Connie Hawkins, ce Faucon majestueux dont la NBA n’a pas voulu pendant trop longtemps

Le 17 juil. 2016 à 19:22 par Alexandre Martin

Connie Hawkins 15 juin 2020
Source image : YouTube

En 1969, la NBA accueille un rookie du nom de Cornelius L. Hawkins, communément appelé Connie. Un ailier de 2m03 qui vient de faire deux saisons en ABA où il a tout écrasé sur son passage en remportant le titre de MVP de saison régulière et des Playoffs au sein d’une équipe de Pittsburgh championne en 1968 donc. Un ailier qui pèse plus de 30 points et 11 rebonds de moyenne en ABA et qui va tout de suite éblouir la Grande Ligue de sa virtuosité athlétique et technique pour le plus grand bonheur des Suns entamant alors la deuxième saison de leur histoire. Seul hic : le joueur a déjà 27 ans et sa carrière au plus haut niveau ne durera de ce fait que trop peu de saisons. Mais que s’est-il passé ? Pourquoi un tel talent n’a pas percé plus tôt ? 

Connie Hawkins est un enfant de New York, né à Brooklyn et élevé au basketball sur le bitume âpre du mythique Rucker Park où il est très rapidement devenu une star dans les années 50 alors qu’il n’était encore qu’au lycée mais qu’il passait plus de temps dans les rues et sur les terrains qu’en cours. Monstrueux d’ailleurs sur les parquets lors de sa dernière année chez les Boys de Brooklyn et jouissant d’une réputation grandissante, il se vit offrir une bourse pour l’université d’Iowa où il fila à l’aube de la saison 1960-1961 malgré un niveau scolaire assez faible pour un jeune de son âge. A peine arrivé à la fac, ce bon Connie fait déjà sensation – même si les freshmen ne sont pas autorisés à jouer en NCAA à l’époque – car il se dit qu’à l’entraînement, il dominait allègrement la future légende NBA, Don Nelson. Mais, alors qu’il semblait promis à un avenir des plus radieux dans le monde de la balle orange, tout bascula… Hawkins fut relié directement – son nom fut cité – à un scandale de match arrangé. Il a toujours clamé son innocence. Il ne fut pas inculpé, encore moins arrêté. Le seul fait qui pouvait le relier à ce scandale était un emprunt d’argent fait à un certain Jack Molinas qui lui était impliqué dans l’histoire. Mais il a très vite été prouvé que le frère de Connie avait remboursé ces 200 dollars bien avant que le scandale n’éclate. Pour autant, le mal était fait et il fut viré de l’université d’Iowa et mis sur liste noire par toutes les autres facultés. Impossible pour lui d’obtenir une autre bourse pour continuer son cursus scolaire. Et quand sa “classe” devint éligible pour la Draft NBA en 1964, aucune franchise ne le choisit pour la bonne et simple raison que le Commissionner en place – Monsieur James Walter Kennedy – avait clairement laissé entendre qu’il ne validerait pas tout contrat proposé à Connie Hawkins avant de le bannir officiellement en 1966. Voilà qui ressemble à une bonne vieille décision prise avec des œillères mais il serait clairement trop facile et injuste de juger aujourd’hui ces faits avec plus de 50 ans de recul.

Forcément, l’ami Cornelius restera sur le carreau de la Draft en 1964, 1965 et 1966. Entre-temps, Hawkins continua de jouer au basket, notamment un peu plus d’une saison en ABL (American Basketball League) pour les Pittsburgh Rens qu’il se vit obligé de quitter quand cette ligue s’effondra en 1963. Il intégra alors les Harlem Globetrotters. Il commença à voyager avec ce cirque basketballistique tout en y prenant le temps de perfectionner son jeu, d’y apporter des spécificités qui feront de lui un phénomène plus tard chez les professionnels :

J’ai pu incorporer leurs (aux Harlem Globetrotters) compétences à mon jeu parce que nous jouions 8 fois par semaine, deux fois le dimanche. A cause de ça, j’ai été vraiment capable de me familiariser avec la balle. Je ne parle pas de shooter ou ce genre de choses. Je parle d’avoir totale confiance avec la balle et d’être capable de faire n’importe quoi avec. Il n’y avait pas beaucoup de gars de 2m06 capable de faire ça. Mais, parce que j’avais appris ces bases et gagné de la confiance en osant dribbler entre mes jambes ou dans le dos, j’ai atteint un autre niveau de jeu. Comme si je ne formais qu’un avec la balle.

