Le record d’affluence des Spurs à l’Alamodome : TrashTalk y était et vous raconte ça de l’intérieur !

Le 14 janv. 2023 à 17:25 par TrashTalk

Coyote Alamodome 68 323
Source image : Twitter @Spurs

Ils l’ont fait ! À l’occasion des 50 ans de l’arrivée de la franchise des Spurs dans la ville de San Antonio, le club texan a réussi à rameuter 68 323 spectateurs à l’Alamodome pour battre le record all time pour un match NBA. TrashTalk y était. Gros récit depuis l’intérieur de cette salle mythique. 

Par Brieux Férot, à San Antonio

C’est un jeudi soir, tard. La ville est calme. Une longue sirène de train géant – 80 wagons – déchire la nuit. A quelques mètres, des trucks débarquent avec un chargement éclectique. Dans cet immense hangar qu’est l’Alamodome, une salle de football américain et de concerts coincée entre une autoroute et une voix ferrée, la scène a un goût des années 90. Les Spurs y étaient résidents de 1993 à 2002, dans une salle trop grande alors coupée en deux par un drap immense. Un fait unique en NBA ce qui ne les a pas empêchés d’y construire, en 1999, leur première campagne victorieuse contre les Knicks. Ils ont ensuite rejoint l’AT&T – 18 581 places – à 3 milles de là, et réussi à y glaner 4 autres titres de champions NBA.

Tony Parker Tim Duncan Manu Ginobili David Robinson Alamodome

C’est peu dire que la date de ce vendredi 13 janvier avait été cochée par toute la ville bien en avance, au milieu d’une année compliquée sportivement : 13-29 avant l’entre-deux, la plus petite masse salariale de la ligue de loin et une jeunesse à tous les postes en formation, mais aussi socialement : 8 fusillades d’envergure au Texas depuis 13 ans et une pré-saison marquée par le besoin de panser les blessures d’un drame aux 21 morts, celui d’Uvalde en mai 2022, à quelques dizaines de miles de San Antonio. Une partie de la pré-saison de l’équipe, y a été délocalisée, de nombreux temps d’entrainements ouverts aux enfants et aux familles. « Avec les Spurs, nous ne pouvons pas être champions tous les ans, nous continuons de cultiver de jeunes talents et nous commençons à avoir de nouveaux succès sur le terrain mais le plus important, pour moi et la communauté, est le fait que la dynamique du club est contagieuse : nous sommes très fiers de cette équipe sur et en dehors du terrain. »

L’homme qui parle est maire de la ville et il reçoit dans son bureau. Ron Nirenberg est clairement un progressiste assumé, sans étiquette, mais qui a engagé sa ville en signant l’accord de Paris sur le climat, alors que le Président Trump s’y était farouchement opposé pour le pays. Le premier édile voit, avec cette soirée de fête, l’aboutissement d’un processus social où la victoire sportive ne suffit plus : « Les Spurs sont l’étalon-or des franchise de sports, et je suis très fier que le club représente la ville de San Antonio, aussi à l’échelle internationale. » Si la franchise a bien un rayonnement qui dépasse la ville elle-même, reste que sa dynastie sportive n’a pas le même impact que d’autres. En septembre 2021, le maire avait « bloqué » Drake sur Twitter et l’avait fait savoir, car une collection signée Ovo – la marque du canadien – avait sorti des blousons hommages aux grandes dynasties de la NBA en oubliant complètement les Spurs mais intégré à cette liste prestigieuse… les New York Knicks !

En ce jour de célébration, ce sont principalement des familles américaines où l’espagnol et le reggaeton s’échappent des fenêtres ouvertes des voitures qui arrivent à l’Alamodome. Sous un soleil radieux, quatre très longues files se forment, dès 14H30. Des maillots de Tim Duncan, Manu Ginobili et Tony Parker, mais aussi David Robinson côtoient ceux de Bruce Bowen, Devin. Vassell ou encore la légende George Gervin. Beaucoup de maillots floqués « Coyote » aussi, la mascotte la plus déjantée de la NBA. Un cordon de sécurité avec portique est la porte d’entrée vers une sorte de parc d’attractions géant : sur l’esplanade, une scène montée pour l’occasion, mais aussi d’un terrain de basket gonflable, un stand de sculptures sur ballon, un truck de souvenir et de multiples photo calls. Des effluves de weed, d’abord en dehors de l’Alamodome puis immanquablement dedans, télescopent celles des tacos, pop corns et autres margaritas glacées !

