équipe représente un très gros point d’interrogation aujourd’hui. Oui, les stars font gagner les titres et les Nets sont plus qu’armés à ce niveau-là, mais on n’est pas dans NBA 2K et ce sera à Steve Nash, Mike D’Antoni (tiens tiens, l’ancien coach de… Harden à Houston) et le reste du staff de faire fonctionner tout ça en utilisant notamment leur expertise de l’attaque. Déjà très présentes, la pression et les attentes viennent encore de monter d’un cran à Brooklyn, car tout autre résultat qu’une voire plusieurs bagues serait considéré comme un échec. Et c’est dès maintenant que ça se joue.

32 ans pour Kevin Durant, 31 pour James Harden, la trentaine qui approche pour Kyrie Irving, clairement y’a pas de temps à perdre. Les trois stars sont encore dans leurs meilleures années mais cela ne va pas durer éternellement. Peuvent-ils remporter le titre dès cette année ? On sait que c’est difficile pour une nouvelle équipe de gagner tout de suite, peut-être encore plus avec le contexte actuel du COVID qui rend la construction d’automatismes plus compliquée avec les nombreuses absences liées au protocole sanitaire. Les Celtics de 2008 ont réussi cet exploit, en se basant sur une grosse défense et un vrai partage des responsabilités en attaque, mais le Heat de LeBron James, Dwyane Wade et Chris Bosh ont par exemple dû attendre la deuxième année avant de soulever le Larry O’Brien Trophy, eux qui ont eu besoin d’une saison pour apprendre à jouer ensemble offensivement. Brooklyn devra également passer par une période d’apprentissage et d’adaptation, c’est inévitable. Le nouveau Big Three des Nets peut probablement regarder n’importe quel trio dans les yeux en matière de star power, mais c’est seulement à travers ses performances sur le terrain qu’il pourra se mêler à la discussion des monstres à trois têtes les plus redoutables de l’histoire de la NBA. Michael Jordan – Scottie Pippen – Dennis Rodman (Bulls), LeBron – Wade – Bosh (Heat), Pierce – Garnett – Allen (Celtics), Magic Johnson – Kareem Abdul-Jabbar – James Worthy (Lakers), Tim Duncan – Manu Ginobili – Tony Parker (Spurs), Larry Bird – Kevin McHale – Robert Parish (Celtics), Stephen Curry – Klay Thompson – Kevin Durant (Warriors)… tous ces trios XXL de l’ère moderne, bien que construits différemment, ont su trouver un équilibre, une hiérarchie, une façon de fonctionner ensemble pour le bien de l’équipe. Et avec autant de talent sous un même maillot, le titre NBA fut inévitable. Voilà le challenge qui se pose sur la route de ces Nets version KD – Kyrie – Harden.

“Vous ne pouvez pas dire ‘ça ne va pas marcher’ avec trois gars capables de vous apporter 100 points n’importe quel soir. L’attaque des Nets sera peut-être assez bonne pour surmonter les problèmes qui apparaîtront. Car il y aura forcément des problèmes : au niveau des personnalités, au niveau du partage du ballon, au niveau du supporting cast, ce sera une équipe prévisible en attaque, mais vous pouvez être prévisibles quand vous avez de tels attaquants. On va voir ce que ça va donner, je ne peux pas dire si ça va marcher ou pas. Mais je suis sceptique.”

– Tim Legler, ancien joueur NBA et analyste pour ESPN

Après Kevin Durant et Kyrie Irving à l’été 2019, les Nets viennent d’ajouter une troisième grande star à leur projet, une star calibre MVP à qui il ne manque qu’une seule chose sur le CV, un titre de champion NBA. Est-ce que cela poussera James Harden à faire les sacrifices nécessaires aux côtes de KD et Uncle Drew afin de faire fonctionner tout ce beau monde ? L’avenir répondra à cette question mais ça passera par là s’il souhaite soulever un jour le trophée Larry O’B.