En 1967, une ligue appelée ABA voit le jour. Et, à partir de là, tout va commencer à changer pour ce bon Connie qui a déjà 25 ans mine de rien. Il débarqua comme un ouragan dans ce championnat nouveau. 26 points et 13 rebonds de moyenne en 1967-1968 puis une domination sans partage sur l’exercice 1968-1969 donc malgré une blessure au genou qui ne lui permettra de ne participer qu’à 47 matchs en régulière. Durant ces deux années, un journaliste du nom de David Wolf publia un article critiquant vertement le bannissement d’Hawkins. Ce papier pesa lourd dans le procès intenté par notre Connie à la NBA pour avoir été banni de manière injuste. Après les Playoffs ABA de 1969, la NBA mit en place un accord avec Hawkins, lui payant une indemnité de plus d’un million de dollars et l’autorisant à rejoindre la NBA. C’est ainsi que C-Hawk va débarquer à Phoenix, chez les Suns et y exprimer un potentiel impressionnant.

Grâce à lui, les Cactus de l’Arizona vont tout de suite obtenir une vraie légitimité dans la Grande Ligue. Plus de 24 points et presque 11 rebonds de moyenne accompagnés de 5 passes décisives chaque soir. Voilà le rendement de ce rookie pas du tout comme les autres. Un ailier pouvant jouer en 3 ou en 4, impressionnant athlétiquement et physiquement, disposant de mains géantes, sachant parfaitement manier la balle ce qui lui donnait un style unique et lui valut le surnom de “The Hawk”. Il pouvait palmer le cuir avec une facilité déconcertante, comme s’il avait un crochet, des serres à la place des doigts. Et comme il s’était entraîné à le faire avec les Globetrotters, on le vit alors apporter sur les planches NBA cette technique à une main qui lui était si spécifique que quelques énormes légendes ont copié voire généralisé. On pense ici à Julius Erving par exemple ou à George Gervin et son finger roll dont l’ami Connie clame sans ambiguïté la paternité :

“Ce que les gens ne savent pas c’est que c’est Wilt (Chamberlain) puis moi avons commencé à faire des finger roll. Nous ne l’appelions juste pas ainsi. Wilt appelait ça un “dipper”. Maintenant, quand je vois ces publicités à la télé où George (Gervin) parle de “finger roll”. J’adore George mais il a pris ça de moi. Je devrais recevoir un peu de son argent…”

Il n’est pas faux de dire que le jeu de Gervin semble – sur certains aspects – tiré de celui d’Hawkins. Il n’est pas faux non plus de prétendre que s’il avait pu intégrer la NBA plus tôt, l’ami Connie aurait pu y prospérer pendant ses meilleures années. Car malgré son entrée en matière tonitruante sur la saison 1969-1970, Hawkins ne réalisera que trois autres vraies bonnes saisons au plus haut niveau. Ses jambes, et notamment ses genoux, vont très, trop vite commencer à montrer des signes de fatigue dus principalement à toutes ces années passées dans des milieux semi-professionnels et à parcourir le monde. Une fois passé la trentaine, il ne pouvait plus sauter comme avant. Les Suns l’échangèrent aux Lakers en 1973. Les Angelinos ne le gardèrent pas longtemps et l’envoyèrent, en 1975, chez les Hawks – normal pour “The Hawk” non ? – où il ne fera qu’une saison avant de raccrocher définitivement ses crochets à presque 34 ans.

Malgré toutes ces péripéties et la brièveté de sa carrière, il sera intronisé au Hall of Fame en 1992. Une preuve de plus, s’il en fallait encore, de l’impact immense qu’a eu ce joueur dans l’histoire de la Grande Ligue. On peut parler d’injustice pour les plus véhéments, de grand gâchis ou de parcours plus qu’atypique pour les plus modérés mais il faut surtout ne pas oublier de parler tout court de Connie Hawkins, ce Faucon de la balle orange, élevé sur les playgrounds new yorkais et dont l’héritage ne doit en aucun cas être sous-estimé. 

Unique, on vous dit ! 

Source citations : Slam Magazine