Au cœur du bâtiment, le vestiaire étriqué des Spurs de l’époque a été reconstitué, celui du coach Poppovich avec ses schémas tactiques exposés, mais aussi celui des joueurs, le tout dans un sens du détail très 90’s ou une gourde Gatorade côtoie une photo de l’Amiral lisant… Mondial Basket. Dans la salle, les 5 titres sont exposés, et la file est longue pour se faire tirer le portrait à leurs côtés en famille. Avery Johnson passe du temps avec les plus jeunes supporters, qui lui demandent de signer leurs maillots, souvent sur conseil de leurs papas. Soudain, une clameur : le chef Curry est arrivé et commence sa routine, capuché et implacable.

Steph Curry Spurs Alamodome

Sean Elliott se prépare lui à commenter la rencontre : « Je suis arrivé tôt aujourd’hui, et l’ambiance est électrique, il y a beaucoup d’amour qui se dégage, la moitié de la ville est mobilisée je pense que ça va être très bruyant. » En rock star, Tony Parker débarque en courtside avec crew et enfants, une dizaine de personnes, pour la plus grande joie des supporters qui l’acclament, quand Manu Ginobili a choisi de se cacher dans sa loge : il finira évidemment par saluer la salle lors d’un plan serré sur grand écran après avoir été ovationné de multiples « Manuuuu » qui ont fait trembler les murs. Physiquement. Après que le président RC Buford ait fait le tour de ses hôtes, les Warriors, et salué un à un ses anciennes gloires, l’ambiance monte d’un cran après que les équipes soient repassées au vestiaire.

L’arrivée plus officielle des Warriors est, pour le plaisir du jour, tout bonnement huée et conspuée. Avec le sourire. Mais sans déconner. L’échauffement se fait dans une cohue ou chacun cherche sa place, avant que le décompte ne commence : la salle est alors plongée dans le noir, seulement éclairée par les lumières des smartphones. Des basses puissantes lancent alors des vagues de lumières : sur l’air de « Yo, ready for this ? » des plus grandes heures des Spurs des 90’s, c’est Tre Jones qui a été choisi par l’équipe pour prendre la parole. « Je pense que ça les faisait marrer, et puis, je pense devenir doucement un des leaders de cette équipe ! », confiera t-il en conférence de presse plus tard dans la soirée. Son propos ? Quelques bafouilles et surtout, un « Go Spurs Go ! » pour lancer les hostilités. Le match peut alors commencer.

Fans Spurs Alamodome

Le match ? Pas vraiment un match, du moins, sans aucune surprise tant l’ascendant des Warriors s’est fait sentir dès les premières secondes de la rencontre, dans le rythme, les systèmes, l’absence de différence d’intensité quelles que soient les rotations côté Warriors. La grosse armada dirigée par Steve Kerr, ovationné avant le début de match, monte en puissance. Un entre-deux à oublier – deux sauts à contre temps; une laideur sans nom. Le début du premier quart-temps, prévu pour être tout de suite délicat, douche tous les espoirs, l’écart passant de 4-8 à 4-18 en quelques minutes. Des soupirs, déjà, malgré un Coyote au taquet sur sa mini-moto tout autour du terrain. Le chant du jour ? « Defence ! » même si ce n’est pas la spécialité des Texans cette saison. Roméo Langford essaie bien de tenir la baraque en ce début de match, les Spurs doivent se faire violence pour contenir les assauts des Splash brothers à la fin du premier quart-temps (28-33). Le deuxième quart-temps se conclut par un Draymond Green levant les bras au ciel après un lay-up en contre-attaque. En première période, on aura aussi vu un fan électriser la salle sur un jeu de lancer de balles, un TP heureux d’être ovationné, un Tre Jones de plus en plus confiant et les Spurs prendre l’eau (-14, 60-74 à la pause). Une mi-temps elle non plus pas de tout repose, animée par l’improbable duo du groupe de hip-hop de la ville dans les années 90, le picaresque Tag Team.

La suite du match est à sens unique. Un air ball de chef Curry est ovationné, Zach Collins et Draymond Green se percutent sans que la vidéo n’arrive vraiment à les départager. Un nouveau duo de Splash Brother voit le jour, sous les traits de Donte Divincenzo et Jordan Poole, qui termineront le match respectivement à 25 et 22 points. Une deuxième mi-temps où Becky Hammon et Tony Parker discutent sans s’arrêter, André Iguodala conclut par un dunk violent une contre attaque flash et quelques supporters courtside finissent par quitter les lieux pour filer en soirée, quand Isaiah Tony tente au même moment de glaner quelques minutes pour se mettre en valeur. C’est pourtant le MC du jour, Tre Jones, qui finira meilleur marqueur des Spurs avec 21 points. Score final 113-144, et 31 points de différence. Un feu d’artifice à l’envers.

Le principal record du jour reste donc les 68 323 personnes présentes. Il aura été annoncé lors du dernier quart-temps par l’Amiral Robinson lui-même, provoquant en arrivant sur le parquet une ovation monumentale, après un cycle de 5 minutes de « ola » successives. Oui, des « ola ». Deux autres « records » lors de cette rencontre, qui traduisent bien la différence d’écart : 8 joueurs à + 10 points chez les Warriors, une première sous l’ère Steve Kerr, et une très mauvaise nouvelle pour les Spurs : ces 144 points dans la musette représente le plus grand nombre de points encaissés à l’Alamodome par les Spurs à l’occasion des 354 matchs joués dans l’enceinte. La génération des maillots Curry, très présente elle aussi dans les travées, a donc pris sa revanche.

Un dernier air mexicain chanté en chœur conclut cette soirée avant que les familles ne rejoignent la scène installée à l’extérieur pour un set 100% « 90’s ». « Les fans ont eu l’air d’apprécier, enfin, plus que nous, en rigole au même moment Gregg Popovich en conférence de presse. On comprend pourquoi ils (les Warriors) sont champions NBA, ils ont mieux fait les choses qu’ils avaient à faire. » Les Spurs ont-ils été perturbés par les tribunes ? « Non, non, nous, notre métier, c’est de se concentrer sur le terrain de basket. » Pour Tre Jones, la ferveur populaire reste l’événement de la soirée : « Des embouteillages, une mobilisation dans les rues : aucune autre ville avec une équipe NBA n’aurait été capable de le faire à cette échelle », résume t-il. Un Tre Jones qui, désormais, avec 20 points et pas mal de confiance, assume d’être « un des leaders » d’une équipe sans leader. Si Doug McDermott est le seul à avoir assumé avoir vraiment vibré – « j’ai été très stressé de voir toutes ces légendes – Manu Ginobili, Tony Parker, Avery Johnson, Sean Elliott, David Robinson et Becky Hammon -,en tribunes. », Keldon Johnson sait très bien qui est le grand gagnant de la soirée : « La fan base des Spurs surpasse tout ce qu’on peut imaginer. » Son coach d’école primaire est même passé le voir pour ce match, mais lui n’a pas réussi à le croiser. Au final, une défaite dure à avaler devant autant de proches ? « Disons que ça me fait plus mal de ne pas encore avoir joué un match de Playoffs » précise t-il alors, fataliste.

Dehors, un feu d’artifice est tiré du parc de la Tower of Americas, l’emblème architectural de la ville, en face de cette salle géante qui restera désormais le théâtre d’une soirée de partage et de sourires. Et un hommage, aussi : celui offert par la ville à l’incroyable talent d’un Gregg Poppovich et de son équipe, qui ont permis à chacun des joueurs, coachs et supporters qui ont croisé leur chemin, de réaliser le maximum de leur potentiel. Si San Antonio avait été une ville catalane, les Spurs seraient encore et toujours estampillés « plus qu’un club ». Ils restent encore et toujours une source d’inspiration pour le pays et pour la ligue.

Crédits photos : Brieux Férot